Les problématiques liées à la gestion de l'eau font peser un risque « imminent » de crise mondiale

Par latribune.fr  |   |  1014  mots
Entre 2000 et 2019, les inondations auraient provoqué 650 milliards de dollars de dégâts, touché 1,65 million de personnes et causé plus de 100.000 morts. Le Pakistan (photo) a été très durement touché en 2022. (Crédits : STRINGER)
Pénuries d'eau, absence d'eau potable, multiplication des sécheresses et des inondations... Des milliards de personnes sont déjà frappées par des problèmes liés à l'eau, avec un risque « imminent » de crise mondiale, selon un rapport de la plateforme ONU-Eau et de l'Unesco, dévoilé avant le début d'une conférence sur ce sujet à New York.

Ce mercredi 22 mars marque la journée mondiale de l'eau. L'occasion pour la plateforme ONU-Eau de présenter des chiffres compilés dans un rapport. Celui-ci est dévoilé à lors de l'ouverture ce mercredi d'une conférence sur le sujet à New York qui réunit chefs d'Etat et ministres.

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« Je prie pour un bon résultat des travaux » de la conférence et « j'espère que cet événement important pourra accélérer les initiatives en faveur de ceux qui souffrent du manque d'eau, cette ressource essentielle », a déclaré le pape au cours de l'audience du mercredi au Vatican. « L'eau ne doit ni être gaspillée ni utilisée à mauvais escient, ni être raison de guerres, mais doit être préservée pour nous et les générations futures », a-t-il ajouté.

Le constat est alarmant. L'utilisation de l'eau, selon ce rapport, a augmenté environ de 1% par an dans le monde ces 40 dernières années. En outre, les humains se tournent davantage vers les nappes phréatiques avec des extractions parfois excessives : entre 100 et 200 km3 des réserves d'eau souterraine sont épuisés chaque année.

Dès lors, environ 10% de la population mondiale vit dans un pays où le stress hydrique (rapport entre l'utilisation de l'eau et sa disponibilité) atteint un niveau élevé ou critique, limitant « considérablement » la disponibilité de l'eau pour les besoins des personnes.

L'Inde devrait être le pays le plus gravement touché

L'agriculture utilise plus de 70% des ressources mondiales en eau. Avec la demande croissante des villes, qui devrait augmenter « de 80% d'ici à 2050, l'approvisionnement en eau des centres urbains à partir des zones rurales est devenu une stratégie courante » pour répondre à ces nouveaux besoins, note l'ONU.

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Cela ne devrait toutefois pas être suffisant. Le nombre d'habitants des zones urbaines menacés par les pénuries d'eau devrait passer de 933 millions en 2016 à entre 1,7 et 2,4 milliards en 2050, avance l'ONU-Eau. Ce dernier note que l'Inde devrait être le pays le plus gravement touché.

Des inondations et sécheresses meurtrières et coûteuses

Avec le réchauffement de la planète, l'humidité dans l'atmosphère augmente environ de 7% par degré supplémentaire. Celle-ci entraîne davantage de précipitations, plus intenses et moins régulières. Entre 2000 et 2019, les inondations auraient provoqué 650 milliards de dollars de dégâts, touché 1,65 million de personnes et causé plus de 100.000 morts, selon le rapport.

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Le réchauffement multiplie également les sécheresses qui, sur la même période, ont concerné 1,43 million de personnes et causé 130 milliards de dollars de dommages. Ensemble, sécheresses et inondations comptent pour plus de 75% des catastrophes naturelles subies par l'humanité.

2 milliards de personnes privées d'une eau potable sûre

Pour assombrir le tableau, en 2020, 2 milliards de personnes (26% de la population mondiale) étaient toujours privées d'une eau potable sûre. En outre, 3,6 milliards (46% de la population) n'avaient pas accès à des services d'assainissement gérés de façon sûre, dont 494 millions n'avaient d'autre choix que de faire leurs besoins en plein air.

Toujours en 2020, plus de 40% des eaux usées domestiques n'étaient pas traitées de façon sûre avant d'être rejetées dans l'environnement. En outre, 2,3 milliards de personnes (29 % de la population mondiale) ne bénéficiaient pas de services d'hygiène de base, dont 670 millions sans aucune installation pour le lavage des mains. Et au moins deux milliards de personnes boivent de l'eau contaminée par des excréments.

Des conditions propices à la propagation du choléra, de la dysenterie, ou de la polio. En 2019, 1,4 million de morts auraient été causées par l'absence de services d'hygiène et d'assainissement adéquats. Mais les risques viennent aussi de polluants émergents comme les produits pharmaceutiques et chimiques, pesticides ou nanomatériaux.

1.000 milliards de dollars par an d'investissements nécessaires

Ces pollutions touchent également les écosystèmes d'eau douce, victimes notamment des ruissellements d'origine agricole. Ces écosystèmes sont « parmi les plus menacés dans le monde », note le rapport, qui évoque notamment la disparition de plus 85% des zones humides. Et « la perte de services environnementaux et de biodiversité devrait se poursuivre au fur et à mesure que les zones naturelles disparaissent au profit de terres cultivées ». Avec le risque de provoquer des émissions de gaz à effet de serre « considérables » lorsque les tourbières sont « drainées et converties en terres cultivées ».

Enfin, une étude citée par le rapport évalue à plus 1.000 milliards de dollars par an les investissements nécessaires pour atteindre d'ici 2030 le sixième « Objectif de développement durable » de l'ONU, sur l'eau et l'assainissement pour tous. Pour garantir notamment un accès universel et équitable à un approvisionnement en eau potable d'ici 2030, il faudrait multiplier par trois les niveaux d'investissement actuels.

A New-York, c'est « maintenant ou jamais »

Pour tenter d'inverser la tendance et espérer garantir d'ici 2030 l'accès pour tous à de l'eau potable ou à des toilettes, objectifs fixés en 2015, les quelque 6.500 participants, dont une centaine de ministres et une douzaine de chefs d'Etat et de gouvernement, qui se réunissent jusqu'à vendredi à New York, ont été appelés à venir avec des engagements concrets.

« Il y a beaucoup à faire et le temps ne joue pas en notre faveur », commente Gilbert Houngbo, président de l'ONU-Eau. Aucune conférence de cette ampleur n'avait été organisée depuis 1977 sur cette question vitale mais trop longtemps ignorée. « Nous avons brisé le cycle de l'eau », résume à l'AFP Henk Ovink, envoyé spécial pour l'eau des Pays-Bas, co-organisateurs avec le Tadjikistan de cette conférence.

« Nous devons agir maintenant parce que l'insécurité liée à l'eau sape la sécurité alimentaire, la santé, la sécurité énergétique ou le développement urbain et les problèmes sociaux », a-t-il ajouté. « C'est maintenant ou jamais, l'opportunité d'une génération. »

(Avec AFP)