Urssaf vs Uber : quel impact pour les VTC français (et les taxis) ?

Par Mounia Van de Casteele  |   |  792  mots
Mis à part les artisans qui ne seraient affiliés à aucune centrale de réservation, les chauffeurs de taxi sont souvent partenaires (parfois de manière exclusive) d'une plateforme, comme G7 ou Taxis Bleus, comme le sont d'ailleurs les chauffeurs VTC partenaires d'Uber ou toute autre plateforme type Chauffeur-Privé.
La majorité des acteurs du transport de personnes à la demande - chauffeurs VTC et taxis - sont des indépendants. Pour autant, la menace d'un redressement fiscal pèse-elle sur eux ? Analyse.

Les chauffeurs roulant pour Uber sont-ils des salariés ? Pour l'Urssaf, la question ne se pose plus. En effet, l'organisme collecteur des cotisations de sécurité sociale estime qu'il existe un "lien de subordination" entre la plateforme et ses partenaires chauffeurs, mis en relation avec les passagers par son intermédiaire. Aussi a-t-il décidé de poursuivre l'entreprise pour qu'elle requalifie en salariés les chauffeurs avec qui elle collabore.

Dans le détail, l'antenne francilienne des Urssaf a "requalifié, pour tous les chauffeurs Uber, la situation d'indépendant en situation de salarié au titre de la sécurité sociale" et a réclamé "les cotisations correspondantes", a indiqué à l'AFP Jean-Marie Guerra, directeur de la Réglementation, du Recouvrement et du Service à l'Acoss, qui gère le réseau des Urssaf.

Des procédures lancées en 2015

Deux procédures ont été engagées par l'Urssaf d'Ile-de-France, l'une devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (Tass), l'autre au pénal auprès du procureur de la République de Paris. Lancées "à la rentrée 2015", elles ne devraient toutefois pas aboutir avant "cinq ou six ans" selon l'Acoss, qui s'attend à ce qu'Uber aille jusqu'en cassation.

Une véritable catastrophe aux yeux de François Hurel, président de l'Union des auto-entrepreneurs, qui rappelle que ces professionnels représentent un million d'emplois en France. "Cela risque de tuer l'économie collaborative, qui commence à émerger en France", déplore-t-il. D'où la nécessité, à ses yeux, de réfléchir à une convergence des régimes sociaux et de protection sociale pour travailleurs indépendants et salariés.

De son côté, Guillaume Cairou, président du Club des entrepreneurs, n'hésite pas à parler de "chasse aux sorcières" dans un communiqué:

"L'Urssaf est légitime dans un rôle de conseil aux entreprises et non d'inquisition envers les plateformes, métiers et nouvelles formes d'emploi qui permettent de lutter efficacement contre le chômage de masse !" (...)

Sous couvert de dénoncer un soi-disant "travail dissimulé", l'organisme de recouvrement prend donc le relais du lobby de taxis dans cette triste chasse aux sorcières menée à l'encontre de l'un des principaux piliers de l'économie à la demande, preuve de l'anachronisme dont fait souvent preuve l'Hexagone et ses administrations face aux innovations qui bouleversent l'ordre établi !

Le problème inhérent de l'économie collaborative ?

Et pour cause, comme le rappelle Jean-Marie Guerra, l'enjeu dépasse le seul cas d'Uber:

"Aujourd'hui, des plateformes collaboratives de service, il y en a des centaines" et "cela devient un enjeu pour le financement de notre protection sociale, aujourd'hui construit essentiellement sur les salaires".

Il n'est certes pas étonnant que les Urssaf s'inquiètent d'une telle tendance. D'autant que leurs recettes sont de moins en moins dynamiques.

Mais rappelons tout-de-même que bon nombre de professionnels du transport sont des indépendants.

Lire aussi : Le statut d'auto-entrepreneur est un faux problème

Un modèle-type dans les transports

A commencer par les taxis. Mis à part les artisans qui ne seraient affiliés à aucune centrale de réservation, les chauffeurs de taxis sont souvent partenaires d'une plateforme, comme G7 ou Taxis Bleus, détenues par la famille Rousselet.

Cependant, l'éventuel lien de subordination diffère de celui entre Uber et ses partenaires dans la mesure où les chauffeurs de taxi ont le droit de marauder (prendre en charge des passagers qui les ont hélés sur la voie publique ou en station), estiment les entreprises du secteur. De fait, leurs revenus ne dépendent pas intégralement de la centrale de réservation.

Cela dit, quelle différence avec des chauffeurs de VTC qui développent souvent leur clientèle personnelle, s'interroge Yves Weisselberger de SnapCar et président de la FNTPP. Il estime en outre que le recours à des indépendants n'est pas illégal dans le cadre de l'activité de VTC, d'autant que la majorité des chauffeurs roulent pour plusieurs plateformes comme Allocab, Marcel, ou encore Chauffeur-Privé.

Un raisonnement que l'on retrouve chez Uber, qui n'impose aucune exclusivité et assure encourager ses partenaires à diversifier leurs sources de revenus.

A la rigueur, ce serait chez LeCab, détenue en partie par Keolis, filiale du groupe SNCF, que la question pourrait se poser, étant donné que le modèle de l'entreprise lancée par Benjamin Cardoso, n'incite pas les chauffeurs à aller voir ailleurs. Et pour cause, la location du véhicule est dégressive pour le chauffeur en fonction du nombre de courses enregistrées sur la plateforme. Autrement dit plus il en fait, moins il paye.

Reste que la procédure entamée par l'Urssaf a plus d'un an. Si l'organisme avait d'autres VTC dans le viseur, ne les aurait-il pas sollicités au même moment ?