La Banque européenne d'investissement ne financera plus les énergies fossiles

En pratique, cette décision touchera principalement les projets de transport et d'extraction de gaz. Elle s'accompagne d'un vaste programme d'investissements pour le climat.
(Crédits : Reuters)

"Une décision historique", se félicite Ambroise Fayolle, le vice-président français de la Banque européenne d'investissement (BEI). Dans la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 novembre, le conseil d'administration de l'établissement a trouvé un accord sur l'arrêt des financements des énergies fossiles. Au prix cependant d'une concession : cette mesure ne s'appliquera que fin 2021, soit un an après l'échéance initialement proposée... et rejetée en octobre par plusieurs pays.

En pratique, cette décision touchera principalement les projets de transport et d'extraction de gaz, qui représentent la quasi-intégralité des quelques 13 milliards d'euros investis par la BEI dans les énergies fossiles depuis 2013. L'Allemagne, premier actionnaire de l'institution, la Pologne ou encore l'Italie réclamaient que le gaz soit exclu de la future interdiction, soulignant qu'il permet de remplacer des énergies plus polluantes, comme le charbon.

Le compromis trouvé par les responsables européens ne concernera "que les projets déjà en cours d'instruction", souligne Ambroise Fayolle. Un moyen d'éviter que de nombreux dossiers gaziers ne soient déposés ces prochains mois pour tenter de décrocher un investissement avant fin 2021. Selon le responsable de la BEI, le nombre de projets en cours est "relativement limité", alors que la part du gaz dans les investissements de la banque "recule depuis des années".

1.000 milliards d'euros pour le climat

La BEI prévoit une exception: des projets gaziers pourront être financés s'ils respectent une norme de "performance", fixée à 250 grammes d'émissions de CO2 par kilowattheure produit. Une limite qui permettrait de restreindre les investissements aux gaz "verts". Cependant, autre concession, ce seuil devra uniquement être respecté sur l'ensemble de la durée de vie économique d'un projet, et pas forcément dès son entrée en service.

Pour Ambroisse Fayolle, le vote de la BEI constitue "une première étape vers une banque du climat". L'établissement européenne souhaite en effet lancer une vaste politique de soutien aux projets de lutte contre le changement climatique. Et il s'est fixé un objectif ambitieux: 1.000 milliards d'euros d'investissements verts pour la période 2021-2030.

Lire aussi : L'Europe veut financer 1.000 milliards d'euros de projets verts en dix ans

Pour atteindre cet objectif, la BEI propose que la moitié de ses investissements soient dirigés vers des projets liés au changement climatique et à l'environnement durable d'ici à 2025. L'an passé, cette proportion était légèrement inférieure à 30%, alors que les statuts de la banque fixent un minimum de 25%.

Défaillances du marché

Sur les 100 milliards d'euros annuels, le bailleur de fonds de l'Union, basé au Luxembourg, investira lui-même environ 30 milliards par an dans la transition écologique, contre 17 milliards en 2018. La différence, environ 70 milliards par an, doit être apportée par d'autres investisseurs, publics ou privés.

Depuis l'entrée en vigueur du plan Juncker en 2015, la BEI finance des projets plus petits mais aussi plus risqués, afin de compenser les défaillances du marché des capitaux en Europe. Or, souligne son vice-président, celles-ci sont "encore plus importantes pour les projets liés à la transition écologique, notamment dans les nouveaux États membres". Par exemple, les banques rechignent à financer des travaux de rénovations énergétiques des habitations, ou proposent des conditions de crédit peu favorables.

Le rôle de la BEI est donc encore plus primordial pour leur réalisation. En France, elle soutient ainsi plusieurs sociétés de tiers financement, qui aident les ménages à rénover leurs logements. "Notre but n'est pas de maximiser les profits mais de soutenir les projets qui auront le plus d'impact", rappelle Ambroise Fayolle. L'institution va même faire un effort supplémentaire: apporter jusqu'à 75% des financements de certains projets, alors qu'elle ne souhaite généralement pas dépasser la barre des 50%.

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Commentaires 3
à écrit le 18/11/2019 à 7:19
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La BEI financera sans doute l'extraction du lithium au Portugal ou ailleurs en Amérique du Sud, bref de toute façon il faut des ressources pour les "bonnes batteries de nos voitures écolos" avec beaucoup de cuivre, de terres rares (monopole des chino...

à écrit le 15/11/2019 à 21:48
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J'ai visité récemment la collection d'Art contemporain de la BEI.. pas mal: on voit où part notre argent..

à écrit le 15/11/2019 à 12:54
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Plus il y a de Lois et plus il y a corruption, cette "transition énergétique" en UE chantre de la compromission généralisée entre politiciens et hommes d'affaires ne peut que nous inciter à nous en méfier. Surtout quand ce sont les banquiers qui ...

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