Air France : "L'accord salarial que nous proposons est sans précédent" (DG)

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1013  mots
Franck Terner, directeur général d'Air France
Dans un entretien à La Tribune, Franck Terner, le directeur général d'Air France, assure que sa proposition de hausse des grilles de salaires de 7% (hors avancement lié à l'ancienneté, promotions et augmentations individuelles) entre 2018 et 2021 est équilibrée. Il suggère à l'intersyndicale de consulter les salariés sur cette proposition, jugée "indécente et farfelue" par le syndicat des pilotes SNPL.

LA TRIBUNE - Quel regard portez-vous sur ce neuvième jour de grève depuis février sur la question des salaires ?

Cette grève a un impact extrêmement important. Elle est en train de gâcher nos résultats, notre image et la confiance que nous portent nos clients. Cette grève est un gâchis après des années d'efforts. La situation est difficile pour les 90% des salariés qui sont au travail, mais toutes les équipes sont mobilisées pour limiter l'impact sur les clients.

FRANCK TERNER - Vous avez fait une proposition portant sur une hausse des grilles de salaires de 7% entre 2018 et 2021 (hors avancement de l'ancienneté, augmentations individuelles..) soumise à la signature des syndicats jusqu'à ce vendredi midi. Le syndicat des pilotes SNPL a jugé votre proposition « indécente ». Que répondez-vous ?

Nous avons proposé une augmentation des grilles salariales de 2% en 2018 et de 5% entre 2019 et 2021, ce qui fait donc une hausse de 7% au cours de cette période. A cela, s'ajoutent les promotions, les augmentations individuelles en moyenne de 1,4% pour le personnel au sol et de l'ordre de 2% pour les navigants en moyenne pour la population chaque année. J'ai du respect pour les revendications. Il ne m'appartient pas de me prononcer sur leur légitimité ou pas. Les salariés ont exprimé des attentes qui sont plus ou moins relayées par l'intersyndicale. Je les entends. Pour autant, ma responsabilité est bien entendu d'y répondre, mais aussi de garantir qu'Air France va poursuivre la trajectoire sur laquelle nous l'avons mise dans le cadre du plan Trust Together, lequel s'est traduit par une croissance importante de notre offre  à l'hiver 2017 et pour 2018.

Cette croissance est bénéfique pour les salariés parce qu'elle permet de créer des emplois comme nous le faisons actuellement pour les pilotes. Tous ces efforts qui ont été faits au cours de ces années permettent aujourd'hui de parler d'augmentation des rémunérations. Quand l'intersyndicale demande d'une certaine manière le remboursement des efforts, je suis obligé de dire que cela n'a pas de sens. Car, si Air France est dans la situation dans laquelle elle se trouve aujourd'hui avec des résultats positifs, une trajectoire de croissance qui permet de parler d'augmentation des rémunérations, c'est précisément parce que les salariés ont fait des efforts. Il y a un contre-sens à vouloir aujourd'hui revenir en arrière. C'est de mon point de vue le meilleur moyen de se remettre dans la situation économique difficile dans laquelle nous étions en 2011. Qu'est-ce qui a changé par rapport à 2011 ? La concurrence est-elle moins vive ? Les prix des billets ont-ils tellement augmenté que la situation d'Air France serait subitement meilleure aujourd'hui ? Non, la situation d'Air France est meilleure parce que nous avons fait tous ces efforts. Aujourd'hui, nous apportons un certain nombre de réponses concrètes et fortes aux attentes des salariés.

Mais votre proposition est très éloignée de celle de l'intersyndicale qui demande une hausse de 5,1% pour la seule année 2018 pour rattraper le niveau d'inflation perdu par le gel des grilles de salaires depuis 2011.

Pourquoi proposons-nous un accord pluriannuel ? Car c'est le moyen pour Air France de supporter une augmentation des coûts de 200 millions d'euros que représente la proposition des syndicats. Pour une compagnie qui a fait 588 millions d'euros de résultat d'exploitation en 2017, commencer l'année 2019 avec une telle augmentation des coûts n'est pas raisonnable.

L'accord que nous proposons est sans précédent. Il permet  de répondre aux attentes de revalorisation des salariés et de les étaler dans le temps pour permettre de vérifier que l'équilibre d'Air France -qui rend possible ces augmentations de salaires-, est maintenu. Cet accord est équilibré parce qu'il augmente les rémunérations des salariés et permet à Air France de poursuivre sa trajectoire de croissance. Mais aussi parce qu'il contient des conditions qui protègent les salariés et l'entreprise. Si l'inflation est supérieure à nos prévisions, les hausses de salaires en tiendront compte. Si l'entreprise perd de l'argent [si le résultat d'exploitation est inférieur à 200 millions d'euros, Ndlr], elles seront revues à la baisse. C'est un accord sans précédent. Aller au-delà serait prendre un risque pour l'entreprise que nos salariés nous reprocheraient d'avoir pris ultérieurement. Quand nos concurrents ont tous augmenté la rémunération de leurs personnels de 5% ou 6% environ, ils l'ont tous fait à travers des accords pluriannuels, et ont tous demandé et obtenu des contreparties, même de la part de ceux qui avaient déjà fait des efforts importants.

Si l'accord n'est pas signé vendredi, que se passera-t-il ?

Je renvoie la question aux organisations syndicales. Nous avons, je le répète,  proposé un accord équilibré. Les organisations syndicales le refuseront-elles et poursuivront-elles la grève ? C'est une vraie question. J'en appelle à leur responsabilité. La grève est un droit, mais je crois que notre proposition, si j'en juge par les interactions que j'ai avec les salariés, est plutôt bien reçue. D'ailleurs, si je peux me permettre, je suggérerais bien à l'intersyndicale de consulter les salariés.

Avec les « ordonnances Macron », l'employeur pourra, à partir du 1er mai et au bout d'un mois, lancer une consultation pour valider un accord.  L'envisagez-vous?

Non, à ce stade, nous ne l'envisageons pas.

Quel est l'impact du conflit sur vos réservations pour les ponts de mai et pour les vacances estivales ?

Elles restent soutenues pour l'instant. Le marché reste pour l'instant favorable..

Air France peut-il terminer l'année dans le rouge ?

L'enchaînement des jours de grève va peser lourdement sur les résultats du premier trimestre. Multiplier les jours de grève chaque mois, ça finira par peser de manière négative sur l'année.

Justement, en plus des préavis déjà posés pour les 23 et 24 avril, d'autres appels à la grève pourraient suivre...

Je ne pourrais que le déplorer. Multiplier les journées de grève sur le mois de mai me paraîtrait irresponsable.