Opération AccorHotels sur Air France-KLM : l’Elysée, Matignon, Bercy intéressés

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  759  mots
(Crédits : Charles Platiau)
Selon nos informations, même si la ministre des Transports a rappelé ce jeudi que la question sur une cession de tout ou partie de la participation que détient l'Etat dans Air France-KLM "ne se posait pas pour le moment", l'Etat, à tous les niveaux, manifeste un intérêt de principe dès lors que cette cession s'articule à un projet industriel.

D'abord la gouvernance, ensuite le dossier capitalistique. Elisabeth Borne l'a encore indiqué ce jeudi sur les ondes de Radio Classique. Interrogée sur l'avenir de la participation de 14,3% que l'Etat détient dans le capital d'Air France-KLM, la ministre des Transports a réaffirmé que la question "ne se posait pas pour le moment". Des propos qui reprennent ceux d'Edouard Philippe également tenus sur Radio Classique le 15 juin.

« Un patron, une stratégie, et ensuite on en tire les conséquences capitalistiques. On ne fait pas les choses à l'envers. Il faut trouver un nouveau patron pour l'entreprise. Il faut une réflexion opérationnelle et industrielle pour permettre à l'entreprise de repartir, et ensuite, simplement ensuite, on se posera les questions capitalistiques, éventuellement de cession ou modification», indiquait-il.

Officiellement donc, aucun signe des intentions de l'Etat sur ce dossier. Et il faudra attendre au mieux en juillet qu'Air France-KLM trouve un nouveau Pdg pour que s'ouvre le dossier capitalistique d'Air France-KLM.

Pas de discussion

Pour autant, derrière les éléments de langage, les choses se précisent. En coulisse l'Etat est intéressé pour céder tout ou partie de sa participation dans le groupe aérien au groupe hôtelier dès lors qu'il s'articulerait autour d'un projet industriel. Si Bercy voit d'un bon œil le projet d'AccorHotels, comme l'a souligné BFM Business, c'est également le cas, au plus haut niveau de l'Etat.

« L'Etat, à tous les niveaux, c'est-à-dire l'Elysée, Matignon et Bercy, manifeste un fort intérêt pour un schéma articulé autour d'un projet industriel entre Accor et Air France-KLM », explique un proche du dossier. Et d'ajouter : « Il y a un intérêt de principe, mais il n'y a pas de discussion, ni sur le niveau de participation à céder, ni sur le prix ».

Des synergies plus évidentes pour AccorHotels

Reste à voir la pertinence du dossier sur laquelle des membres de la direction et du conseil d'administration du groupe aérien sont très réservés. Comme l'ont souligné plusieurs analystes, les synergies éventuelles d'un rapprochement entre les deux groupes sont en effet beaucoup plus évidentes pour Accor que pour Air France-KLM. La mise en commun des données clients, notamment des programmes de fidélité, est davantage une source de création de valeur pour Accor que pour le groupe aérien largement en avance sur la gestion de ces données.

Air France et Accor ont, ces dernières années mis en place des actions communes ("cross selling", ou ventes croisées, qui consiste à proposer à un passager Air France un hôtel Accor et vice versa, ou des tarifs préférentiels dans les hôtels Accor à Roissy pour les passagers en correspondance). Mais, si certaines d'entre elles ont dégagé des résultats satisfaisants, elles n'ont pas permis de déceler non plus des pépites qui feraient exploser le chiffre d'affaires, selon certains observateurs. Et, quand bien même il y aurait des synergies pour le groupe aérien, elles n'ont pas, selon eux, besoin de se traduire par une entrée d'Accor dans le capital.

Les partisans d'Accor mettent en revanche en avant la mise en commun des données de leurs clients respectifs pour générer de la valeur. Ils rêvent en effet de mettre la main sur le programme de fidélité d'Air France-KLM, Flying Blue et sur l'utilisation que fait Air France-KLM de ses données clients. Une alliance grandeur nature avec Air France donnerait au groupe hôtelier de gros moyens pour lutter contre les Bookings, Expedia, TripAdvisor ou Airbnb, après l'arrêt de sa "place de marché" fin 2017, lancée deux ans auparavant pour lutter contre ces géants du net de l'hébergement de loisirs.

En Europe, une compagnie aérienne doit avoir des capitaux majoritairement européens

Surtout, au-delà du volet industriel, ceux qui sont réservés, voire hostiles au projet d' AccorHotels, pointent non seulement l'instabilité de l'actionnariat du groupe hôtelier, mais aussi le poids de l'actionnariat étranger dans son capital (chinois, saoudien, qatari...) qui pourrait faire perdre le côté européen d'Air France-KLM. Or, une compagnie européenne doit être détenue à plus de 50% par des capitaux européens. « Bien sûr que nous apporterons des solutions sur ce point », explique un proche du groupe hôtelier. Selon le Financial Times, AccorHotels cherche à attirer d'autres acteurs européens pour contourner cet obstacle.  Cette règle européenne pourrait d'ailleurs servir de barrière pour éviter à Accor une OPA d'un investisseur étranger.