Emmanuel Macron y va-t-il « pour de vrai » ?

Par Philippe Mabille  |   |  802  mots
Emmanuel Macron
Emmanuel Macron, qui va publier un livre intitulé « Révolution », est-il le candidat anti-système qu'il prétend être ? Et que fera-t-il si sa tentative audacieuse ne prend pas dans l'opinion ? L'heure de vérité viendra lorsque François Hollande annoncera sa décision de briguer ou non un second mandat.

On peut reconnaître à Emmanuel Macron un sens aigu du timing. Annoncer, après des mois pendant lesquels il a fait se languir ses partisans et s'énerver ses adversaires, sa candidature à la veille du dernier débat à la primaire de la droite et à quatre jours du premier tour de ladite primaire, mais aussi sans attendre que François Hollande ne se décide -paraît-il début décembre- alors que la gauche est dans un trouble inédit, voilà qui est bien joué. Ce faisant, l'ancien ministre de l'Economie occupe le terrain médiatique et perturbe à dessein un échiquier politique non stabilisé.

Joueur de go ou bien joueur d'échecs ? Macron est un peu les deux à la fois. Par son positionnement progressiste, il cherche à encercler la dynamique portée par Alain Juppé au centre, au moment où celle-ci semble s'émousser. Et ce alors que François Fillon, dont le programme est plus de loin le plus libéral à droite, progresse et pourrait bousculer ce dimanche le duel annoncé avec Nicolas Sarkozy au second tour.

Par son discours appelant à « une révolution démocratique », Emmanuel Macron dérange aussi les plans du parti socialiste. Le chef de l'Etat, comme son Premier ministre, seront par construction les candidats de la continuité et du bilan, là où Macron veut incarner le renouveau. Bref, le candidat du changement, en 2017, ce sera lui, ou tout cas d'un changement dans la façon de faire de la politique.

La rencontre d'un homme et d'un peuple

Surtout, Emmanuel Macron en choisissant d'accélérer son calendrier personnel s'abstrait du jeu des partis où la primaire impose un combat sans pitié aux participants. Il joue, voire surjoue le positionnement gaullien, celui de la rencontre d'un homme et d'un peuple. Même son épouse, Brigitte, le dit en riant : « parfois j'ai l'impression de vivre avec Jeanne d'Arc »...

Désormais candidat, Emmanuel Macron va pouvoir déployer sa stratégie et son programme. Intitulé tout simplement « Révolution », son livre paraîtra la semaine prochaine et va lui permettre de faire enfin connaître aux Français qui il est, et ce qu'il propose au pays. Il en a certes esquissé les grandes lignes dans l'Obs mais, pour l'heure, force est de remarquer qu'il n'y a pas grand-chose de très original ni de très nouveau dans les mesures proposées. Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup, la formule est toujours autant d'actualité. On connaît les grandes lignes du positionnement d'Emmanuel Macron : casser les « rentes de situation » et redonner de la mobilité, mettre l'accent sur l'éducation, la formation professionnelle et l'égalité des chances, relancer l'Europe par un débat démocratique. On est loin des outrances de Donald Trump et si populisme il y a chez Emmanuel Macron, par la façon dont il critique, avec raison d'ailleurs, un « système » politique à bout de souffle, cela ne se retrouve pas vraiment dans son programme inspiré par le social-libéralisme.

Reste une question. Emmanuel Macron se présente-t-il pour de vrai ? Ou bien sera-t-il contraint de se retirer en cours de route, au profit du candidat progressiste le mieux placé ? Chacun a pu constater à quel point le fils préféré de François Hollande a pris soin de ménager ses critiques envers le président de la République. Finalement, il lui reproche surtout de ne pas lui avoir apporté le soutien qu'il attendait pour réformer. Le jeu d'Emmanuel Macron s'apparente plus à un coup de dé, ou de poker qu'aux échecs ou au go. Pour l'emporter, il lui faut non seulement obtenir les 500 signatures validant sa candidature, mais surtout être porté par des sondages faisant de lui le meilleur candidat face à la droite et à Marine Le Pen. C'est loin d'être gagné. En 2011, Dominique Strauss-Kahn avant sa chute à New York était le candidat le mieux placé et de loin. Mais DSK avait pris soin de rester au sein du parti socialiste, qui s'était rallié sans broncher au patron du FMI, malgré son étiquette sociale-libérale.

Le risque d'une impasse politique

En sortant de son camp d'origine, Emmanuel Macron a pris son risque, mais un risque qui peut le conduire à une impasse politique dont on se rendra compte assez vite. Soit sa déclaration de candidature le fait décoller rapidement dans les sondages, et alors tous les espoirs lui sont permis. Soit il sera obligé de jeter l'éponge et se posera alors la question de son ralliement à un camp. C'est peut-être là le deal secret qui demeure entre Macron et Hollande, car l'issue de cette aventure politique se dessinera lorsque le chef de l'Etat aura fait connaître son propre choix. D'une certaine façon, qu'ils le veuillent ou non, le destin des deux hommes est lié.