Chine : la suspicion s'installe dans l'agroalimentaire

Face à la multiplication des scandales alimentaires les Chinois privilégient les grandes marques.
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Chaque fois que je vais en Chine, j'emporte dans mes bagages plusieurs « packs » de lait en poudre français pour mes amies. Ce type de produits est très recherché par les jeunes mamans. Et mieux vaut ne pas l'envoyer par la poste où l'on risque de voir ce lait lors du passage à la douane volé ou interchangé. » Jeune chinoise vivant à Paris, mais retournant régulièrement dans son pays natal, Bei, confirme : « La Chine est en pleine paranoïa alimentaire. Les gens n'osent plus manger au restaurant », insiste-t-elle.

Certes, les scandales des additifs alimentaires sont loin d'être nouveaux en Chine. La litanie des empoisonnements aux champignons artificiellement blanchis, au tofu falsifié, à l'huile de cuisine recyclée, aux oranges peinturlurées égrène régulièrement l'actualité. Mais ces derniers temps, ils ont tendance à le faire avec plus d'acuité. La découverte récente, par les autorités de Chongqing, de 26 tonnes de lait en poudre contenant de la mélamine a, par exemple, ravivé le douloureux scandale de 2008. A l'époque, ce produit chimique toxique - il stimule l'apport en protéines et permet aux producteurs de tricher en ajoutant de l'eau au lait - avait coûté la vie de six bébés et provoqué des maladies rénales chez 300.000 autres jeunes enfants.

« Depuis ce scandale, le marché du lait en poudre a été en grande partie investi par les groupes étrangers », souligne une analyste chinoise. « Pas étonnant que les mères chinoises dévalisent les magasins de Hong Kong ! »

Pour ce qui est des marques de produits laitiers frais, les Chinois préfèrent sans équivoque consommer les marques qui ont pignon sur rue. Par exemple, Inner Mongolia Yili Industrial ou encore China Mengniu Dairy. Un groupe coté à New York et à Hong Kong.

Emblématique, la filière du lait est cependant loin d'être la seule touchée. Shuanghui, le spécialiste de la vente de viande, est toujours sous le coup d'une enquête après la découverte le mois dernier de clubentérol - un anabolisant qui réduit la graisse au profit des muscles - dans la viande de porc de l'une de ses filiales. Ce produit a rendu malades pas moins de 300 villageois de la province du Hunan, dont 91 ont dû être hospitalisés.

Inertie du pouvoir

Force est de constater que la loi promulguée en 2009 visant à promouvoir la sécurité alimentaire est restée lettre morte. « Nous avons édicté beaucoup de règles, mais avons été incapables de réellement les appliquer au niveau local », estime le professeur Wu Ming, en charge de la santé publique à l'université de Pékin. D'autres experts évoquent la multiplicité du nombre de petits producteurs et distributeurs. Un élément qui rend leur contrôle difficile. Mais également la corruption de certaines filières. Exemple, celle du porc, au sein de laquelle les inspecteurs auraient fermé les yeux et laissé les intermédiaires recycler des carcasses de porc malade au lieu de les faire incinérer.

Conscient du discrédit qui a été jeté sur tout le secteur, Pékin planche sur de nouvelles règles en vue de renforcer la sécurité alimentaire. Celles-ci devraient être annoncées avant la fin de l'année. Des mesures d'urgence ont également été prises. Suite à une inspection, 20 % des entreprises de la branche laitière ont été fermées. Essentiellement des petites sociétés qui représentent 10 % du marché. Une campagne contre 151 additifs interdits a aussi été lancée. Les autorités sont à présent attendues au tournant.

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