Référendum grec : la crainte, le danger et l'espoir

Par Laurent Blachier  |   |  770  mots
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Par Romain Blachier, adjoint à la mairie de Lyon.

Sur Twitter cela discute beaucoup du référendum grec. Certains y voient le retour du clivage entre oui ou non au Traité sur la constitution européenne de 2005, d'autres lui attribuent entièrement la chute de la Bourse aujourd'hui, qui avait pourtant débuté hier, bien avant l'annonce du Premier ministre grec Papandréou. Alors qu'on parlait de réussite franco-allemande sur cet accord, on me signale également que Sarkozy s'est dit "consterné" par cette décision , symbole d'un nouvel échec dans l'action du président.

On aurait tort au premier regard de s'en réjouir : l'avenir est incertain et Papandréou, dans une décision nationale après avoir fait appel à l'Europe, a ici manqué de loyauté. Mais pas de sens politique.

L'idée d'un référendum n'est pas absurde

En premier lieu sur le plan démocratique, Papandréou et les socialistes grecs se sont fait élire sur un programme qui promettait plus de solidarité et moins d'inégalités devant l'éducation, l'accès à l'activité économique et la santé. Il se retrouve, à cause d'une énorme dette maquillée par ses prédécesseurs de droite, à devoir faire l'inverse. Certes Nouvelle Démocratie, le parti conservateur grec, n'est pas le seul responsable, l'ex-Premier ministre de gauche Simitis ayant aussi pris part, à moindre échelle, à ce maquillage. Et puis surtout, gauche et droite confondues, c'est avant tout la mentalité locale vis-à-vis des impôts, des institutions et des responsabilités collectives ainsi qu'un goût prononcé pour les budgets militaires démesurés qui est à blâmer.

Du coup, faire un référendum sur ce changement de cap nécessaire serait logique.

Mais on pourrait aussi craindre que les électeurs grecs fassent dans l'anti-gouvernemental primaire devant la crise, et ne répondent pas à la question réellement posée. Mais ce serait oublier que les dernières municipales ont été remportées par le parti au pouvoir pendant les mesures d'austérité... Quoiqu'il en soit, ce référendum survient surement trop tard pour être rationnel, tant la situation politique et sociale grecque s'est dégradée.

Autre raison plaidant pour un référendum, c'est la possibilité pour Papandréou de se doter d'armes politiques. Sur le plan intérieur, cela pourrait permettre d'amener la droite locale à l'union nationale pour faire face à la crise, elle qui l'a toujours refusée, amenant d'ailleurs à une scission chez les conservateurs les moins sectaires. Devant les Grecs aussi, ce référendum permet de se poser à la fois en gestionnaire courageux d'une crise de la dette dont il a hérité et qui donne enfin la parole à son peuple, même tardivement. Sur le plan international ensuite, la perspective d'un référendum très incertain pourrait amener les banques et les Etats à plus de souplesse encore en échange d'un retrait. En utilisant les même armes que les financiers, en quelque sorte. L'hypothèse est crédible : on ne voit donc pas comment la Grèce va pouvoir vivre d'ici le référendum, s'il a lieu. Surtout que le budget de l'armée grecque reste pesant...

A moins que Papandréou, las de devoir gérer une situation explosive, trouve ici un moyen de tirer sa révérence ?

Un danger pour l'Europe

L'hypothèse d'un tel référendum quel que soit son issue n'est en tout cas pas une bonne nouvelle pour l'Europe actuelle. D'abord parce que un tel scrutin suspend de fait les aides prévues par le plan, mettant la zone euro dans des sables incertains. C'est en effet  tout le plan décidé à Bruxelles qui s'effondre : comment imaginer que les banques internationales vont accepter d'effacer 50% de leurs créances si les Grecs décident de faire défaut ? Comment imaginer que le parlement allemand va voter l'octroi d'aide supplémentaire à ce pays dans ces circonstances ?

L'espoir d'un renouveau européen

Néanmoins de cette situation difficile pourrait paradoxalement naitre un espoir européen : en montrant le danger que des politiques nationales irresponsables peuvent faire peser sur l'Union européenne, elle peut amener les Européens à réfléchir à plus de rationalité et d'intelligence dans l'émission de la monnaie et des prêts. Elle peut aussi nous pousser à faire enfin le choix d'une Europe fédérale et démocratique, dans lequel les dirigeants seraient élus au niveau européen par des Européens pour prendre des décisions européennes. Avec un vrai pouvoir politique européen et non de simples décisions interétatiques laissant la seule part belle au financier.

Article initialement publié sur le blog de Laurent Blachier