Grève à Air France : la direction sous pression

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  677  mots
(Crédits : PASCAL ROSSIGNOL)
Après la grève du 23 mars, onze syndicats de la compagnie française ont appelé ce lundi à la grève pour les 3 et 7 avril, en plus de l'arrêt de travail prévu ce vendredi.

Les syndicats d'Air France font monter la pression sur la direction à la veille d'une journée de négociation sur la question salariale. Après la grève du 23 mars, onze syndicats de la compagnie française ont appelé ce lundi à la grève pour les 3 et 7 avril, en plus de l'arrêt de travail prévu ce vendredi.

Demande d'une hausse salariale de 6%

"Nous allons durcir le rythme des mouvements" face à une direction qui, "en n'apportant aucune réponse concrète" aux revendications exprimées les 22 février et 23 mars, "campe sur ses positions et cherche la division", indiquent dans un communiqué les organisations de pilotes (SNPL, Spaf, Alter), d'hôtesses et stewards (SNPNC, Unsa-PNC, CFTC, SNGAF) et de personnels au sol (CGT, FO et SUD). Cette intersyndicale à laquelle s'ajoute l'Unac, l'un des trois syndicats représentatifs parmi les hôtesses et stewards (exclu de l'intersyndicale), réclame toujours "une augmentation générale de 6% des grilles de salaire afin de rattraper l'inflation" accumulée depuis 2011.

Accord signé par la CFDT et la CFE-CGC

Ces syndicats s'opposent à l'accord minoritaire signé à l'issue des négociations annuelles obligatoires (NAO) par la CFE-CGC et la CFDT (31,3% des voix du personnel) qui prévoit 1% d'augmentation générale en deux temps pour 2018 (assortie d'une enveloppe d'augmentations individuelles de 1,4% pour les personnels au sol (les augmentations individuelles des personnels navigants étant régies par des accords collectifs spécifiques).
Un niveau jugé insuffisant par les syndicats grévistes au regard des résultats financiers de la compagnie. Ils demandent ainsi une augmentation de 240 millions d'euros, qui représentent 40,8% du résultat d'exploitation dégagé par la compagnie en 2017 (588 millions d'euros). Avec d'autres mesures comme l'intéressement, la somme s'élève même à 300 millions d'euros.

Menace sur les recettes

L'équation est terriblement complexe pour la direction. Sur le plan financier, ce conflit intervient au moment où un grand nombre de clients réservent leurs vacances d'été, la période la plus lucrative pour la compagnie. Ceci alors que l'année 2018 sera probablement moins florissante que l'année précédente en raison notamment de la montée du prix du carburant.

«La menace d'un conflit dur peut en dissuader beaucoup de voler sur Air France, notamment la clientèle étrangère qui avait prévu de passer par la compagnie française pour un vol en correspondance », fait remarquer un observateur, qui rappelle l'impact négatif des mouvements sociaux en termes d'image.

Pour autant plusieurs éléments n'incitent pas la direction à céder. Après avoir qualifié les revendications syndicales comme un danger pour l'avenir de la compagnie, la direction a beaucoup à perdre à pas apporter sur un plateau une victoire aux syndicats, et au SNPL en particulier. Notamment à l'aube de la présentation en juin d'un plan stratégique dont certaines mesures devront passer par une négociation avec le syndicat des pilotes de ligne.

"Nous ne pouvons pas aller plus loin. Je ne veux pas sacrifier l'avenir d'Air France en mettant en péril nos atouts. Nous avons accumulé trop de retard par rapport à nos concurrents", a indiqué récemment le PDG d'Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac.

Surtout, en cédant, elle porterait un coup très dur aux deux syndicats signataires de l'accord salarial, la CFDT et la CFE-CGC, deux signataires habituels. En donnant une prime aux non-signataires, la direction se mettrait à dos la CFDT et la CFE-CGC et mettraient ces derniers dans une situation très inconfortable pour les prochaines élections professionnelles dans un an.

«Il y a évidemment une dimension électorale dans ce mouvement », explique un syndicaliste.

« Si elle cède, la direction définira avec quels syndicats elle négociera demain », fait valoir un pilote.

Pour lui, la direction peut se mordre les doigts. «Sans aller jusqu'à 6%, si la direction ne s'était pas entêtée à vouloir donner 1% mais avait accordé une hausse équivalent à deux fois l'inflation, autour de 2%, il n'y aurait pas eu de grève. Là, la direction va faire perdre beaucoup d'argent et va être obligée de lâcher », assure-t-il.