Pourquoi Air France-KLM a besoin d'une augmentation de capital... et voilà comment cela peut se passer

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1071  mots
Pour restaurer son bilan, le groupe devra tôt ou tard lancer une augmentation de capital de l'aveu même de plusieurs sources internes au groupe. Aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies, mais plusieurs connaisseurs du dossier tablent sur une fenêtre de tir fin 2014. L'objectif serait de lever au moins un milliard d'euros (pas moins de 700 millions en tout cas) pour rééquilibrer le bilan et retrouver des marges de manoeuvre si des opportunités capitalistiques se présentaient.

Pour les investisseurs, analystes, banquiers et même au sommet d'Air France-KLM, la question n'est pas tant de savoir si le groupe a besoin d'une augmentation de capital mais quand elle sera lancée. Si aucune décision n'est prise à ce stade, plusieurs sources proches du dossier estiment qu'une telle opération pourrait devenir d'actualité en fin d'année 2014, si les conditions étaient réunies. L'objectif n'est pas de résoudre des problèmes cash (fin 2013, la trésorerie du groupe dépassait les 4 milliards d'euros selon des analystes), mais de renforcer le bilan d'Air France-KLM, toujours déséquilibré en raison d'un fort endettement (5,4 milliards de dette nette à la fin du 3ème trimestre 2013) par rapport aux fonds propres. Interrogé, Air France-KLM n'a pas fait de commentaire. Ce vendredi, le titre reculait de plus de 2%.

 Réinjecter de l'equity

De l'avis général, avec un tel bilan, le groupe français ne peut faire l'impasse d'une augmentation de capital, même si sa situation s'est améliorée ces derniers temps. "Elle est nécessaire pour renforcer le bilan", indique-t-on en interne chez Air France-KLM. Le 20 février prochain, la publication des résultats 2013 d'Air France-KLM montreront que le groupe est revenu dans le vert en termes de résultats d'exploitation mais qu'il est resté dans le rouge en termes de résultat net.

"L'amélioration de la performance opérationnelle, sauf à imaginer qu'elle explose, ne sera pas suffisante pour effacer les pertes essuyées entre 2009 et 2012. Il faut réinjecter de l'equity", explique un connaisseur du dossier. "C'est un besoin structurel, avec un bilan mieux équilibré, on peut se financer à meilleur coût et retrouver des marges de manœuvre pour éventuellement intervenir si des opportunités de prises de participations capitalistiques se présentent", ajoute la même source. Et de préciser : "une fois le bilan d'équerre, le cours de l'action va forcément augmenter, car une situation financière plus solide rassurera le marché de la dette et le marché actions. Cela permettra à Air France-KLM de revenir dans la course à la consolidation".

La danse du ventre des banquiers

 Estimant que le plus dur est passé pour Air France-KLM, les banquiers s'agitent depuis quelque temps. Selon nos informations, tous vont faire la danse du ventre auprès de Pierre-François Riolacci, le nouveau directeur financier du groupe, pour lui expliquer qu'ils peuvent non seulement encadrer cette opération mais aussi la garantir.

 La hausse de 14,5% du cours de Bourse d'Air France-KLM depuis le début de l'année (8,686 euros ce jeudi en clôture), en ayant  tutoyé les 10 euros mi janvier, a remis au goût de jour l'éventualité de cette opération, sachant que pour la lancer, le cours doit obligatoirement se situer durablement au dessus de 10 euros pour ne pas "massacrer" les actionnaires actuels (dont l'Etat, qui détient près de 16%), lesquels se retrouveraient fortement dilués. 

Le cours doit obligatoirement monter à 12-13 euros

Selon plusieurs observateurs, une augmentation de capital ne peut s'envisager qu'à partir du moment où l'action s'établira autour de 12 à 13 euros, sachant que pour ce type d'opération, la décote pour l'émission des nouveaux titres devrait se situer aux alentours de 30%. Ceci dans l'idée de lever suffisamment d'argent dans la limite du nombre d'actions nouvelles que peut créer l'entreprise sans avoir à réunir une assemblée générale extraordinaire, un processus lourd qui ne s'impose pas dans le cadre d'une augmentation de capital pour restaurer le bilan. Soit 20% d'actions nouvelles, alors qu'Air France-KLM compte aujourd'hui 300 millions d'actions. Plusieurs sources estiment que cette augmentation de capital devrait viser au moins un milliard d'euros. Et qu'elle ne devrait pas, en tout cas, se situer en dessous de 700 millions. Aujourd'hui, la capitalisation d'Air France-KLM est de 2,6 milliards d'euros, quasiment dix fois moins que son partenaire américain Delta!

 Les conditions ne sont pas réunies

 Pour autant, une telle opération ne pourra voir le jour que si les conditions sont réunies. Pour l'heure, elles ne le sont pas. Le timing n'est pas encore le bon.

Ces conditions sont de plusieurs natures. "Il faut tout d'abord montrer aux investisseurs que le plan de restructuration est bel et bien sur les rails, que les objectifs seront respectés, que des perspectives de rentabilité se profilent à nouveau", explique un connaisseur du dossier.

 Depuis plusieurs mois, la direction d'Air France et d'Air France-KLM multiplie les discours encourageants à propos de la bonne exécution du plan de restructuration Transform. Pour rappel, lancé en janvier 2012, ce plan vise à réduire l'endettement de deux milliards, à 4,5 milliards d'ici à fin 2014, par la génération de deux milliards de cash flow (hors investissements). L'automne dernier, l'objectif a été repoussé d'un an. Pour y parvenir, des mesures de baisse de coûts ont été lancées (réductions d'effectifs, amélioration de la productivité…) pour améliorer de 20% l'efficacité économique de la compagnie en 2015 par rapport à 2012.

"On commence à voir la lumière", indiquait récemment devant la presse le PDG d'Air France-KLM Alexandre de Juniac. "Le plan Transform se déroule au jour près, il est même parfois en avance sur certains points. Il reste néanmoins encore un bout de tunnel à accomplir", avait-il ajouté

 Autre condition : "que l'environnement soit porteur pour la croissance", explique un analyste, un point qui n'est pas aujourd'hui intégré dans les perspectives d'évolution de cours des analystes. "En zone euro, nous ne sentons pas les effets de la reprise", expliquait mardi Alexandre de Juniac, en aparté de la présentation du nouveau siège business d'Air France. "Dès qu'il y a une reprise, on se frottera les mains", assure t-on dans son entourage. Le transport aérien est en effet un secteur où l'élasticité du trafic au PIB est très forte. A la hausse comme à la baisse.

Le dossier Alitalia fait peur aux investisseurs

Enfin, le dossier Alitalia doit être clarifiée. "Il fait peur aux investisseurs" explique un analyste. Après avoir refusé de participer à l'augmentation de capital de 300 millions d'euros demandée aux actionnaires d'Alitalia fin 2013, Air France-KLM a indiqué que si Etihad investissait dans la compagnie italienne,"il regarderait". Très prudent, Alexandre de Juniac n'accompagnera pas Etihad sans une restructuration industrielle et financière d'Alitalia.

 Last but not least, toute opération de marché ne pourra se faire que si les marchés financiers sont bons, comme aujourd'hui.