Emmanuel Macron ou l'art de la gestion du temps

En annonçant sa candidature à la présidentielle ce 16 novembre, Emmanuel Macron gêne Alain Juppé à quatre jours de la primaire de la droite. Mais il perturbe aussi le jeu à gauche en privant une éventuelle candidature Hollande d'un espace politique.
Jean-Christophe Chanut
En annonçant sa candidature ce 16 novembre, Emmanuel Macron reste maître du temps en gênant à droite la candidature d'Alain Juppé à la primaire et en privant, à gauche, François Hollande d'une partie de son potentiel champ politique.

Ainsi c'est fait, Emmanuel Macron a définitivement tué le père en déclarant sa candidature à la présidence de la République en direct de Bobigny (Seine-Saint-Denis) ce 16 novembre. Une date qui peut étonner alors que l'ancien ministre de l'Economie avait plutôt évoqué une déclaration autour du 10 décembre. Oui mais... Emmanuel Macron a finalement anticipé pour rester maître du temps.

Gêner Alain Juppé pour pousser Sarkozy, plus clivant

Tactiquement c'est bien joué pour un homme qui aspire à prendre des voix autant à droite qu'à gauche, au nom de son positionnement transcourant. Le 16 novembre, c'est quatre jours avant le premier tour de la primaire de la droite et c'est la veille du dernier débat entre les candidats à cette primaire. Or, la candidature Macron a tout pour gêner Alain Juppé, qui fait encore actuellement figure de favori. Avec un positionnement plus centriste, en plaidant pour une alternance tranquille, Alain Juppé draine un électorat potentiel qui peut être sensible également à l'image d'Emmanuel Macron. Après tout, à trente ans d'écart, les deux hommes affichent des similitudes : ils sont tous les deux énarques et inspecteur des finances. Et quand il a émergé au début des années 80, Alain Juppé n'avait encore aucun mandat électoral - comme Emmanuel Macron - avant de partir à la conquête du 18 e arrondissement de Paris.

Sur le fond aussi, les deux hommes ne sont pas complètement incompatibles. Tous les deux prônent un libéralisme tempéré en matière économique et un libéralisme affirmé sur les questions sociétales. Résultat, Emmanuel Macron espère « piquer » quelques pourcentages de voix à Alain Juppé. Autrement dit, le secret espoir de Macron est qu'en annonçant maintenant sa candidature une fraction de l'électorat d'Alain Juppé renonce, finalement, à se déplacer dimanche pour voter pour le maire de Bordeaux...

Ainsi, Nicolas Sarkozy retrouverait toutes ses chances d'être désigné champion de la droite. En fait, entre Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, s'est nouée une sorte d'alliance objective involontaire. Emmanuel Macron, qui cherche à occuper le fameux créneau « ni droite ni gauche » a tout intérêt de voir Nicolas Sarkozy, plus clivant et plus radical qu'Alain Juppé, devenir le candidat de la droite. Quant à Nicolas Sarkozy, il sait très bien qu'une candidature Macron va encore davantage diviser à gauche et embarrasser Juppé...

Asphyxier Hollande

De fait, la décision d'Emmanuel Macron de se déclarer aujourd'hui gêne aussi de l'autre côté de l'échiquier. D'abord, autre rêve d'Emmanuel Macron, sa déclaration vise à asphyxier François Hollande en restreignant considérablement son champ politique, pour à terme, empêcher une déclaration de candidature pour un second mandat du président en place. De fait, l'exercice devient de plus en plus difficile pour le locataire de l'Elysée, pris en tenaille sur sa droite par Macron et sur sa gauche par Montebourg. En outre, Macron, lui, n'aura pas à passer par la case primaire de gauche à la différence du président. Le choix de la date opéré par Emmanuel Macron vise également à lui donner bonne conscience. En se déclarant avant le président et non après, il cherche à casser l'image de « Brutus » que l'on cherche à lui coller dans l'entourage présidentiel.

Reste que la déclaration d'Emmanuel Macron fait une autre victime : le premier ministre. Manuel Valls rêvait d'y aller si François Hollande renonçait. Mais l'exercice va maintenant être très difficile car Manuel Valls souhaitait occuper grosso modo le même créneau politique, celui du social-libéralisme. Incontestablement, Emmanuel Macron a parfaitement gérer son temps, il a fait preuve d'un opportunisme très politique en prenant tous ses adversaires de vitesse. Une tactique de vieux routier de la politique qui ne colle pas vraiment avec son image de « modernité » hors courant. Mais la fin justifie les moyens. Reste à vérifier s'il y aura un véritable effet Macron à long terme, ou si le soufflet va rapidement retomber.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 3
à écrit le 16/11/2016 à 14:04
Signaler
Personnellement, je trouve que les médias en font des caisses et des caisses de la candidature de Macron. C'est presque suspect....

le 16/11/2016 à 16:39
Signaler
Vues les réactions chez les candidat(e)s putatifs tant à gauche qu'à droite (FN inclu), la candidature de Macron leur pose tous un problème.

à écrit le 16/11/2016 à 13:24
Signaler
La solution consiste à financer les charges sociales par un prélèvement sur la consommation, et plus particulièrement sur la consommation d'énergie, avec une allocation universelle pour respecter l'équité. Macron propose la première, Valls la troisiè...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.