Confiance, emploi : et si la clé, c'était le discours ?

Par Arnaud Lacheret  |   |  807  mots
Le discours de soutien aux entreprises repris par François Hollande n'est pas que du vent. Le seul fait que le chef de l’État assume le social libéralisme peut contribuer à un regain de confiance. Par Arnaud Lacheret, Docteur en Science Politique, Enseignant-chercheur à l'Idrac Business School

La courbe n'est pas inversée, et alors ? Depuis quand est-on obligé de croire ce que disent nos gouvernants ? Dans le déferlement médiatique sur la promesse non tenue du Président de la République, aucune voix ne s'est élevée pour faire remarquer que le gouvernement ne pouvait pas grand-chose à la situation, mis à part quelques mesures de traitement social du chômage.

Ce qui crée de l'emploi, ce sont d'abord les entreprises et leur capacité à innover, à investir, et force est de constater que les choses ne vont pas si mal. Malgré tout ce qu'on leur fait subir, les entrepreneurs sont toujours là et bien là. Lorsque l'on entend certains patrons indiquer que la France est un paradis fiscal pour la recherche et le développement, lorsque l'on observe le taux de création d'entreprises chez les jeunes diplômés, on se dit que les motifs d'espoir existent, mais que se tourner vers l'Etat est totalement dérisoire, au pire, il s'agit d'une lubie médiatique : le gouvernement ne peut rien faire de plus qu'actuellement contre le chômage. S'il ne peut effectivement faire « plus », il peut peut-être faire « moins »…

C'est en faisant moins que les énergies vont se libérer

A ce titre, le tournant libéral de François Hollande visant à desserrer le carcan fiscal autour des entrepreneurs et la nomination -encore incertaine- comme conseiller d'un proche de l'ancien chancelier allemand Gerhard Schroeder ne peuvent être que des mesures salvatrices. L'Etat providence à la française n'est pas vraiment en danger, mais enfin, les gouvernants s'aperçoivent que c'est en en faisant moins que les énergies vont se libérer.

Cet emprunt au libéralisme est une tendance déjà ancienne du PS à la française. La création d'aides sociales ciblées dans les années 1990 puis 2000 (visant les personnes âgées dépendantes, les personnes handicapées, les personnes les plus modestes), caractéristiques des recettes des institutions financières internationales fut le fait de majorités socialistes (gouvernements Rocard pour le RMI, Jospin pour l'Allocation Personnalisée d'Autonomie…).

Un social-libéralisme assumé pour la première fois

Ce social libéralisme n'avait par contre jamais été assumé pleinement avant que François Hollande ne s'exprime. Il aura fallu attendre que cette fameuse courbe du chômage ne s'inverse toujours pas pour que les recettes libérales soient cette fois-ci assumées. Le fait que le libéralisme ne soit plus une insulte, en touts cas que certains de ses codes soient appliqués est la véritable bonne nouvelle pour le marché du travail.

Les détracteurs du Président, et ils sont nombreux, lui feront des procès en lui reprochant de trop en faire ou de ne pas assez en faire. Cependant, en changeant son logiciel idéologique, il a fait ce qu'un certain Dominique Strauss-Kahn avait fait en son temps : assumer le ministère de la parole.

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Un besoin de paroles rassurantes

L'économie est une science parfois capricieuse et l'investissement, moteur de la croissance, a besoin de paroles rassurantes pour être réalisé. C'est ce que l'on appelle « l'esprit animal des entrepreneurs » : lorsque ces derniers sont rassurés par des paroles officielles, ils auront tendance à investir plus facilement. Certes, la parole présidentielle a désormais bien peu de poids mais le fait de brosser les entrepreneurs dans le sens du poil est peut-être la solution la plus efficace : on ne gagne jamais la bataille de l'emploi en menant une guerre psychologique contre l'entreprise.

Le fait qu'un gouvernement socialiste s'en aperçoive plus de 15 ans après DSK est plutôt une excellente nouvelle.

Les plus grands réformateurs? Des socio-démocrates

Les motifs d'espoir ne sont donc pas tout à fait inexistants car les plus grands réformateurs économiques mondiaux furent des sociaux-démocrates : bien avant Schroeder et Blair, souvent cités en exemple, d'autre hommes de gauche ont ouvert la porte au libéralisme : on peut citer la Nouvelle Zélande, pays laboratoire du libéralisme économique, qui ne s'est jamais autant réformée que sous le travailliste David Lange de 1984 à 1989.

Besoin d'un discours qui inspire la confiance

La gauche française peut-elle, contre toute attente, changer de cap et ouvrir enfin ses portes à la réforme ? La bataille de l'emploi semble être à ce prix. Si le traitement social du chômage, recette ciblée par excellence est une solution qui a permis de ralentir sa hausse, la relance de l'investissement privé passe à la fois par des mesures réelles en faveur des entreprises, mais surtout par une posture discursive qui inspire la confiance.

Monsieur le Président : et si vous deveniez un vrai réformateur en laissant l'économie fonctionner et en faisant durablement évoluer votre discours ?