Privatisation d'ADP : pourquoi les départements d’Île-de-France s'en mêlent

Par César Armand  |   |  639  mots
(Crédits : Philippe Wojazer)
La loi PACTE doit revenir la semaine prochaine en deuxième lecture à l'Assemblée nationale en séance publique. Pour faire face à une possible privatisation, les sept conseils départementaux se préparent à entrer au capital d'Aéroports de Paris afin de détenir une minorité de blocage.

Dans la continuité de l'amendement du député (MoDem) des Hauts-de-Seine, Jean-Louis Bourlanges, autorisant les collectivités à prendre part au capital d'ADP, les départements franciliens ont fait savoir, dans les colonnes des Echos de ce mardi 5 mars, qu'ils étaient prêts à en racheter 29,9%. "C'est environ 6 milliards d'euros, explique à La Tribune Patrick Devedjian, le président (LR) des Hauts-de-Seine. Nous envisageons d'apporter 3 milliards d'euros et d'emprunter le reste."

Dans le cadre d'un contrat, en cours de signature, avec le gestionnaire d'infrastructures Ardian, les conseils départementaux investiraient un milliard d'euros, le reste à charge revenant au fonds partenaire. Des observateurs avisés font toutefois remarquer qu'un an après le rachat de Vinci Park au groupe du même nom, le fonds avait tenté de le revendre au chinois Shougang. "Si nous passons un accord, il y aura une clause pour qu'Ardian reste actionnaire pendant au moins dix ans", promet Patrick Devedjian.

La crainte d'une privatisation

"Le fait que Vinci, pressenti comme actionnaire majoritaire soit OPAble (soumis au risque d'une opération publique d'achat) et que n'importe qui puisse surenchérir, est source de gros dangers en perspective", estime par ailleurs le président du conseil départemental du 92. Son confrère (PCF) du 94 Christian Favier considère même que cette situation "relève de la sécurité nationale", notamment en matière de gestion des frontières et des hectares de terres autour des aéroports d'Orly et de Roissy.

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En réalité, les sept présidents de département franciliens pensent qu'ils enlèvent "une grosse épine du pied" au gouvernement. "C'est un compromis que nous leur offrons, qui devrait permettre de pacifier la situation", note Patrick Devedjian. Son voisin (PS) de Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel s'étonne lui aussi que "le gouvernement s'apprête à refaire la même erreur que sur les autoroutes", privatisées, elles, en 2006.

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"A ce stade, je n'ai qu'un seul objectif : faire reculer le gouvernement sur une privatisation absurde économiquement, stratégiquement et territorialement". Dans le département du Val-de-Marne, où se situe un tiers d'Orly, "on entend ici et là des hésitations" du gouvernement mais l'entourage du président (PCF) Christian Favier entend bien maintenir la pression pour "garder cette entreprise publique nationale stratégique", et sa rente de situation.

"Préjudiciable pour l'Etat", Bercy "défavorable"

Le département du Val-d'Oise, où est implanté Roissy, a, lui, adopté dès le 22 février une motion rappelant son opposition à la vente par le gouvernement de la part du capital d'ADP appartenant à l'Etat. Sa présidente (LR) Marie-Christine Cavecchi estime qu'en "laisser la gestion à des opérateurs purement privés serait une erreur" . "Les collectivités locales poursuivent des objectifs d'intérêt général : aménagement du territoire, maîtrise du foncier, maîtrise des enjeux écologiques, maîtrise du développement économique et social, enjeux de transports et de desserte des sites aéroportuaires..." François Durovray, le patron (LR) du conseil départemental de l'Essonne, qui abrite deux tiers d'Orly, abonde en son sens, arguant que "le citoyen doit continuer à être représenté pour arbitrer des questions aussi complexes que l'environnement et le développement économique".

Ce soir, l'entourage du ministre de l'Economie et des Finances déclare que "les départements ont toujours été les bienvenus pour participer à la privatisation [mais que] les conditions ne sont pas encore arrêtées." Le cabinet de Bruno Le Maire considère que l'association avec l'investisseur privé Ardian "profitant de tous les avantages" serait en outre "préjudiciable pour l'Etat". "C'est pourquoi l'Etat sera défavorable à toute proposition de traitement de faveur", conclut-on à Bercy.