Le « quoi qu’il en coûte », le sparadrap du capitaine Haddock du gouvernement

Le ministre de l'Economie a martelé que la France devait réaliser 12 milliards d'euros d'économies en 2024 pour tenir ses objectifs de finances publiques. Mais les rallonges budgétaires accordées aux agriculteurs pour éteindre l'incendie rappellent combien il est difficile pour le gouvernement de sabrer dans la dépense publique.
Grégoire Normand
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et Gabriel Attal lors de la conférence de presse du président de la République le 16 janvier dernier.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et Gabriel Attal lors de la conférence de presse du président de la République le 16 janvier dernier. (Crédits : Reuters)

Le gouvernement va-t-il tenir ses promesses budgétaires en 2024 ? Rien n'est moins sûr. Pour éteindre la fronde des agriculteurs, le Premier ministre Gabriel Attal a finalement décidé de sortir le carnet de chèques après une première salve de mesures annoncée la semaine dernière. L'enveloppe des propositions annoncées ce jeudi devrait avoisiner les 400 millions d'euros selon un premier chiffrage de Bercy. Ce montant comprend les 150 millions d'euros de soutiens aux prélèvements obligatoires des agriculteurs et le coût de l'abandon de la détaxe sur le gazole non routier (GNR). À cette somme vont s'ajouter les remboursements partiels des taxes sur ce gazole chiffrés à 200 millions d'euros, a avancé le ministère des Finances.

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En face, la FNSEA, principal syndicat agricole en France, a appelé à la levée des barrages. Mais les tensions sont loin d'être retombées et le malaise de la profession est toujours aussi profond. Malgré les aides européennes et les subventions de l'Etat, l'agriculture française subit de plein fouet les effets désastreux du réchauffement climatique et des tensions géopolitiques. Les représentants des agriculteurs ont annoncé qu'ils allaient être particulièrement attentifs dans les prochaines semaines sur les prix payés aux producteurs. Et ils ne veulent plus se contenter des promesses.

Dans ce climat de défiance, le gouvernement pourrait à nouveau devoir faire des rallonges budgétaires en 2024 pour les secteurs soumis à la fin progressive de la niche fiscale sur le gazole. Pour le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, la fin du « quoi qu'il en coûte » n'est peut-être pas pour demain. Depuis le printemps 2023, Bruno Le Maire ne cesse de marteler qu'il faut cesser d'ouvrir les vannes budgétaires. Mais le « quoi qu'il en coûte » est comme le sparadrap du capitaine Haddock du ministre des Finances. Il cherche à s'en débarrasser mais n'y arrive pas.

12 milliards d'économies encore peu documentées

Sur le front des objectifs, le Premier ministre Gabriel Attal a confirmé le cap « de repasser sous les 3% de déficit public d'ici à 2027 », lors de son discours de politique générale cette semaine. « Nous le ferons sans augmenter les impôts », a-t-il promis dans un hémicycle éruptif. Début janvier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait dessiné les ambitions de l'exécutif« Je rappelle que nous devons trouver au minimum 12 milliards d'euros d'économies en 2025. Appelons donc un chat un chat: en matière de finances publiques, le plus dur est devant nous » .

Lors du marathon budgétaire à l'automne dernier, le gouvernement a réaffirmé qu'il comptait bien sur l'extinction des mesures d'urgence comme le bouclier tarifaire ou les remises carburant pour réduire la dépense publique. « Démanteler le bouclier tarifaire n'est pas facile politiquement », reconnaît un haut fonctionnaire français rompu aux pires crises économiques des 20 dernières années. D'ailleurs, le gouvernement a préparé les esprits à une hausse des factures d'énergie ou des dépenses de santé. Depuis le premier février, les tarifs de l'électricité ont augmenté de 10% dans la foulée de ceux du  gaz. Et les franchises médicales vont doubler à fin mars. Désormais, le montant restant à la charge du patient pour chaque boîte de médicament va passer de 50 centimes à un euro. Preuve que le gouvernement veut faire preuve de bonne volonté face à la dégradation des comptes publics.

Mais Bercy est resté relativement vague sur les 12 milliards d'euros d'économies annoncées. Dans un sévère avis rendu à l'automne, le Haut conseil des finances publiques avait déjà taclé le manque de mesures d'économies documentées. « L'absence de précision sur la nature de ces économies ne permet pas au Haut Conseil de juger le réalisme de la trajectoire de dépenses ni par ailleurs d'en apprécier les conséquences sur le scénario macroéconomique ». Quatre mois après cet avertissement, la situation n'a guère changé. Gabriel Attal a promis dans son discours de s'attaquer à ce sujet tout en restant flou. Le gouvernement va mener « une revue de dépenses ambitieuses qui concernera tous les ministères. Des premières mesures d'économie seront annoncées fin mars, et nous et nous y travaillerons ensemble en vue du prochain PLF ».

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L'économie française tourne au ralenti

Pour tenir ses promesses de finances publiques, le gouvernement espère pouvoir compter sur la croissance du produit intérieur brut (PIB). En 2023, la croissance a accéléré de 0,9% sur l'ensemble de l'année. Mais la croissance trimestrielle a fait du surplace pendant trois trimestres sur quatre. Pour 2024, l'exécutif a maintenu sa prévision de croissance à 1,4%. Mais cette estimation demeure bien supérieure au consensus des économistes (0,8%).

Le coup de frein de l'inflation devrait redonner du souffle aux ménages et aux entreprises. Mais les carnets de commande en particulier dans l'industrie peinent à se remplir. De leur côté, les Banques centrales ne sont pas encore prêtes à desserrer l'étau sur leur politique monétaire. La BCE, attentive aux salaires et à l'inflation sous-jacente est restée prudente lors de sa dernière réunion.

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La bataille cruciale des élections européennes

À quelques mois des élections européennes, la promesse de réaliser 12 milliards d'économies semble intenable. En tête dans plusieurs sondages, le Rassemblement national (RN) veut profiter de la gronde des agriculteurs contre la politique commerciale européenne pour gagner des sièges au Parlement en juin prochain. Empêtré dans une crise agricole à rallonge, le gouvernement a obtenu un peu de répit en lâchant du lest sur les mesures en faveur des agriculteurs.

Mais cette crise agricole pourrait bien se propager à d'autres secteurs déjà fragilisés par une longue crise énergétique et les stigmates de la pandémie. Les défaillances de PME et TPE sont reparties à la hausse et les économistes interrogés par La Tribune ces derniers jours ne s'attendent pas à des améliorations sur ce front. En outre, la France va devoir accélérer ses investissements dans la transition écologique pour tenir ses objectifs en matière de réduction des émissions de CO2. Les besoins en investissements publics et privés s'élèvent à environ 70 milliards d'euros selon l'économiste Jean Pisani-Ferry. Réaliser les 12 milliards d'euros d'économies risque de se transformer en véritable casse-tête pour le Premier ministre Attal.

Grégoire Normand
Commentaires 14
à écrit le 03/02/2024 à 9:33
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il veulent entrer l'IVG dans la constitution donc réunir le congres à Versailles ce qui coute tres cher ALORS qu'ils en profitent pour supprimez la moitie du sénat des deputes qu'ils suppriment la région;les agences d'etat bidons .Qu'ils alignent ...

à écrit le 03/02/2024 à 8:59
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Sachant que le lobby agro-industriel devrait bien gratter discrètement entre 50 et 100 millions supplémentaires.

à écrit le 03/02/2024 à 7:05
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Les gouvernements occidentaux font semblant de croire aux bienfaits du marché et de "la libre concurrence", mais ils ne font que de l'interventionnisme pour essayer de maintenir en vie ce système utopique. Tous les marchés sont truqués par des lobbie...

à écrit le 02/02/2024 à 19:29
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"Mais les rallonges budgétaires accordées aux agriculteurs pour éteindre l'incendie" Toujours pas saisi ,si c'était en plus de la PAC ou pris sur la PAC cette rallonge.

à écrit le 02/02/2024 à 18:22
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On peut dire merci à l'euro, c'est la fuite en avant et en fin de compte pourquoi pas, puisqu'on ne remboursera jamais. En plus cela nous ancre définitivement à l'UE , ce qui n'était pas le cas des britanniques qui avaient gardé leur monnaie .

à écrit le 02/02/2024 à 18:06
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Bonjour , le quoi qui en coûte avec des cosmique pareil devrait durer un certaines temps... Honte a Mr macron... Sa vas la france est riche de dettes...

à écrit le 02/02/2024 à 18:03
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Bientôt il n'y aura que le choix d'abroger les allocations familiales pour les parents qui ne travaillent pas et de ne plus indexer du tout les retraites. Il faudra donner l'exemple en baissant de moitié les retraites de tous les réprésentants politi...

à écrit le 02/02/2024 à 17:56
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plein de declarations dont tout le monde sait qu'elles ne seront pas suivies.....moscovici est le premier a donner des lecons de morale, apres ce qu'il a fait, il est membre comme un elephant, ce gars! en fait il faut dire ' quoi qu'il en coute aux a...

à écrit le 02/02/2024 à 17:50
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Pour faire des économies en France , c'est trest simple : Diviser par deux les Députés ( 557, c'est plus qu'en Inde où ils sont plus d'1 milliard, et nous... 70 millions), Diviser par deux les Sénateurs, les mettre au regime de retraite comme les v...

le 02/02/2024 à 19:21
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Enfin des bonnes solutions.Mais ça ne pourra pas se faire tous ces planqués eux ne voudront jamais Dommage en 1 minute je mettais mise à réver d une autre France.

à écrit le 02/02/2024 à 17:48
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Bah oui, le quoi qu'il en coute des annees confinement 2020-2021, c'etait avant tout une manoeuvre electorale qui du reste a tres bien fonctionne. Maintenant, retour a la dure realite economique de la France. Quand on met sans cesse la poussiere sous...

à écrit le 02/02/2024 à 17:36
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Difficile pour le gouvernement pourtant on peut les faire facilement il suffit de sortir de la subventionite et contraindre les aides

le 02/02/2024 à 18:22
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C'est déjà le cas avec la PAC les aides et subventions sont soumises à conditions .

à écrit le 02/02/2024 à 17:36
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Ces chers élus n' ont qu 'a commencer à réduire les dépenses à leur niveau et réduire le nombre de ministres et secrétaires d 'etat ainsi que députés et sénateurs. La note serait déjà moins salée.

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