Air France-KLM : "2018 commence sous des auspices plus difficiles", dit son PDG

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1018  mots
Lors d'une audition au Sénat ce jeudi, Jean-Marc Janaillac, le PDG du groupe français de transport aérien, a expliqué avec une augmentation du prix du carburant et d'une pression concurrentielle beaucoup plus forte.

Si l'année 2017 a été une année record pour Air France-KLM en termes de trafic et probablement en termes de résultat opérationnel, l'année 2018 s'annonce plus difficile de l'aveu même de son PDG, Jean-Marc Janaillac.

"L'année 2018 commence sous des auspices différents et un peu plus difficiles", a-t-il indiqué ce jeudi, lors d'une audition au Sénat, en pointant le prix du pétrole qui a assez fortement augmenté ces dernières semaines après avoir "été relativement bas en 2017", et une "pression concurrentielle beaucoup plus forte" que celle observée l'an dernier, laquelle était "relativement modérée" avec une hausse des capacités plus ou moins en ligne avec la hausse de la demande.

Les compagnie du Golfe repartent à la charge

En 2018, "les compagnies du Golfe, qui s'étaient un peu calmées repartent à l'offensive, suivies par Turkish Airlines qui s'était mise aussi en sourdine", mais aussi par les "compagnies chinoises et d'Asie du sud-est", qui augmentent elles aussi "assez fortement leur offre", sans oublier "l'arrivée en force des compagnies low-cost long-courriers" comme Norwegian ou Level, la compagnie du groupe IAG (British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vueling).

A cette vive concurrence sur le long-courrier s'ajoute "une augmentation de la présence des low-cost en France avec Easyjet qui met en place des bases supplémentaires, Volotea qui augmente son offre" et le développement annoncé de Ryanair.

Chute du cours de Bourse

Ce durcissement de l'environnement par rapport à une année 2017 où toutes les planètes étaient alignées, n'a pas échappé aux analystes financiers. Après le quadruplement du cours de Bourse l'an dernier, la baisse de de l'action Air France-KLM depuis le début de l'année, et notamment depuis le 9 janvier (-10% depuis), traduit leurs inquiétudes. Plusieurs analystes ont en effet dégradé leur recommandation du groupe français. Après HSBC le 11 janvier qui a abaissé son objectif de cours de 15,5 à 14 euros, Morgan Stanley a également ramené le sien ce vendredi à 14 euros, contre 18,35 euros jusqu'ici.

Les cours du brut ont touché cette semaine un plus haut depuis décembre 2014, à plus de 70 dollars pour le baril de Brent et à plus de 64 dollars pour le baril de brut léger américain (WTI). Début décembre l'association internationale du transport aérien (IATA) indiquait tabler pour cette année sur une hausse du prix du Baril de 10% par rapport à l'an dernier et de 12,5% pour ce qui concerne le prix du kérosène, à près de 74 dollars le baril.

"Au vu du faible profil de marge d'Air France-KLM vis-à-vis de ses concurrents, auquel s'ajoute une plus grande sensibilité au prix du carburant que les autres compagnies traditionnelles et à bas coûts, nous avons décidé de dégrader notre recommandation à sous-pondérer contre pondération en ligne, même s'il reste un potentiel de hausse sur notre objectif de cours", expliquent les analystes de Morgan Stanley.

650 millions de surcoûts au cours d'aujourd'hui

Ses collègues de HSBC ajoutent qu'Air France-KLM est moins bien couverte que Lufthansa par exemple face à une hausse de prix du carburant. Dans une note publiée le 15 janvier, Oddo BHF estimait qu'au cours actuel du baril, et en tenant compte des niveaux de couvertures carburant, la facture du groupe français pourrait grimper de 650 millions de dollars en 2018. Oddo BHF a maintenu son objectif de cours à 12,5 euros.

Pour autant, le scenario observé l'an dernier, avec une hausse du prix du baril en début d'année avant de retomber par la suite, appelle à la prudence.

Nouveau plan stratégique

S'il s'est félicité de la bonne performance enregistrée en 2017, Jean-Marc Janaillac a néanmoins rappelé que "beaucoup de chemin restait à faire" et que le groupe et "plus particulièrement Air France" n'en était "qu'au début d'une transformation, qui doit être poursuivie et amplifiée", car "nos résultats, s'ils se sont améliorés, restent assez largement inférieurs à ceux de nos concurrents".

"Cela traduit un écart par rapport à nos concurrents et un écart assez significatif de résultat opérationnel entre Air France et KLM", a-t-il déclaré, en citant un taux de marge opérationnelle de 6% pour Air France-KLM (4% pour Air France et 9% KLM) contre 10% chez Lufthansa et 12% chez British Airways. Pour améliorer la compétitivité et la rentabilité du groupe, Jean-Marc Janaillac a confirmé la préparation d'un plan stratégique à cinq ans, qui sera présenté au conseil d'administration en juin pour une mise en place à partir de 2019.

"Le principal enjeu stratégique de ce plan est de définir la place et le rôle d'Air France et de ses filiales sur le réseau domestique", a précisé Jean-Marc Janaillac, en ajoutant qu'un appel d'offres pour le renouvellement d'une partie de la flotte court et moyen-courrier d'Air France, HOP, Transavia et KLM serait lancé en juin pour une décision à la fin de l'année.

Le poids de l'environnement français dans le déficit de compétitivité

Jean-Marc Janaillac a par ailleurs souligné qu'une partie du déficit de compétitivité d'Air France provient de l'environnement français, en rappelant la situation singulière d'Air France par rapport à aux entreprises tricolores d'autres secteurs. "Air France exporte 60% de son chiffre d'affaires à l'international, est en concurrence sur l'ensemble de ses lignes avec des acteurs internationaux et 97% de ses salariés sont sous contrats français", a-t-il fait valoir.

Ce dernier a déploré le niveau de redevances d'ADP, le gestionnaire des aéroports parisiens qui est "parmi les plus coûteux avec une évolution assez dynamique de ses redevances", mais aussi le niveau de taxes spécifiques au transport aérien en France, "supérieur aux autre pays", et "le coût des contributions sociales".

"Lufthansa paye des charges patronales à hauteur de 25% plafonnée à 100.000 euros de salaires quand Air France paie 46% de manière non-plafonnée. Au final, l'écart de coûts est 400 millions d'euros. C'est difficile à rattraper", a-t-il expliqué.

Ces sujets de compétitivité seront abordés aux Assises du Transport aérien qui débuteront début mars.