Les taxis attaquent l'Etat en justice

Par Mounia Van de Casteele  |   |  819  mots
L'Etat n'a pas vérifié la conformité de la loi dite Thévenoud - qui réservait aux taxis le monopole de la maraude électronique - vis-à-vis du droit communautaire. Du coup, depuis la décision du Conseil d'Etat du mois de mars, les taxis n'ont plus le monopole de cette maraude dite électronique.
C'est une première. La Fédération nationale des taxis (FNDT) engage un recours contre l'Etat pour le compte d'un taxi. Celui-ci réclame des indemnités entre autres pour les préjudices subis du fait de la perte de la valeur de sa licence, et de la distorsion de concurrence avec les voitures de transport avec chauffeur (VTC) induite par la loi Thévenoud.

Les taxis passent à l'offensive. Ils ont décidé d'engager la responsabilité pour faute de l'Etat devant la justice administrative. Ils demandent notamment des dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur de leur licence. Une conséquence de la libéralisation du marché, selon les taxis, et de la loi Thévenoud, qui a induit une distorsion de concurrence avec les voitures de transport avec chauffeur (VTC).

Dans le détail, c'est un taxi, soutenu par la Fédération nationale des taxis (FNDT), qui a décidé de saisir la juridiction administrative contre l'Etat. "Il s'agit du premier recours contre l'Etat par la FNDT pour le compte d'un taxi", commente Maître Bellaiche, avocat de la fédération professionnelle. Celle-ci finance les frais de la procédure pour le taxi, qui estime que l'Etat est fautif pour plusieurs raisons, comme nous l'explique l'avocat.

La loi Thévenoud, non conforme au droit de l'Union européenne...

Tout d'abord, l'Etat n'a pas vérifié la conformité de la loi dite Thévenoud - qui réservait aux taxis le monopole de la maraude électronique - vis-à-vis du droit communautaire. Du coup, depuis la décision du Conseil d'Etat du mois de mars, les taxis n'ont plus le monopole de cette maraude dite électronique. C'est-à-dire, le fait de pouvoir informer le client à la fois de la géolocalisation d'un véhicule et de sa disponibilité sur une application pour mobile.

"La faute de l'Etat est de ne pas s'être conformé au droit de l'Union européenne. Car l'article de la loi Thévenoud qui réservait la maraude 2.0 aux taxis n'est plus applicable. Ce qui représente un préjudice pour les taxis. Ceux-ci n'ont plus le monopole de la maraude!", précise-t-il.

...introduit une rupture d'égalité entre taxis et VTC

C'est d'ailleurs l'objet d'un autre préjudice dénoncé par le taxi, qui engage aussi la responsabilité pour faute de l'Etat du fait de la loi. Estimant en effet que la loi Thévenoud introduit une rupture d'égalité entre taxis et VTC (voitures de transport avec chauffeur) en permettant à ces derniers d'entrer sur le marché sans payer le prix de l'autorisation administrative de stationnement (ADS), alors qu'ils font le même métier que les premiers.

La proposition de loi du député socialiste de Côte d'Or Laurent Grandguillaume va d'ailleurs dans le sens d'un rapprochement entre les deux professions de taxi et de VTC. Le parlementaire note en effet que "si à l'origine, chacune de ces professions exerçait des activités distinctes, le développement du numérique et la demande accrue les ont rapprochées" et que "du point de vue du consommateur, les prestations rendues sont très largement substituables".

Lire : Les 5 points à retenir de la proposition de loi de Laurent Grandguillaume

Par conséquent, Maître Bellaiche analyse:

"Aujourd'hui c'est à l'Etat d'indemniser les taxis du fait de la dépréciation de la valeur de leur autorisation de stationnement (ADS)"

Aussi appelée "licence", ou "plaque", l'ADS permet aux taxis de stationner et circuler librement sur la voie publique, d'emprunter les couloirs de bus, les voies rapides, ainsi que de prendre des clients à la volée dans la rue ou en stations, comme aux abords des gares et des aéroports.

La perte de valeur de l'autorisation de stationnement (ADS), ou licence

Or, du fait de cette mise en concurrence, "le prix de cette licence est en chute libre", explique l'avocat. Et de poursuivre :

"Les taxis ne demandent pas le remboursement de leur plaque mais le préjudice financier de la différence entre le prix d'achat et sa valeur actuelle en plus du préjudice subi pour leur carrière".

Sur ce point, une récente étude du bureau de recherche spécialisé dans les mobilités, 6-t, a en effet démontré que le prix de ces fameuses licences étaient en train de chuter depuis 2015. Mais qu'elles étaient en fait en train de retrouver la valeur qu'elles avaient au début des années 1990. Précisément, 6-t constate que le prix de la licence en 2006, évalué cette année-là à 200.000 euros, a chuté à 150.000 euros en 2008 (année de la publication du rapport Attali et du début de la crise économique), avant de repartir à la hausse à partir de 2009. En 2013, le prix de la licence flirtait à nouveau avec les 200.000 euros pour finalement diminuer depuis 2015, et retrouver le prix corrigé de l'inflation des années 1990.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement doit mettre en place un fonds de garantie pour les taxis, afin de permettre aux chauffeurs souhaitant quitter la profession, de ne pas perdre le fonds de commerce sur lequel ils comptaient pour leur retraite. Les modalités devraient être définies d'ici la fin du mois de juin, pour figurer dans la loi de finances 2017.