Que seront les Macronomics ?

Par Philippe Mabille  |   |  860  mots
Emmanuel Macron
Et si la mesure économique phare portée par Emmanuel Macron, le successeur de Montebourg à Bercy, était de convaincre Hollande et Valls de faire enfin la TVA sociale. La difficulté est plus le nom que la chose.

La seule vraie surprise de ce remaniement express de rentrée 2014, outre le coup de jeune donné au gouvernement Valls II avec la promotion de jeunes femmes à des postes clefs (Najat Vallaut-Belkacem à l'Education nationale, recherche et université, et Fleur Pellerin à la Culture et Communication) est bien évidemment le remplacement du trublion incontrôlable Arnaud Montebourg par un jeune loup au dents longues inconnu du grand public, Emmanuel Macron.

Secrétaire général adjoint de l'Élysée pendant les deux premières années du quinquennat, philosophe de formation (il a été l'assistant de Paul Ricoeur et a fait son mémoire sur l'intérêt général), beau spécimen de ce que la haute fonction publique produit de mieux dans l'aristocratie de l'inspection des finances, le nouveau ministre de l'Economie et du numérique présente le casting parfait. Encarté au PS, mais encore jamais élu, rêvant disent ses amis (et ses ennemis) d'un grand destin politique, Emmanuel Macron ne sera pas seulement pour Manuel Valls un élément loyal apportant un nouveau souffle à une équipe déjà au bout du rouleau face à une majorité introuvable.

On peut le parier, Emmanuel Macron, artisan du tournant social libéral de François Hollande, inspirateur du CICE et du pacte de responsabilité, sera un anti-Montebourg à Bercy. Germanophile, apprécié par Angela Merkel qui l'a vu à la manœuvre pendant la crise de la zone euro pour arrondir les angles, on ne peut craindre de sa part de charges anti-allemandes ni de contestation de la ligne fixée par François Hollande et Manuel Valls, dont il est proche, tout comme du secrétaire général de l'Elysée, Jean-Pierre Jouyet. Aucune ambigüité n'est désormais possible : les pro-européens et les pro-entreprises l'ont emporté, la rupture est consommée avec la gauche de la gauche et le cap de la politique de l'offre et des réformes va s'accélérer.

Reste à savoir ce que seront les "Macronomics" sous la férule du nouveau ministre de l'Économie. Ancien banquier d'affaires chez Rothschild, il a été le rapporteur et le rédacteur du rapport Attali sur la "libération de la croissance française" et peut donc être considéré comme un libéral favorable à des réformes structurelles importantes : TVA sociale, libéralisation du marché du travail, concurrence et réforme des professions réglementées (souhaitée par Arnaud Montebourg) font donc partie de son univers de pensée.

Si on peut s'attendre à ce que Emmanuel Macron s'entende bien avec Michel Sapin, en charge des comptes publics, on ne peut pas douter qu'il arrive à Bercy pour faire entendre sa propre musique et faire preuve d'imagination. Proche des patrons, qui venaient pleurer dans son bureau de l'Elysée au début du quinquennat, celui qui a dit de la taxe à 75% de François Hollande que c'était « Cuba, sans le soleil », ne vient pas pour faire de la figuration, mais des réformes.

Parmi celles-ci, il en est une qu'espère vivement le Medef, qui tient justement, cette semaine, son université d'été : une accentuation du pacte de responsabilité, par une modification du mode de financement de la protection sociale. Le mot circule d'ailleurs de plus en plus dans les allées du pouvoir : il faut profiter de la période de très faible inflation actuelle pour réaliser enfin la fameuse TVA sociale qui permettrait de donner un coup de booster à la compétitivité française.

On sait que Manuel Valls est pour, puisqu'il a fait campagne sur ce thème pendant la primaire socialiste de 2011. Emmanuel Macron aussi, parce que c'est le moyen le plus simple et le plus rapide de changer la donne économique actuelle. Les « macronomics » pourraient ainsi conduire à réconcilier la politique de l'offre et celle de la demande en proposant un plan en trois temps : hausse de 2 ou 3 points de la TVA, pour compenser une baisse des cotisations sociales patronales et, ce serait l'innovation, salariale, afin de diminuer les charges des employeurs et de leur permettre d'augmenter le salaire net, donc de soutenir le pouvoir d'achat des ménages. Ce scénario audacieux, qui ne peut marcher que parce que l'inflation est historiquement au plus bas, et sous la réserve d'une surveillance attentive des comportements des entreprises en terme de répercussion de la hausse de TVA, pourrait intervenir, selon certaines sources, dés le prochain budget, et s'appliquer au 1er janvier 2015, afin d'amplifier le pacte de responsabilité.

Impopulaire ? Sans doute dans un premier temps, mais au point où en est l'exécutif, le risque est plus du côté de l'immobilisme. Ce serait en tout cas un choc positif pour la compétitivité à moyen terme et une occasion pour Emmanuel Macron de laisser son nom à une réforme que personne, jusqu'ici, n'a réussi à mettre en œuvre. En se contentant de dire qu'une hausse de la TVA n'est « pas à l'ordre du jour », Matignon n'a apporté qu'un démenti assez faible à cette piste de la TVA sociale, dont le principal défaut est le nom, plus que la chose... Un beau challenge pour un ministre philosophe !