L'Europe veut mobiliser 1.000 milliards d'euros pour la transition écologique

Par Giulietta Gamberini  |   |  814  mots
Inférieure au besoin global, de 260 milliards d'euros par an d'investissements complémentaires, cette somme devra être complétée par des contributions nationales, locales et privées. (Crédits : Yves Herman)
La Commission européenne veut mobiliser cette somme sur dix ans. Elle propose également la création d'un "mécanisme pour une transition juste".

Laissée en suspens, début décembre, la question du financement du "Pacte vert européen" a finalement une réponse. Mardi 14 janvier, la Commission européenne présente au Parlement un plan de 1.000 milliards de dollars sur dix ans. Cette enveloppe, équivalente à celle du plan Juncker (qui entre 2015 et 2020 a mobilisé 500 milliards d'euros au profit plus globalement de l'investissement et de l'industrie), est cependant inférieure au besoin global, estimée par Bruxelles à 260 milliards. Elle devra donc être complétée par des contributions nationales, locales et privées.

Le "Pacte vert" regroupe un arsenal de 50 actions englobant "tous les domaines de l'économie". Elle doivent "faire de l'Europe le premier continent climatiquement neutre d'ici à 2050, tout en stimulant l'économie, en améliorant la santé et la qualité de vie des citoyens, en préservant la nature et en ne laissant personne de côté."

25% du budget européen dévolu à la transition

Ces 1.000 milliards pourront, selon la Commission, être apportés par quatre leviers. Quelque 500 milliards viendront du budget de l'Union européenne (UE) pour 2021-2027. Les Etats membres se sont déjà engagés à ce que 25% soit dévolu à la transition, via le fléchage de programmes de financement comme LIFE ou de politiques telles que celle agricole commune. Une centaine de milliards viendront du cofinancement des Etats via le fonds de cohésion.

300 milliards supplémentaires seront mobilisés via le programme InvestEU, dont 30% sera désormais consacré à la lutte contre le réchauffement climatique. Cet outil permettra notamment de vaincre les hésitations du secteur privé face à l'investissement climatique, encore souvent perçu par le secteur privé comme trop risqué, souligne Bruxelles. 100 milliards seront enfin réunis grâce à un nouveau "mécanisme pour la transition juste", visant à soutenir les territoires les plus en retard dans la transition énergétique via la diversification de l'économie locale et la requalification des populations pour de nouveaux emplois. L'objectif est notamment de rassurer les pays de l'Est encore réticents à s'engager dans la transition, en particulier la Pologne qui en décembre a refusé d'adhérer à l'objectif de neutralité climatique à l'horizon 2050.

Trois canaux de financements pour les départements en retard

Si la Commission ne liste pas encore les territoires (des départements, et non pas des régions) éligibles au soutien de ce mécanisme, elle fixe néanmoins les critères du choix qui sera opéré à la fin de l'année: l'intensité des émissions de gaz à effet de serre, le niveau de dépendance de l'emploi d'industries fortement émettrices, l'existence de plans territoriaux de transition crédibles, et en dernier ressort leur besoin d'aide en fonction de leur prospérité relative. En vue de la sélection, un "dialogue" sera instauré entre l'UE et les Etats membres dès février, promet Bruxelles.

Les départements éligibles auront accès à trois canaux de financement. La Commission propose, tout d'abord, la création d'un "fonds européen pour une transition juste". Doté de 7,5 milliards d'euros entre 2021 et 2027, il devrait permettre d'en mobiliser entre 30 et 50 milliards puisque, pour chaque euro puisé de ce fonds, les territoires financés devraient débourser au moins 1,5 euro issu de leur quota du fonds de cohésion, auquel pourrait s'ajouter un cofinancement apporté par leur pays. Les 50 à 70 milliards restants seront assurés par des prêts bonifiés aux autorités publiques, ainsi que par une partie du programme InvestEu qui sera particulièrement fléchée sur l'accompagnement des départements éligibles.

Une "taxonomie européenne" pour définir les projets "verts"

Afin que l'argent mobilisé serve réellement à atteindre l'objectif affiché, la Commission mise sur la "taxonomie européenne", visant à clarifier ce que c'est qu'un "investissement vert". Présentée en mars 2018, elle est actuellement examinée par le Parlement européen. C'est dans ce cadre qu'est notamment discutée la question de la place de l'énergie nucléaire dans la transition énergétique, moins émettrice en gaz à effet de serre que les énergies fossiles, mais dangereuse pour l'environnement et productrice de déchets radioactifs. Bruxelles insiste: indépendamment du contenu de cette taxonomie, l'industrie nucléaire ne n'est aujourd'hui pas financée en tant que telle par l'UE, et elle ne le sera pas non plus dans le cadre du "Pacte vert".

Dans ce même souci d'une meilleure utilisation et traçabilité des financements pour la transition, la Commission affirme en outre travailler avec la Banque européenne d'investissement (BEI) sur la méthode d'évaluation des projets candidats. Dans le cadre de la prochaine révision des règles du pacte de stabilité, elle réfléchit même à comment inciter les Etats membres à mieux flécher leurs propres investissements publics. Un premier rapport sur ce sujet doit être présenté avant le printemps.

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