Les premières brèches dans le monopole de la SNCF se concrétisent

Par latribune.fr  |   |  777  mots
Les "flèches rouges" italiennes s'apprêtent à desservir Paris et Lyon avant la fin de l'année. (Crédits : Ferrovie dello Stato Italiane)
Après la volonté d'Emmanuel Macron de relancer la réforme des retraites, avec la suppression des régimes spéciaux, et les déclarations du ministre délégué aux transports Jean-Baptiste Djebarri sur les « facilités de circulation » accordées aux familles des cheminots en cas de transfert à des concurrents, l'édifice SNCF subit un nouveau coup de boutoir en quelques jours avec l'ouverture à la concurrence. Celle-ci prend une forme concrète avec la décision de la Région de PACA de proposer Transdev pour opérer la ligne Marseille-Nice en 2025 et l'arrivée d'ici à la fin de l'année des trains à grande vitesse de Trenitalia sur sa ligne la plus rentable, le Paris-Lyon.

L'ouverture à la concurrence du marché du transport  ferroviaire de passagers sur le réseau intérieur français  était actée depuis des années. Mais certains parmi les syndicats de la SNCF n'arrivaient toujours pas à concevoir la fin du monopole du groupe ferroviaire depuis sa création en 1937. Près de quinze ans ans après l'ouverture du marché du fret, elle prend désormais une forme concrète, avec des noms de concurrents et les premières lignes qui vont basculer vers un autre opérateur.  Ce mardi,la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dirigée par la droite, a proposé à ses élus de choisir Transdev pour exploiter la liaison Marseille-Nice. Le vote aura lieu le 29 octobre. Ce sera la première fois que la SNCF perdra une ligne de TER en France dans le cadre de la mise en concurrence. Le contrat de concession porte sur une durée 10 ans, à partir de 2025. Il est estimé à 870 millions d'euros.

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Doublement de l'offre

Trois entreprises étaient en lice pour remporter cette liaison via Toulon, qui concerne 10% du trafic régional en nombre de trains proposés: la SNCF, Transdev et Thello, filiale de la compagnie publique des chemins de fer italienne Trenitalia.

Avec l'offre de Transdev, "dès 2025, le trafic sera doublé" passant de sept allers-retours

La Région a par ailleurs proposé que la SNCF conserve l'exploitation des lignes "Azur" incluant les liaisons entre Les Arcs/Draguignan et Vintimille (Italie), ainsi que Nice-Tende et enfin Cannes-Grasse où l'entreprise publique était seule en lice. Ce deuxième lot représente 23% du trafic régional et le contrat, également de 10 ans, est estimé à 1,5 milliard d'euros. L'exploitation doit débuter en décembre 2024 pour ce deuxième lot. Quatre autres régions de France ont également annoncé leur volonté d'expérimenter l'ouverture à la concurrence de leur TER: le Grand-Est, les Hauts-de-France, l'Ile-de-France et les Pays-de-la-Loire.

Trenitalia déboule sur Paris-Lyon

Autre mauvaise nouvelle pour la SNCF, sur les lignes à grande vitesse cette fois.Selon l'AFP, la compagnie publique italienne Trenitalia lancera ses trains à grande vitesse sur le réseau français « d'ici la fin de l'année ». Elle devrait les opérer sous son nom et non celui de sa filiale française Thello, qui a exploité des lignes entre la France et l'Italie entre 2010 et le 1er juillet dernier. Les voyageurs français pourront bientôt choisir le Frecciarossa (« flèche rouge ») italien pour voyager sur la ligne Milan-Turin-Lyon-Paris au lieu des TGV inOui de la SNCF. L'affrontement risque d'être brutal, notamment sur la dernière portion du trajet - la plus rentable du réseau SNCF - à savoir le Paris-Lyon. Selon l'opérateur historique français, il s'agit du tronçon à grande vitesse le plus fréquenté d'Europe. Avec près de 45 millions de passagers en 2017, elle représentait le tiers du trafic annuel TGV de la SNCF.

Sur ce segment Paris-Lyon, en plus de son offre premium inOui, la SNCF pourra s'appuyer sur son offre à bas coût OuiGo pour contrecarrer les ambitions italiennes. Elle avait d'ailleurs anticipé l'arrivée de la concurrence en ouvrant en 2020 des liaisons directes entre la gare de Lyon à Paris et les gares de la Part-Dieu et Perrache à Lyon, en plus de sa desserte des gares excentrées de Marne-La-Vallée et Lyon-Saint-Exupéry.

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Seulement cinq trains pour commencer

Selon l'AFP, cinq trains Frecciarossa 1000 ont été autorisés à rouler en France, mais leur fréquence quotidienne n'a pas encore été arrêtée. Trenitalia devra néanmoins muscler son offre si elle compte faire de l'ombre à la SNCF, notamment sur le Paris-Lyon qui voit défiler 240 trains par jours (tous types d'opérations confondus).

Conçu par Bombardier et Hitachi Rail Italy (ex-AnsaldoBreda), le Frecciarossa 1000 est capable d'évoluer à une vitesse maximale opérationnelle de 360 km/h et d'emporter plus de 450 passagers. De premiers essais ont eu lieu entre Paris et Lyon, fin août.

En parallèle, Trenitalia devrait aussi s'implanter en Espagne afin de desservir Barcelone, Valence, Malaga et Séville depuis Madrid. Outre la Renfe espagnole, l'opérateur italien devrait se confronter avec la SNCF qui a déjà déployé son offre OuiGo entre Madrid et Barcelone (via Saragosse et Tarragone), et qui regarde désormais vers Valence, Cordoue, Séville, Alicante et Malaga.

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