Taxe kérosène : Air France évite le pire

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  741  mots
(Crédits : Reuters)
L'Assemblée nationale a rejeté l'idée de taxer le kérosène sur les seuls vols intérieurs qui aurait fragilisé les compagnies françaises sans avoir un réel impact sur l'environnement. Le gouvernement appelle à une taxation à l'échelle européenne.

Air France peut pousser un ouf de soulagement. L'Assemblée nationale a rejeté vendredi les amendements déposés dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM), visant à taxer le kérosène. Les députés ont suivi la ligne du gouvernement qui préfère renvoyer l'idée d'une taxation du transport aérien à l'échelle européenne afin de renforcer la contribution de ce secteur à la transition écologique".

"C'est à l'échelle européenne et mondiale que ce défi climatique pourra être relevé. Vous avez tous suivi le foisonnement d'idées et de propositions pour contraindre et interdire de toutes les façons possibles le transport aérien dans notre pays, nous nous y sommes toujours opposés car si la France entend être à l'avant-garde de l'excellence environnementale, elle ne peut pas être seule sur ce chemin au risque de n'avoir aucun effet sur le climat et de fragiliser à coup sûr notre compétitivité.

Tous les pays européens sont traversés par ces mêmes enjeux. C'est pour cela que nous avons appelé à une réflexion à cette échelle. Nous souhaitons éviter le piège d'une décision unilatérale pays par pays qui serait inefficace pour la planète et incohérente pour le secteur. Porter cette question au niveau européen est la meilleure façon de nous engager sur un terrain crédible qui tienne compte des réalités", a déclaré vendredi matin la ministre des transports Elisabeth Borne, lors de l'ouverture du Paris Air Forum, organisé par La Tribune.

Distorsion de concurrence

Air France évite ainsi une taxe sur les seuls vols intérieurs, déjà mal en point, qui aurait été catastrophique. Un tel scénario aurait en effet posé des sérieuses questions de distorsions de concurrence avec les compagnies étrangères assurant des vols intérieurs comme la britannique Easyjet, l'espagnole Volotea, ou l'irlandaise Ryanair, lesquelles entre deux vols dans l'Hexagone, auraient pu assurer une rotation vers un pays limitrophe pour faire le plein. Un scenario qui aurait menacé 4.000 emplois selon la fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM), sans avoir d'impact sur les émissions de CO2.

En proposant une telle taxe sur les vols intra-européens, toutes les compagnies seront donc logées à la même enseigne comme c'est déjà le cas pour l'obligation de participer au système d'échanges de permis d'émissions (ETS), mis en place en 2012. Pour autant, trouver un terrain d'entente entre tous les membres de l'UE sur ce sujet s'annonce sportif au regard des différences fiscales.

"C'est à ce titre l'occasion de mettre sur la table les grandes disparités qui existent aujourd'hui. Chacun doit avoir en tête que si nous avons un niveau de taxation du transport aérien proche entre la France et l'Allemagne, assez proche avec le Royaume-Uni, le transport aérien reste deux fois moins taxé en Suède et aux Pays-Bas que chez nous. Quand on voit que ces deux pays sont régulièrement pris en exemple dans le débat pour leur volontarisme environnemental, il n'est jamais inutile de se comparer et de regarder non seulement les déclarations d'intention mais aussi des actes", a ajouté Elisabeth Borne

Les discussions s'annoncent longues et incertaines. Dans l'hypothèse qu'elles aboutissent, les modalités seront à surveiller. Redoutant que cette taxe ne serve qu'à alimenter les caisses des Etats, certains grands pontes du transport aérien plaident pour qu'elle alimente un fonds de recherche pour les biocarburants.

S'agira-t-il d'une taxe à l'échelle européenne?

Reste à savoir s'il s'agira bien d'une taxe. Car quel que soit le moyen retenu, l'idée est de renforcer la contribution du transport aérien européen à la lutte contre le réchauffement climatique, à laquelle il participe déjà à travers le système d'échanges de permis d'émission européen et demain dans le cadre du programme mondial CORSIA de compensation de carbone à partir de 2020.

Pour autant, l'idée de taxer davantage le transport aérien français ne s'arrête pas avec le vote de la LOM. Certains députés de la majorité veulent que la prochaine Loi des Finances intègre des mesures de contribution du transport aérien en France pour la lutte contre le réchauffement climatique. Notamment en instaurant une taxe sur tous les passagers au départ de France, à la manière de la taxe de solidarité (taxe Chirac).