En économie, à droite, un programme des plus primaire

Par Philippe Mabille  |   |  965  mots
Le débat sur la justice et l'efficacité de notre système d'imposition ne mériterait-il pas une réflexion un peu plus approfondie ? En matière de politique économique, la droite gagnerait sans doute à réviser son logiciel et à travailler un peu plus, avec les économistes...
Les sept candidats de la primaire de la droite passent ce jeudi leur premier grand oral à la télévision. Peu innovant, sans grande vision sur le futur, leur programme des plus classique est-il de nature à redresser la France ? Rien n'est moins sûr.

Du dernier projet de budget du quinquennat Hollande, le Haut conseil des finances publiques, autorité indépendante chargée de juger de la crédibilité de la copie présentée par Bercy, n'a dit qu'un mot, cruel et définitif : « improbable ». Improbable, la prévision de croissance de 1,5 %, déjà révisée par l'Insee à 1,3 %. Improbable aussi, l'objectif en pleine année électorale d'un retour du déficit à 2,7 % du PIB, qui n'engage que la crédulité des plus naïfs puisqu'il est très improbable que ceux qui l'ont fixé soient encore là pour le constater...

En 2017, si la droite l'emporte, le scénario est déjà téléphoné : quel que soit le candidat élu, un audit des finances publiques affirmera que tout était faux dans ce budget ; et une loi de finances rectificative appliquera dès l'été un programme qui repose dans tous les cas sur un creusement - temporaire ? - du déficit pour remettre les compteurs à zéro. Certains prévoient même d'enclencher un contre-choc fiscal immédiat, bien sûr non financé, ce qui alourdira un peu plus la note pour un effet économique incertain. Adieu donc, si la droite gouverne l'an prochain, les 3 % du PIB. Il faudra tenter de renégocier avec Bruxelles et l'Allemagne un nouveau délai. Et ce sera reparti pour un tour, à moins que l'élastique européen ne se casse... La divergence croissante entre la France trop déficitaire et l'Allemagne trop excédentaire ne conduit pas à l'optimisme.

Le débat économique gagnerait à se fonder sur un diagnostic mieux établi. L'un d'entre eux ne fait pas débat : on sait que le PIB par habitant en France, rapporté au même indicateur en Allemagne, a perdu près de dix points en dix ans. La droite et la gauche en assument la même paternité. Bien sûr, l'une des explications est démographique : la population allemande stagne, alors qu'elle conserve une croissance en France.

Mais, c'est justement pour cela que c'est grave, car avec moins de croissance que l'Allemagne et de plus en plus d'habitants, c'est bien notre niveau de vie qui décline à grande vitesse. Une stratégie économique cohérente pourrait se fixer comme objectif d'inverser cette courbe. Cela a été le cas entre 1986 et 1988, puis du milieu des années 1990 au milieu des années 2000 (période pendant laquelle l'Allemagne a été affaiblie par sa réunification). Comme quoi la droite sait le faire ! A condition d'appliquer pour cela les bons remèdes, à commencer par une politique favorisant vraiment la croissance.

Mal préparés

C'est le drame de la politique française : ses dirigeants, de droite comme de gauche, arrivent au pouvoir mal préparés, avec un diagnostic partiel et souvent erroné de la réalité économique. Se sentant engagés par leurs promesses de campagne, ils appliquent sans réfléchir leur programme, la plupart du temps daté, bâclé, inopérant et à contre-emploi ; et ils finissent au bout d'un an ou deux par se rendre compte de leur erreur avant de passer la fin de leur mandat à essayer - dans le meilleur des cas - de la  corriger. Comme les alternances politiques se succèdent de plus en plus rapidement avec le quinquennat, la majorité en place manque en outre le plus souvent de temps pour vérifier que sa stratégie économique était la bonne. Et si tel est effectivement le cas, c'est en général la suivante qui dilapide cet héritage...

Il est à craindre que l'alternance promise à nouveau à la droite ne conduise à la même impasse. Pour s'en convaincre, il suffit d'étudier les propositions économiques des principaux candidats aux primaires. Peu ou prou, ils préconisent tous les mêmes mesures, à quelques nuances près - Fillon est le plus libéral, avec NKM ; Juppé le plus prudent, avec Sarkozy. Baisses d'impôts, surtout pour les riches, et de charges pour les entreprises, électrochoc sur les dépenses publiques (sans dire lesquelles), réforme des retraites et du marché du travail. Bonjour l'originalité... Est-ce la nostalgie de tout ce que la droite n'a pas su, pas pu ou pas voulu faire depuis 1995 ? Le manque d'imagination des candidats à la primaire est assez stupéfiant. Pour relancer la croissance, le volontarisme leur tient lieu de raisonnement.

Surtout, on peine à trouver le début du commencement de quelque chose qui ressemblerait même de façon infime à une stratégie de long terme de nature à résoudre notre problème principal : le manque de croissance. Il n'y a rien sur la nécessité d'une relance de l'investissement public, ciblé sur les infrastructures numériques notamment, qui fait pourtant consensus jusqu'au FMI ou à l'OCDE. Rien ou presque de solide sur la nouvelle économie et les actions à mener pour créer les nouveaux emplois de demain. Presque rien, enfin, sinon chez Nathalie Kosciusko-Morizet sur le travail indépendant, sur la nécessité de conclure un nouveau contrat social pour adapter notre modèle hérité de 1945 aux évolutions du marché du travail du 21e siècle.

Se contenter d'affirmer que la suppression de l'ISF, certes un vrai marqueur de droite, va faire mécaniquement revenir l'argent des expatriés fiscaux, et qu'il va s'investir massivement dans la nouvelle économie, c'est un peu court, voire primaire comme raisonnement. Et c'est même sans doute prendre les riches pour des « pigeons ». Est-ce vraiment la première mesure à prendre si l'on dispose de 5 milliards d'euros pour relancer la croissance ? Le débat sur la justice et l'efficacité de notre système d'imposition ne mériterait-il pas une réflexion un peu plus approfondie ? En matière de politique économique, la droite gagnerait sans doute à réviser son logiciel et à travailler un peu plus, avec les économistes...