À la recherche du bon sens écolo

Par Bruno Jeudy  |   |  515  mots
(Crédits : DR)
EDITO - Retrouvez l'éditorial de Bruno Jeudy, directeur délégué de La Tribune Dimanche.

Les tracteurs ont fait demi-tour et l'exécutif a poussé un ouf de soulagement. La jacquerie a été matée en deux semaines. Le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, a dû toutefois remettre l'ouvrage sur le métier, à trois reprises, avant d'obtenir un fragile accord avec les syndicats. Coût de l'opération : 400 millions d'euros quand même et de gros coups de canif dans l'ambition écologique portée par le président de la République. Son ministre de la Transition récuse tout recul et maintient l'objectif de baisser de moitié le recours aux pesticides. On verra si la « pause » se limite à trois semaines, comme annoncé par l'exécutif, ou bien si elle est discrètement prolongée pendant le prochain Salon de l'agriculture.

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En attendant, le bon sens paysan aura servi de boussole. Dommage que le président et son gouvernement ne planchent pas davantage pour inventer l'impérieux bon sens écolo. À l'Élysée, on préfère parler d'« écologie à la française ». Le concept demeure flou après six ans de pouvoir malgré des gestes symboliques : de l'opposition à Donald Trump sur l'accord de Paris à l'abandon de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes en passant par le grand plan de planification écologique pour réduire l'empreinte carbone de la France.

Sur le plan politique, la semaine qui s'achève aura permis de clarifier les choses : l'exécutif a définitivement tourné le dos à l'écologie punitive, doctrine défendue par les Verts. Emmanuel Macron a pourtant accumulé, depuis qu'il est chef de l'État, un nombre record de plans, de normes, de réglementations et d'objectifs plus ou moins lointains sans toujours prévoir les mesures d'accompagnements ad hoc. C'est le cas par exemple avec le gasoil non routier (GNR), dont on augmente le prix sans prendre en compte le fait que les agriculteurs n'ont pas d'alternative car le tracteur électrique n'existe pas encore...

Le bon sens écolo devrait commencer par une urgence pédagogique. Rappeler sans cesse les évidences chaque mois plus alarmantes : nous venons d'enchaîner vingt-quatre mois au-dessus des normales saisonnières. Pour la première fois, un incendie a dévasté cette semaine des pâturages dans les Hautes-Pyrénées. De l'autre côté de la frontière, Barcelone a déclenché l'alerte sécheresse. La réalité, c'est que la transition écologique n'est même pas encore entrée dans le « dur », écrivent David Djaïz et Xavier Desjardins dans La Révolution obligée (Allary Éditions). Nous sommes engagés dans un processus irréversible de changement climatique. Depuis 2016, en quête de « révolution » (titre de son livre de candidat), Emmanuel Macron en a une sous les yeux. Elle exige un nouvel art de gouverner pour contribuer à la soutenabilité écologique de nos sociétés. Une façon de mettre l'écologie au-dessus de tout.

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