Agriculture intensive : 99% des cours d’eau bretons contaminés par les pesticides, l’eau potable pas toujours conforme

Le bon état écologique des cours d’eau n’était pas atteint en 2020 en Bretagne. Selon la première publication chiffrée de l’Observatoire de l’Environnement en Bretagne, 99% des cours d’eau sont contaminés par les pesticides avec une omniprésence des herbicides et des métabolites. Liées à l’agriculture intensive, ces substances nocives ont un impact sur la biodiversité et affectent aussi la qualité de l’eau potable. Cet état des lieux est destiné à nourrir les politiques publiques.
Selon des données chiffrées compilées par l'Observatoire de l'environnement en Bretagne (OEB), les objectifs de bon état écologique fixés par la Directive-cadre sur l'eau ne sont atteints que pour 32 % des masses d'eau-cours d'eau.
Selon des données chiffrées compilées par l'Observatoire de l'environnement en Bretagne (OEB), les objectifs de bon état écologique fixés par la Directive-cadre sur l'eau ne sont atteints que pour 32 % des masses d'eau-cours d'eau. (Crédits : Pixabay)

Depuis 40 ans, les politiques publiques mises en place pour retrouver la qualité de l'eau conduisent à des progrès. « Ils sont indéniables, notamment dans le domaine des pollutions diffuses d'origine agricole. Malgré tout, les objectifs de bon état écologique fixés par la Directive-cadre sur l'eau ne sont atteints que pour 32% des masses d'eau-cours d'eau », relève Aurélie Mestres, présidente l'Observatoire de l'Environnement en Bretagne (OEB) et directrice adjointe de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Bretagne (DREAL Bretagne).

Produite par l'OEB, structure mise en place par la région et l'état, la première publication des chiffres clés de l'eau en Bretagne, fondés sur des données de 2020 et dévoilés fin-février, enfonce le clou sur le piètre niveau de qualité de l'eau en Bretagne. 99% des cours d'eau sont contaminés par les pesticides avec une omniprésence des herbicides et des métabolites, substances issues de la dégradation des pesticides, liée à l'agriculture.

S'agissant de l'eau potable, 40% de la population régionale a reçu en 2021 une eau ponctuellement ou régulièrement non conforme vis-à-vis des pesticides.

Jusqu'à 83 pesticides par station

Cette étude synthétise les éléments de connaissance disponibles au niveau de la région, alors que la ressource en eau subit en Bretagne, comme sur le reste du territoire français, l'impact du changement climatique.

S'agissant des cours d'eau, les 239 stations évaluées en 2020 présentaient presque toutes au moins une substance pesticide quantifiée. Certaines en affichaient entre 61 et 83.

Alors que Bretagne Écologie a salué le mois dernier l'interdiction annoncée par les autorités de l'herbicide S-métolachlore, des résidus de ce désherbant des cultures de maïs ont été trouvés dans près de 690 communes bretonnes entre avril 2021 et septembre 2022. 98% des eaux souterraines présentent quant à elles au moins une substance pesticide.

 « Le maintien et le développement du tissu social et économique bretons sont liés aux questions de préservation de l'eau, en quantité et en qualité. La publication de données fiables sur ce sujet constitue un préalable indispensable au déploiement d'actions nouvelles ainsi qu'à leur suivi », assure Aurélie Mestres.

35% de glyphosate, le nitrate à un niveau élevé

Parmi les 2.342 substances quantifiées dans les cours d'eau, les plus présentes sont les herbicides (44%) et les fongicides (21%).

Le glyphosate, première substance active vendue en Bretagne (en usage agricole ou non agricole avant la loi Labbé de 2014), ainsi que son métabolite l'Ampa, sont quantifiés dans respectivement 35% et 64% des stations dans lesquelles ils sont recherchés.

Quant aux teneurs en phosphore et en nitrate, qui sont à l'origine de la prolifération des micro-algues et des algues vertes, elles ont baissé dans les cours d'eau mais ont tendance à stagner. « La pollution azotée des cours d'eau bretons stagne à un niveau encore élevé » analyse l'étude.

Cette pollution issue principalement de l'épandage des lisiers a diminué de 17% depuis 1995 dans les cours d'eau mais les résultats stagnent depuis 6 ans à des niveaux encore élevés (Q90 moyen à 32,1 mg/l en 2020) et sur certaines zones comme le littoral nord (Finistère et Côtes-d'Armor) ou dans le Morbihan (Blavet, ria d'Étel).

Outre le renforcement de la réglementation, cette baisse est la résultante de la « forte mobilisation des acteurs de territoires », y compris des agriculteurs, tempère l'OEB.

L'état écologique des cours d'eaux reste cependant contrasté sur le territoire : il est bon à 61% dans le Finistère, très mauvais, à 2% en Ille-et-Vilaine. Dans de département, la pluviométrie y est deux fois moindre tandis que les pressions liées à l'intensification de l'agriculture laitière au sud de Rennes sont plus fortes.

Facilitateurs de l'eutrophisation des eaux, le phosphore, les nitrates et les pesticides dégradent les milieux naturels et la biodiversité.

Selon l'OEB, la « Bretagne porte une très forte responsabilité biologique » pour 16% des espèces de poissons d'eau douce inféodées aux milieux humides. 56% d'entre elles sont menacées de disparition.

Projet européen de protection de l'eau

Au moment où la Commission locale de l'eau vient d'inviter le million d'habitants du bassin-versant de la Vilaine (515 communes sur six départements, 15.000 kilomètres de cours d'eau), à participer à une consultation en ligne jusqu'au 2 avril sur la révision du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE Vilaine), cet état des lieux propose un précieux éclairage pour les acteurs de l'eau.

Il viendra enrichir la réflexion sur la gestion quantative (sobriété, préservation...) et qualitative de la ressource assure le Conseil régional de Bretagne.

Via son Assemblée bretonne de l'eau, installée en janvier 2022, la collectivité a pour l'instant proposé un plan d'actions en six axes, surtout concentré sur la préservation de l'eau et la sobriété des usages.

Cette mission vient appuyer l'action de l'agence de l'eau Loire-Bretagne, qui à fin 2022, finançait 3.353 projets en faveur de l'eau. Sur un montant de 222,13 millions d'euros, 39,8 millions d'euros ont été allouées aux collectivités pour préserver la qualité et la richesse des milieux aquatiques, 32,8 millions d'euros sont dédiés à la lutte contre les pollutions diffuses et la protection des captages, 5,7 millions d'euros sont allés aux acteurs économiques pour la dépollution industrielle.

La question stratégique de l'eau mobilise aussi le monde de la recherche.

L'Institut des sciences chimiques de Rennes (ISCR) a annoncé fin février sa participation au programme européen IBAIA dont l'objectif est de développer une nouvelle gamme de capteurs pour la surveillance de la qualité de l'eau et la détection des produits chimiques organiques, des microplastiques, des nutriments et des métaux lourds.

Impliquant seize partenaires européens, dont huit entreprises comme la PME rennaise Scirpe (épuration végétalisée), le projet est doté de 4,7 millions d'euros sur quatre ans dans le cadre du programme Horizon Europe.

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Commentaires 3
à écrit le 12/03/2023 à 8:53
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Et si il ne pleuvait pas autant en Bretagne, sans la dilution que la pluie procure, la polution serait encore plus importante.

à écrit le 11/03/2023 à 0:37
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Il faudrait importer aux bretons de l'eau vivifiante de Fukushima pour valider le bon sens paysan...

à écrit le 10/03/2023 à 10:28
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99% des cours d’eau bretons contaminés par les pesticides, c'est le résultat de la monumentale bêtise agricole ; Les agriculteurs pleurnichent sans cesse, ils mendient des subventions ... que nos gouvernements leur donnent complaisamment.. ces subven...

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