La SNCF va une nouvelle fois tester à l'étranger, en l'occurrence l'Espagne, ce qu'elle redoute en France : l'ouverture à la concurrence du marché ferroviaire domestique. Après avoir fait intrusion sur le marché italien entre 2008 et 2015, du temps où elle était actionnaire de l'opérateur privé transalpin NTV, la SNCF débarque en force sur le marché espagnol. Ce lundi, au lendemain de la levée de l'état d'urgence sanitaire en Espagne, sa filiale low-cost, Ouigo, débutera ses services commerciaux entre Madrid et Barcelone via Saragosse et Tarragone, en concurrence frontale avec à l'opérateur historique Renfe.
Choc capacitaire
Avec cinq aller-retours quotidiens, Ouigo va assurer près du tiers des fréquences sur cette ligne ferroviaire exploitée à raison de 14 aller-retours par jour par Renfe. Le choc capacitaire est plus important encore, dans la mesure où la SNCF va utiliser des rames doubles, offrant deux fois 509 places sur chaque trajet.
"Les Espagnols vont découvrir à la fois le low-cost et les rames à deux niveaux", a indiqué à l'AFP le directeur général de Voyages SNCF, Alain Krakovitch.
Cette offensive capacitaire va se doubler d'une attaque en règle sur les prix. A la manière des low-cost aériennes, Ouigo va commercialiser des prix extrêmement agressifs, à partir de 9 euros (bagages compris), uniquement accessibles sur Internet.
"Nous sommes sur une politique de volume", détaille la directrice générale de Ouigo España, Hélène Valenzuela: "En offrant le plus de places possibles sur un même sillon avec des trains plus capacitaires, et donc faire baisser les coûts et répercuter ces économies au client. C'est comme ça que, structurellement, nous sommes moins chers."
En réponse, la Renfe va lancer ses propres trains à grande vitesse low-cost Avlo le 23 juin entre Madrid et Barcelone.
La Renfe évoque des obstacles pour se lancer en France
L'offensive espagnole de la SNCF ne fait que commencer. Ouigo a prévu de lancer des liaisons de Madrid vers Valence et Alicante (sud-est) à la fin de l'année, et vers l'Andalousie (sud) d'ici 2023. Un troisième opérateur, baptisé Ilsa ( filiale commune de la compagnie publique italienne Trenitalia et de la compagnie aérienne espagnole Air Nostrum) a prévu de se lancer au second semestre 2022, avec des trains neufs.
Du côté de Renfe, on aimerait davantage de réciprocité sur le marché français. "Nous aimerions que ce modèle (de concurrence, NDLR) s'applique de la même manière dans d'autres pays comme la France, où la Renfe et d'autres fabricants espagnols rencontrent beaucoup d'obstacles pour avancer au même rythme avec l'AVE", son propre train à grande vitesse qu'elle veut lancer sur Lyon-Marseille, a-t-elle aussi déclaré à l'AFP.
Encadré : La SNCF retrouve le sourire
La SNCF envisage "une belle année ferroviaire post-pandémie", selon le PDG de SNCF Voyageurs Christophe Fanichet, qui s'est montré optimiste pour l'été.
"Je suis vraiment confiant. Je pense qu'on fera mieux que 85%", c'est-à-dire la fréquentation de l'été 2020 par rapport à la performance de 2019, a-t-il indiqué à l'AFP en marge de l'inauguration du TGV low-cost Ouigo en Espagne.
"Les Français ont vraiment envie de bouger, les mesures sanitaires sont vraiment connues. Ça sera vraiment différent de l'an dernier", a-t-il relevé, ajoutant que la SNCF "aura aussi des touristes européens".
Cette "belle année" commence par le lancement de Ouigo Espagne, qui sera suivi par la relance du train de nuit Paris-Nice --peut-être le 20 mai--, l'annonce d'une nouvelle gamme tarifaire plus accessible le 1er juin, cet été qu'il espère meilleur, le choix de nouveaux opérateurs pour des TER en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, les 40 ans du TGV en septembre, et enfin une application SNCF unique à la fin de l'année, a-t-il énuméré. Aujourd'hui, il y en a huit.
Le dirigeant s'est par ailleurs montré "très confiant" quant au sauvetage d'Eurostar, une filiale à 55% de la SNCF qui risque le dépôt de bilan si elle n'est pas renflouée rapidement.
(Avec AFP)
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