"Avec un taux de chômage élevé, c'est une bonne idée d'encourager nos jeunes à voyager" (Jean Charest)

Par Propos recueillis par Marina Torre  |   |  563  mots
Jean Charest, ex Premier ministre québecois et star inattendue de l'université d'été du Medef (c) Reuters
Actualité oblige, les retraites et la fiscalité occupent la première place dans le discours des intervenants à l'université d'été du Medef. Mais les jeunes n'étaient pas totalement oubliés, surtout par le pétulant Jean Charest, l'ancien Premier ministre du Québec.

Il a joué le rôle de la vedette inattendue. A l'Université d'été du Medef, édition 2013, Jean Charest, Premier ministre du Québec de 2003 à 2012, était entouré de la ministre de l'Enseignement et de la recherche, Geneviève Fioraso, ou encore de la directrice générale de l'Ena, toutes deux très sollicitées par les médias, pour une table ronde intitulée "regarder la réalité en face". Mais ce sont les formules souvent flatteuses et de circonstance de l'homme politique canadien qui ont emporté l'adhésion du public. "Y a-t-il plus merveilleux que la France? On aime même votre accent!", s'est-il ainsi amusé, répondant indirectement aux allusions sur le "French Bashing" pratiqué par le magazine de l'un de ses voisines de table, Sophie Pedder (The Economist). "J'aimerai travailler jusqu'à 90 ans", a-t-il également lancé, apportant son écot à un débat de circonstance. 

Au-delà des thèmes d'actualité les plus discutés, l'avocat, aujourd'hui membre du cabinet McCarthy Tétrault s'adressait surtout aux jeunes, un peu oubliés tant les retraites occupent le terrain. 

La Tribune: Au cours du débat auquel vous avez assisté, il a beaucoup été question de la fuite des jeunes français, qui, confrontés au chômage, aux difficultés d'entreprendre, préfèreraient aller voir ailleurs. Comment les retenir?

Jean Charest: Il ne faut surtout pas chercher à les retenir. Il faut les aider dans leur projet d'aller voir ailleurs. Il faut s'assurer que la France puisse être la plus accueillante pour les jeunes du monde entier. La France a déjà beaucoup a offrir sur le plan culturel, linguistique. C'est pas une coïncidence si le monde entier frappe à vos portes pour venir voir la France. Tout le monde veut voir la France au moins une fois dans sa vie! Je n'ai aucune crainte que les jeunes français abandonnent totalement leur pays. Ils partiront, ils voyageront, mais reviendront. 

En Europe et notamment en France, les jeunes connaissent un taux de chômage très élevé. Moins au Québec...

Chez nous le taux de chômage est plus bas, on a mieux réussi à se sortir de la crise que partout ailleurs, c'est vrai. Avec un taux de chômage élevé, ce n'est pas une mauvaise idée d'encourager nos jeunes à voyager. Quand un Français part, c'est la France qui s'enrichit! Un jeune Français qui a fait l'expérience de partir va revenir chez lui avec des connaissances nouvelles et avec un réseau. 

Se projeter dans l'avenir est à la mode - après France 2025 de François Hollande - le Medef lance la France en 2020. Cinquante ans après le discours de Martin Luther King, "I Have a dream", de quoi  rêvez-vous pour l'avenir?

Vivre dans un monde de partage et de circulation. Pour les jeunes québécois et pour les jeunes français, c'est qu'ils puissent venir vivre en France avec le moins de contrainte possible. Et je n'ai aucune crainte sur l'avenir des deux pays, de perdre des citoyens parce que les Français sont profondément attachés à leur pays, comme les Québécois le sont. Mais ils ont aussi cette possibilité d'aller ailleurs, de vivre ailleurs, de bouger. C'est très enrichissant, c'est comme ouvrir une autre fenêtre sur la vie, ça nous permet de voir les choses différemment.