Coup de sang du SNPL Transavia : "la paix sociale est levée"

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1074  mots
Dans un courrier adressé au PDG de la filiale low-cost d'Air France, la section Transavia du SNPL a déclaré lever la paix sociale au sein de la compagnie au motif qu'il est tenu à l'écart des réunions sur l'avenir du développement de Transavia, contrairement au SNPL Air France. Un épisode supplémentaire de la forte tension qui existe entre les pilotes historiques de Transavia et les pilotes d'Air France détachés chez Transavia.

Ça chauffe chez Transavia France. Un mois après avoir déminé une menace de grève des hôtesses et stewards, la filiale à bas coûts d'Air France est aujourd'hui confrontée à la grogne de ses pilotes. Dans un courrier adressé ce lundi au PDG de Transavia France Antoine Pussiau, le SNPL Transavia a "levé la paix sociale au sein de la compagnie", en réponse à sa mise à l'écart de "la première réunion d'un groupe de travail sur Transavia et son développement" qui a eu lieu le 24 novembre en présence d'Antoine Pussiau, de membres de la direction d'Air France, de Bram Gräber, le PDG de Transavia Holland, et du bureau du SNPL Air France.

"Nous devons condamner que vous même, PDG de Transavia France, préférez aller négocier l'avenir de Transavia avec le bureau syndical d'une entreprise qui n'est pas celle que vous dirigez", écrit le SNPL Transavia dans son courrier que La Tribune s'est procuré. "Les sujets stratégiques qui concernent au premier chef notre entreprise sont traités et négociés en dehors de la sphère légitime de Transavia», y-est-il ajouté.

21 jours pour trouver une solution

Le SNPL Transavia est le syndicat représentatif au sein de la compagnie low-cost française. Ce dernier exige d'être associé aux réunions "pour aboutir à un accord" et demande la présence du PDG d'Air France, Frédéric Gagey "puisque aucune décision ne semble se prendre sans la présence des représentants d'Air France"

"Dans ce système de levée de la paix sociale, 21 jours sont accordés pour donner une chance de trouver un accord" explique un syndicaliste. A défaut, "tout est possible, notamment la grève", fait-il remarquer en rappelant que "dans 21 jours, ce sera les fêtes de Noël".

Pour autant, peu de chance que cette grogne débouche sur une grève. Car, selon un bon connaisseur de l'entreprise, "ce courrier va provoquer une série de réunions qui seront de nature à calmer les esprits".

Interrogé, Antoine Pussiau tient à dire qu'"il n'y a aucune négociation avec les pilotes d'Air France" et que la réunion évoquée dans le courrier était une réunion d'information avec les deux actionnaires de Transavia France (Air France et Transavia Holland) pour les pilotes d'Air France à quelques jours de l'annonce de la création d'une base à Munich par Transavia Holland, un dossier que connaissait déjà bien le SNPL Transavia. Et d'ajouter : "je suis favorable à la mise en place de réunions de discussion avec les managements des deux compagnies et les deux sections du SNPL autour de la table."

Deux catégories de pilotes

Ce coup de sang du SNPL Transavia traduit les tensions au sein de la communauté pilotes qui volent pour Transavia, laquelle se divise en deux catégories : les pilotes de Transavia d'un côté et les pilotes d'Air France détachés chez Transavia de l'autre. Ces deux catégories se regardent en chiens de faïence.

Recrutés au sein des filiales d'Air France, Regional ou Britair, au moment de la création de Transavia en 2007, puis en externe au groupe, les pilotes "historiques" de Transavia estiment que les pilotes détachés d'Air France chez Transavia (aux conditions Transavia) sont favorisés. Dans la même veine, le SNPL Transavia s'agace de voir l'avenir de ses pilotes négocié par le syndicat des pilotes d'Air France.

Une situation justifiée pour un grand nombre de pilotes d'Air France.

"Il ne faut pas oublier que Transavia a été créée par la volonté des pilotes d'Air France et que tout son développement s'est fait avec l'argent d'Air France", explique un pilote d'Air France.

Transavia France est effectivement né avec l'accord de création de Transavia signé en 2006 par la direction d'Air France et le SNPL Air France avec pour actionnaires Air France à 60% et Transavia Holland, la low-cost de KLM, à hauteur de 40%.

"La stratégie est calée depuis le début avec Air France, c'est un fait. Les pilotes de Transavia ont tendance à l'oublier", renchérit un directeur d'Air France.

Les pilotes détachés d'Air France majoritaires chez Transavia

La présence du SNPL Air France à la table des négociations de Transavia se justifie d'autant plus selon plusieurs pilotes d'Air France que les pilotes détachés d'Air France sont devenus majoritaires chez Transavia et que leur poids ne va cesser d'augmenter au fur et à mesure que Transavia se développera. En effet, les pilotes d'Air France sont prioritaires pour aller chez Transavia.

Le gros point de tension se situe au niveau de la liste de séniorité (un système qui définit, selon l'ancienneté, l'évolution des carrières et du niveau de rémunération) commune qui a fait l'objet d'un accord l'an dernier. Il suscite néanmoins la grogne.

"Avec ce système, des copilotes de Transavia embauchés en 2009-2010 à Transavia peuvent passer commandant de bord en 2016 tandis que les derniers copilotes embauchés à Air France sur A320 en 2007-2008 sont toujours copilotes", déplore un pilote d'Air France. "Et ce alors que les pilotes de Transavia n'ont pas obtenu la sélection Air France", ajoute-t-il.

Pas d'accord sur des bases temporaires à Nantes et Lyon

De leur côté, les pilotes de Transavia dénoncent une interprétation par la direction de Transavia de l'accord de détachement "exclusivement en faveur des pilotes en provenance ou à venir d'Air France". Cette interprétation "est devenue insupportable pour la population de pilotes que nous représentons", indique le SNPL Transavia dans son courrier.

Selon le SNPL Transavia, les postes de commandant de bord qui vont se libérer à partir de janvier vont être attribués à des détachés d'Air France alors qu'ils auraient dû revenir à des pilotes historiques de Transavia.

Résultat de ces tensions, le SNPL Transavia qui est pourtant favorable à la création de bases à l'étranger, a refusé de signer un protocole d'accord "permettant l'ouverture de bases temporaires à Nantes et à Lyon dans la mesure où 70% des postes de copilotes auraient été attribués à des pilotes ayant intégré la compagnie en 2015 en laissant de côté certains pilotes historiques présents dans la compagnie depuis plus de huit ans".

Pendant que les pilotes se chamaillent, la concurrence ne cesse de s'accentuer en Europe et en France.