Baisse des coûts en vue pour la SNCF : la troisième lame du rasoir pour les cheminots

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  652  mots
"La grève s'annonce dure, car nous sommes, à tort ou à raison, dans une ambiance très 'cheminots bashing' avec les incidents techniques, le discours fin février d'Édouard Philippe. Beaucoup de cadres sont remontés. Un esprit de corps qui s'est créé récemment en disant 'on nous attaque, on va réagir' ", expliquait récemment une source haut placée à la SNCF. (Crédits : Regis Duvignau)
Après le rapport Spinetta en février et au lendemain de la présentation du projet de loi de réforme de l'entreprise, la direction a remis ce jeudi la feuille de route d'un plan stratégique qui vise à gagner en compétitivité. Les syndicats sont sur le pied de guerre.

C'est la troisième lame du rasoir pour les cheminots de la SNCF. Celle qui va aiguiser davantage leur inquiétude et leur colère face à la révolution à venir de leurs conditions de travail que cherchent à mettre en place son actionnaire, l'État, et sa direction, pour affronter l'ouverture à la concurrence du marché ferroviaire d'ici à 2023.

Après le rapport Spinetta en février qui a pointé les incohérences et les lourdeurs du système et de la politique ferroviaire, puis la présentation ce mercredi du projet de loi d'habilitation pour la réforme de l'entreprise publique, la direction de la SNCF a présenté ce jeudi à sa ministre de tutelle, Elisabeth Borne, la feuille de route d'un plan stratégique visant à créer une « nouvelle SNCF, plus forte (...) dans un secteur qui sera ouvert demain à la concurrence», selon la ministre.

Aligner les coûts sur les concurrents signifie les baisser de... 27%

Ce plan s'annonce décoiffant puisqu'il vise à « aligner les coûts de la SNCF sur les standards européens, d'améliorer la polyvalence des métiers, de réorganiser le travail, de former aux métiers de demain, de renforcer la productivité industrielle, de moderniser le dialogue social et de mieux intégrer toutes les mobilités ».

Aligner les coûts de la SNCF sur ses concurrents signifie baisser les coûts de 27%. C'est énorme. Certes le plan actuel de baisse des coûts de 2,5 milliards d'euros d'ici à 2020 par rapport à 2016 va contribuer à réduire cet écart, mais il restera encore une très grande marche à monter. L'épineuse question de la productivité sera donc abordée et la façon de travailler s'apprête donc à être bouleversée. La concertation avec les syndicats s'annonce très tendue.

Un pacte d'entreprise comme à La Poste

Un peu comme Jean-Paul Bailly l'avait fait à La Poste entre 2003 et 2007, le patron de la SNCF Guillaume Pepy compte négocier avec eux un "pacte d'entreprise", ciment de ce "projet stratégique".

Ce "pacte d'entreprise, un peu comme il en a existé à La Poste (...) est un contrat entre l'État, qui apporte des choses (...), l'entreprise qui se transforme, et les salariés", a expliqué Guillaume Pepy.

"Notre idée, c'est d'arriver à concerter un cadre commun d'entreprise. (...) C'est celui qui fédère, c'est celui qui unit les cheminots, et ce doit évidemment être un cadre qui est attractif, un cadre qui est moderne et qui permet à la SNCF d'atteindre ses ambitions."

Grève dure

Il n'empêche, ce plan et la perspective de la fin du régime spécial des retraites des cheminotes risquent de susciter une réponse en règle des syndicats qui doivent décider ce jeudi de lancer ou pas un mouvement. Une grève reconductible semble acquise.

"La grève s'annonce dure, car nous sommes à tort ou à raison dans une ambiance très 'cheminots bashing' avec les incidents techniques, le discours fin février d'Édouard Philippe. Beaucoup de cadres sont remontés. Un esprit de corps qui s'est créé récemment en disant 'on nous attaque, on va réagir' ", expliquait récemment une source haut placée à la SNCF.

Christophe Castaner, délégué général de La République en marche et secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement, a concédé que le gouvernement s'inquiétait d'une possible grève dure.

Un mouvement que feint de ne pas comprendre Elisabeth Borne.

"Je ne comprends pas la grève alors que la concertation est en cours sur des sujets très importants pour les cheminots. Ces derniers veulent savoir comment ça va se passer, les réponses sont à bâtir dans la concertation, dans la négociation. Les cheminots attendent des réponses", a-t-elle expliqué.

Interrogé sur l'opposition des syndicats à la réforme, Guillaume Pepy a répondu :

"Face à des points d'inquiétude, la seule réponse, c'est la discussion, et, ensuite, l'action."