Grèves à Air France : le président met sa tête sur le billot pour arrêter "le désastre"

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  794  mots
Comme l'ancien PDG Christian Blanc l'avait fait en 1994 pour contourner l'opposition syndicale, Jean-Marc Janaillac, le président de la compagnie, va consulter les salariés sur ses propositions salariales, rejetées par les syndicats, pour sortir d'un conflit qui s'enlise après neuf jours de grève. Jean-Marc Janaillac a conditionné son avenir à la tête du groupe à l'approbation de cette consultation.

Coup de tonnerre à Air France. Alors que le conflit salarial s'enlise avec le refus des syndicats de signer la proposition d'accord de la direction que celle-ci avait soumise à signature jusqu'à ce vendredi midi, et la perspective d'une nouvelle salve de grèves en mai qui ne feront qu'alourdir le coût du conflit qui, aujourd'hui, après 9 jours de grèves, s'élève déjà à 220 millions d'euros, Jean-Marc Janaillac, le Pdg d'Air France-KLM et Président d'Air France, a décidé de consulter directement les salariés sur sa proposition en lançant un référendum, comme l'avait fait en 1994 Christian Blanc pour sauver Air France. À la différence près qu'aujourd'hui, il ne s'agit pas tant de sauver la compagnie que d'empêcher qu'elle ne s'autodétruise.

"Après 9 jours de grève qui ont coûté 220 millions d'euros et peut-être autant devant nous, ma responsabilité est de mettre fin à cette paralysie pour ne pas mettre en péril les efforts consentis. Ce conflit est insoutenable, il fragilise l'entreprise et l'empêche de s'atteler aux chantiers qu'elle doit mener. Cette situation est devenue insupportable pour les 90% de salariés non grévistes. En tant que Président, ma responsabilité est de garantir l'avenir de la compagnie. Je ne peux pas accepter l'autodestruction en cours et cette impasse. La seule option est l'appel à l'engagement de tous les salariés pour le redressement de l'entreprise. Pour mettre fin au désastre et engager l'ensemble de la compagnie dans cette dynamique de croissance, j'ai décidé de faire en sorte que chacun puisse faire entendre sa voix", a déclaré Jean-Marc Janaillac, lors d'un point presse.

"J'en tirerai toutes les conséquences"

La consultation aura lieu du 26 avril à début mai. Comme souvent dans ce genre de référendum, ce dernier a mis sa démission en jeu puisqu'il tirera du résultat "toutes les conséquences". Jean-Marc Janaillac ne risque pas grand-chose néanmoins. Les grévistes ne représentent en effet que 10% des effectifs.

Avec ce référendum, la direction espère en effet aboutir à un accord sur sa proposition.

"Nous estimons que si la majorité des salariés se prononce en faveur de l'accord, nous représenterons l'accord à signature et il appartiendra aux organisations syndicales de prendre leurs responsabilités", a expliqué Jean-Marc Janaillac.

Dialogue de sourds

Cette décision lourde de conséquences traduit le constat par Jean-Marc Janaillac que les négociations sur les salaires ne pourront jamais aboutir. Pour rappel, cette proposition prévoit une hausse des salaires de 2% en 2018 et de 5% entre 2019 et 2021 (hors avancement automatique liée à l'ancienneté, augmentations individuelles....). Insuffisant pour les syndicats qui demande une augmentation de 5,1% (hors GVT...) pour la seule année 2018 pour rattraper le niveau d'inflation perdu depuis le gel des grilles des salaires en 2011 (mais pas des rémunérations qui ont continué de progresser en raison du GVT pour 90% des salariés selon la direction).

Pour Jean-Marc Janaillac, la direction est allée au bout de ce qu'elle pouvait faire. Aller plus loin s'est mettre l'entreprise en danger, dit-il.

"Air France n'a pas les moyens d'augmenter brutalement ses coûts. Nos partenaires sociaux doivent accepter cette réalité et cesser de vivre dans un passé révolu depuis de nombreuses années. Quand l'intersyndicale demande le remboursement des efforts du passé, cela n'a pas de sens. Si Air France est aujourd'hui dans  une meilleure situation, c'est justement parce qu'il y a eu des années d'efforts de ses salariés pour la redresser. Ce serait un vrai contre-sens de revenir en arrière, car rien n'a changé dans  notre environnement et la compétitivité d'Air France est toujours un enjeu. Il serait destructeur d'augmenter nos coûts de manière trop brutale. Je le regrette, mais Air France n'est pas suffisamment forte pour le supporter, en particulier face à une forte concurrence de plus en plus présente et la récente hausse des prix du pétrole"; a-t-il dit.

Il n'empêche, cette façon de procéder ne va pas assainir les relations entre la direction et les syndicats. "Dix syndicats désavoués, cela est compliqué à gérer", explique un cadre influent d'un syndicat membre de l'intersyndicale. Pas sûr néanmoins que le SNPL se  considère comme désavoué. Sur le papier, l'exécutif du syndicat des pilotes avait en effet reçu un mandat à aller chercher 10,7% de hausse salariale par une consultation organisée auprès de ses membres, laquelle s'était soldée par un vote favorable à hauteur de 70%. Aujourd'hui ce chiffre est néanmoins en décalage avec les 30% de pilotes en grève. La participation pour les prochaines journées de grève sera intéressante à décoder.