« D' ici au mois de mai se joue l'avenir du transport aérien en Île-de-France d'ici à 2050. » Le 29 janvier, devant des représentants de compagnies aériennes étrangères et françaises, Augustin de Romanet, le PDG d'ADP, le gestionnaire des aéroports parisiens, ne parlait ni du projet de privatisation d'ADP prévu par la loi Pacte en cours d'examen parlementaire, ni de CDG Express, ce projet de liaison ferroviaire rapide entre Paris et l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Il résumait simplement l'enjeu à ses yeux de la concertation préalable au projet de construction du terminal 4 de Roissy qui a été lancé le mardi 12 février et qui doit s'achever le 12 mai prochain : celui d'assurer le développement de l'aéroport nord-parisien, au bord de la saturation avec ses 72 millions de passagers enregistrés en 2018, afin d'absorber la croissance du trafic aérien au cours des trente prochaines années. Un projet colossal qui permettrait, entre l'ouverture d'une première tranche en 2028 et sa livraison complète en 2037, d'ajouter une capacité d'accueil de 40 millions de passagers, soit 20 % de plus que la totalité du trafic annuel d'Orly en 2018 !
En tenant compte de la réouverture prochaine du terminal 2B et de l'agrandissement du terminal 1, le terminal 4 fera grimper la capacité de Roissy à 120 millions de passagers par an. De quoi le maintenir au rang des plus grands aéroports du monde.
Un rapport crucial pour ADP
« Ce projet est indispensable pour que la Région Île-de-France et le pays puissent tirer tout le profit du développement du transport aérien. Ce secteur est utile car il apporte de la connectivité, de l'attractivité, de la croissance et de l'emploi », fait valoir le directeur général exécutif du groupe ADP, Edward Arkwright. Selon les estimations du groupe, le terminal 4 devrait ainsi créer quelque 55.000 emplois directs et 225.000 emplois indirects d'ici à 2037 lorsque la totalité du terminal sera livrée.
« Collectivement, nous avons tous intérêt à ce que le transport aérien se développe. Cela ne peut se faire sans nouvelles capacités aéroportuaires. Ce que nous demandons, en quelque sorte, c'est une licence pour croître », renchérit Augustin de Romanet.
Pas si simple pour autant. Partout dans le monde, les projets d'accroissement des capacités aéroportuaires font l'objet de débats animés entre les défenseurs de l'environnement, les riverains et les partisans du développement économique et de la création d'emplois.
S'il est devenu quasiment impossible de construire un nouvel aéroport dans le monde (sauf en Chine), comme l'a montré l'abandon en 2018 de Notre-Dame-des-Landes, l'extension d'aéroports existants voit néanmoins le jour, comme cela l'a été décidé récemment à Londres et à Lisbonne (où elle s'accompagne même de la création d'un petit aéroport sur une base aérienne à proximité).
Jouer la transparence
Organisée sous l'égide de la désormais célèbre Commission nationale du débat public (CNDP), cette concertation préalable au projet de construction du terminal 4 sera-t-elle pour autant décisive ? Oui et non. Non, car c'est à l'issue, non pas de cette concertation mais de l'enquête publique qui suivra en 2020, que l'autorité environnementale compétente, en l'occurrence le préfet de la région Île-de-France, se prononcera sur le projet.
Oui, car il est important pour ne pas dire crucial pour ADP que le rapport que les garants nommés par la CNDP rédigeront à l'issue de cette concertation soit équilibré entre les préoccupations environnementales mises en avant par les communes et les associations, et les bénéfices socio-économiques liés au développement du transport aérien. D'autant plus qu'ils intégreront les suggestions exprimées au cours des débats et qu'ADP « rendra public les engagements qu'il aura pris à l'issue de la concertation ».
Avec ce débat, ADP veut jouer la carte de la transparence. Sans construction de nouvelles pistes et sans recours à des subventions pour financer les 9 milliards d'euros nécessaires pour ce terminal, rien dans les textes n'obligeait le groupe aéroportuaire à lancer une telle concertation. Encore moins aussi large puisqu'elle implique 480 communes sur sept départements.
Mais, alors que la contestation a déjà commencé de la part de certaines communes et d'associations, elle permet d'aborder avec l'ensemble des parties prenantes toutes les problématiques - même les plus controversées - comme la circulation aérienne, les nuisances sonores, les émissions de CO2, les accès routiers et les retombées économiques pour les territoires...
Absence d'alternative
« Cette concertation est un moment où l'on peut non seulement expliquer le métier de l'aéroport et l'utilité du trafic aérien, mais aussi renouer avec le pacte territorial », estime Edward Arkwright. Le gestionnaire des aéroports parisiens veut rassurer sur les questions environnementales. Le terminal 4 s'inscrit dans le cadre réglementaire actuel, notamment en ce qui concerne le bruit, grâce au renouvellement des flottes par des avions de nouvelle génération afin de stabiliser la courbe des émissions sonores au niveau de 2014.
En outre, avec le même argument et l'application de nouvelles mesures, celle des émissions de CO 2 devrait augmenter de 12% mais diminuer de 27% en intégrant les carburants alternatifs et les systèmes de compensation développés dans le transport aérien pour arriver à une baisse des émissions de moitié d'ici à 2050.
Il n'y a pas d'autre alternative au terminal 4. L'hypothèse d'un troisième aéroport parisien a en effet été définitivement enterrée en 2001 avec l'abandon du projet de créer un aéroport à Chaulnes, en Picardie. L'aéroport d'Orly, au sud de la capitale, étant plafonné en termes de mouvements d'avions depuis 1996, seul l'aéroport de Roissy peut accueillir une croissance supplémentaire.
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