N'enterrez pas (trop vite) François Hollande !

Par Philippe Mabille  |   |  1047  mots
François Hollande n'avait certes rien à dire de bien nouveau pour sa quatrième conférence de presse. Visiblement atteint, le président a néanmoins démontré sa forte capacité de résistance face à l'adversité.

Déplacer 350 journalistes à l'Elysée pour leur expliquer que le président de la République a beaucoup de pouvoirs en France, dont celui de bombarder des « terroristes » en Irak, ou bien de se maintenir jusqu'au terme du mandat de cinq ans que lui a confié par le peuple, certes, mais pas le pouvoir de commander la pluie, qui l'a inondé lors de son discours à l'Ile de Sein fin août, la belle affaire ! Décidément, "c'est pas facile" d'être président, pour paraphraser la nouvelle anaphore élyséenne ! C'est un François Hollande spectral, presque enclin à solliciter la pitié des Français, que l'on a vu et entendu hier, visiblement atteint par l'impopularité record dont il fait l'objet, mais dont il affirme qu'elle ne le fera pas dévier de sa mission.

C'était finalement cela, la seule véritable annonce de la quatrième conférence de presse biannuelle du chef de l'Etat. Il est loin ce 14 janvier 2014 où un François Hollande déterminé lançait son pacte de responsabilité. Depuis lors, l'orage, qui a éclaté à Paris juste avant son intervention, n'a cessé de tonner sur une France en panne de croissance et de résultats sur les deux fronts économiques : l'inversion de la courbe du chômage et celle des déficits.

Touché, François Hollande, l'est assurément. Mais coulé ? Rien n'est moins sûr et ce qui frappe le plus, alors que Manuel Valls a obtenu cette semaine le vote de confiance qu'il n'était pourtant pas obligé de solliciter, c'est la résilience de cet homme à qui rien n'a été épargné et qui, à dire vrai, ne s'est rien épargné non plus, entre ses problèmes de couple, son divorce avec une partie de sa majorité frondeuse et la vengeance de son ex-Première Dame qui a été jusqu'à l'accuser de "ne pas aimer les pauvres", lui, le socialiste bourgeois. Avec une telle accumulation de catastrophes, nombreux, sans doute la majorité des Français, sont ceux qui se disent que ce président est fini, usé, fatigué. Et n'a non seulement aucune chance d'être réélu en 2017, mais pire, ne pourrait même pas, dans la situation actuelle, être candidat.

Le chef de l'Etat ne l'a d'ailleurs pas caché : si Manuel Valls n'avait pas obtenu une majorité, certes relative, mardi, il aurait dissous l'Assemblée nationale (lire à ce sujet notre fiction sur « Les 100 derniers jours de François Hollande » dans La Tribune hebdomadaire ce vendredi). Mais voilà, cette étape est désormais passée, et même s'il y aura d'autres rendez-vous, notamment cet automne le vote du budget, la route s'éclaircit pour la seconde partie du mandat, pour peu que le scénario qu'il a dessiné hier se produise.

La résilience, c'est le fait de survivre à un choc violent, d'y résister, de le surmonter et d'être malgré tout capable d'agir, sans peur. Si la résilience, c'est passer de l'autre côté, et avancer, alors oui, on peut reconnaître cette qualité à François Hollande. Le cap du gouvernement est désormais fixé pour les trois ans à venir, dans la cohérence du choix, assumé, bien qu'il soit politiquement coûteux, de la mise en œuvre du pacte de responsabilité. Voté en juillet, ce pacte est désormais qualifié « d'irrévocable ». Il ne reste plus qu'à espérer qu'il produise les résultats escomptés avant 2017.

Deuxième changement positif pour François Hollande : son appel à une « réorientation » de la politique économique européenne commence à être entendu. La Banque centrale européenne avec les propos sans ambigüité de Mario Draghi contre une austérité excessive, la baisse, encore modeste, mais réelle, de l'euro, le plan en faveur de l'investissement du nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, tout cela pourrait produire dans les mois qui viennent un environnement plus favorable qu'au cours de deux dernières années.

Surtout que, le chef de l'Etat a été très ferme sur la position de la France à l'égard de Bruxelles et de l'Allemagne. La France donc, même une nouvelle fois dégradée par l'agence Moody's, n'ira pas au-delà des 50 milliards d'euros d'économies promises pour ne pas casser une croissance déjà très affaiblie. Et il n'y aura plus de hausses d'impôts pour "des contribuables qui n'en peuvent plus" (un point à vérifier s'agissant de la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu, qui risque d'être financée par les 7 millions non concernés par la baisse promise...). En clair, comme l'a déclamé Manuel Valls devant les députés mardi, la France a décidé de tourner le dos à l'austérité.

La chance de François Hollande, finalement, dont on pourra mesurer la réalité dans les mois qui viennent, c'est qu'après avoir servi de paratonnerre pendant deux ans (il a subi la foudre dés son élection lors de son déplacement en avion à Berlin !), il va pouvoir gommer son image trop social-libérale en s'appuyant sur les deux repoussoirs traditionnels de la gauche : le premier est le Medef qui, lui-même traversé de forces contradictoires, entre les partisans de la négociation avec le gouvernement et ceux qui plaident pour des réformes plus radicales (35 heures, code du travail, fonctionnaires), joue la surenchère. Et le second n'est autre que l'adversaire idéal que va représenter Nicolas Sarkozy dont le retour au cœur de la mêlée politique est annoncée pour ce week-end... De ce point de vue, l'appel du pied de François Hollande à une ouverture en direction de la droite centriste pour élargir la majorité est assez cousue de fil blanc. Quelle meilleure façon, au moment où la gauche qui gouverne applique pour partie le programme de la droite que d'essayer de la diviser et de troubler la volonté de l'ex-président de fusionner l'UMP et l'UDI dans un nouveau parti d'opposition.

Une chose est sûre, François Hollande, pour être politiquement diminué, n'a pas oublié les leçons de son maître florentin François Mitterrand. 2017, ça commence... maintenant ? Comme le disait André Gide : "Il faut savoir suivre sa pente, mais en la remontant."