Air France pourrait clouer au sol des B787 pour une affaire incroyable !

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  740  mots
Le premier B787 est entré dans la flotte d'Air France en décembre 2016
Alors que le conflit salarial se durcit avec l'annonce par l'intersyndicale de nouvelles grèves en mai, le SNPL a ouvert un nouveau front en refusant pour l’heure de signer un accord sur le protocole instructeurs des B787. Sans accord d’ici au 30 avril, la compagnie va manquer d’instructeurs pour former et entretenir les compétences des pilotes, et risque de devoir clouer la moitié des Dreamliner qu’elle exploite.

En plein conflit salarial qui a déjà entraîné 9 jours de grève pour un coût de 220 millions d'euros, la direction et le SNPL bataillent sur un autre front, dont les conséquences sont là aussi très importantes financièrement. En raison d'un nouveau différend entre les deux parties, la compagnie pourrait être contrainte de clouer au sol une partie de ses Boeing 787, le nec plus ultra de sa flotte, composée de six appareils depuis l'arrivée du sixième exemplaire le 8 avril. Ceci en raison, non pas d'un quelconque problème technique constaté sur les avions ou d'un effritement soudain de la demande, mais d'un manque de pilotes instructeurs pour cet avion.

« La poursuite de nos opérations 787 est aujourd'hui conditionnée par la prolongation, par le SNPL, de l'accord relatif à la mise en ligne du 787 (signé en juillet 2016). Le SNPL a accompagné le lancement du 787 depuis l'origine du projet. Cet accord permet l'utilisation d'instructeurs issus du 777, assurant majoritairement les actes d'instruction et de contrôle, le temps de permettre l'arrivée progressive d'instructeurs 787 appelés à terme à les remplacer. Il prend fin le 30 avril et nous sommes toujours en attente de la signature de sa prolongation, malgré une échéance très proche », ont récemment écrit deux commandants de bord de B787, Thierry Bellot, responsable du projet 787 et Serge Vito, responsable de la formation 787, dans un courrier adressé aux pilotes d'Air France pour les informer « sans aucun esprit polémique mais sans masquer non plus les réalités ».

Selon eux, sans prolongation de l'accord, la quasi-totalité des instructeurs B787 serait contrainte de retourner sur 777. Il n'en resterait plus que que 9, dont 4 contrôleurs ou examinateurs dits TRE (type rating examinator).

Risque de ne pouvoir utiliser que 3 B787 sur 6 (sur 7 en novembre)

Les conséquences seraient énormes, car Air France serait dans l'impossibilité de former les derniers pilotes prévus pour la saison en cours et serait contrainte d'annuler  la quasi-totalité des qualifications type de l'été 2018. Par ailleurs, faute d'examinateurs, la compagnie ne serait plus en mesure de mener à bien les contrôles des pilotes au simulateur qui prorogent leur qualification, ce qui entraînera, expliquent les deux auteurs du courrier, « l'arrêt progressif des pilotes 787 et la réduction de l'utilisation de la flotte à 4 puis 3 B787 sur 7 », en incluant le dernier exemplaire qui doit être livré en novembre. Au prix des mensualités de paiement d'un avion neuf coûtant 280 millions de dollars au prix catalogue, un tel scénario serait extrêmement coûteux. Selon certaines sources, un appareil pourrait être « groundé », dès le mois de mai.

Un autre bras de fer à l'origine de cette situation

Pour la direction d'Air France, le refus de signer l'accord est lié à un différend sur un autre sujet.

« Nous avons des discussions avec le SNPL sur de nombreux sujets très différents. Nous avons un débat sur les protocoles d'analyse des vols. Le SNPL voudrait que la décision du caractère acceptable ou pas d'un retour d'expérience sécurité des vols se fasse de manière paritaire entre la direction et le syndicat. Or cela pose un problème de réglementation et d'exercice des responsabilités pour la Direction.  Comme nous n'arrivons pas à signer cet accord, le SNPL dit qu'il ne signera pas l'accord de prolongation des instructeurs 787. Le débat n'est pas clos, mais il est évident que si nous n'arrivons pas à avancer, il arrivera un moment où nous n'aurons plus suffisamment d'instructeurs 787 et que progressivement les avions s'arrêteront car nous ne pourrons pas poursuivre les  qualifications de pilotes et ni maintenir les compétences règlementaires. C'est une très très lourde responsabilité", a déclaré à La Tribune, Franck Terner, le directeur général d'Air France.

Joint ce jeudi par La Tribune, Philippe Evain, le président du SNPL Air France, a répondu qu'il n'était pas disponible.

Le B787 a déjà fait l'objet d'une polémique à Air France quand, en mai 2016, les trois administrateurs de l'Etat, mais aussi l'une des administratrices indépendantes, s'étaient opposés à la livraison des premiers appareils (en décembre 2016 pour le premier), qui pouvait donner, selon eux, un message positif aux pilotes, alors que ces derniers avaient refusé à l'époque de signer un accord sur des mesures d'économies.

Lire ici l'analyse : Air France : l'exemple inquiétant de 2008 plane sur le conflit salarial