François Hollande : "ce livre m’a tuER ! "

Par Philippe Mabille  |   |  792  mots
Fini, François Hollande ? La parution du livre de « confidences » accordées par le chef de l'État à deux journalistes du Monde tourne au hara-kiri politique.

Tout y est passé : la « lâcheté» des magistrats, la musculation du cerveau des footballeurs, la femme voilée, « Marianne de demain »... Non, décidément, un président ne devrait vraiment « pas dire ça » (pour paraphraser le titre), sauf dans un désir inconscient de se dérober, de mettre fin au supplice d'un quinquennat qui n'a été qu'une longue série de couacs, d'échecs, de déceptions et d'abandons.

Rien n'y a fait, ni les excuses publiques faites aux magistrats ni la visite au pas de course à Florange pour montrer qu'il n'avait pas oublié les ouvriers, lui à qui la polémique sur la malheureuse expression sur les « sans-dents » a fait tant de mal... Les Français, à 86%, ne veulent plus de lui et en tout cas pas qu'il se présente à nouveau à l'élection présidentielle, selon un sondage Ifop/JDD. Le malaise est tel au parti socialiste que plus personne n'ose parler de François Hollande. En un livre, issu de 60 rendez-vous avec deux journalistes chargés à sa demande de raconter la chronique du quinquennat, le chef de l'État a fini de désespérer Solferino et a sans doute définitivement tué le lancement de sa campagne, pourtant affiché en Une de L'Obs avec un titre téméraire : « Je suis prêt ».

Cet acte manqué a réussi à effacer ce qui restait de solennel voire de mystérieux dans la fonction présidentielle. Sans doute est-ce l'ultime transgression de celui qui voulait être un président « normal ». Naïvement, racontent les auteurs en préface, François Hollande pensait pouvoir corriger ses citations... C'était mal connaître Gérard Davet et Fabrice Lhomme, qui avaient affiché la couleur dans la polémique opposant Jean-Pierre Jouyet à François Fillon... Dans ce livre, c'est d'ailleurs son principal attrait, François Hollande apparaît donc brut de décoffrage, en roi minuscule ivre de sa propre histoire. La déflagration a été énorme, à la hauteur de ce pied-de-nez à la langue de bois. Lâché par tous, poussé vers la sortie par quatre de ses anciens ministres, Hamon, Montebourg, Duflot et Macron, Hollande se retrouve bien seul en son palais. Emporté par sa chute, Manuel Valls se prépare sans trop y croire et on prête à son ancienne compagne et actuelle ministre de l'environnement, Ségolène Royal, de nouveaux désirs d'avenir. Bref, l'après-Hollande a déjà commencé...

Incompréhensible, le suicide politique de François Hollande déboussole la gauche éclatée en factions irréconciliables : Les « déçus du hollandisme » s'apprêtent soit à rejoindre Jean-Luc Mélenchon qui tente de fédérer des frondeurs à Nuit debout, soit Emmanuel Macron, qui a sans doute bien fait de reprendre sa liberté avant le naufrage, soit même pour les plus déprimés Alain Juppé qui leur fait des appels du pied répétés pour qu'ils viennent voter pour lui à la primaire de la droite. Exit le scénario de la « défaite honorable » avec un président sortant combatif posé en défenseur du modèle social attaqué par une droite ultralibérale. Le parti socialiste craint désormais de disparaître des écrans radars aux législatives de juin 2017... et de subir le sort de tant d'autres partis socialistes européens.

Ce krach de communication, c'est l'épisode ultime, l'acmé d'un quinquennat au cours duquel François Hollande s'est montré incapable de donner du sens et du souffle à son action. Dans le livre, ce qui frappe le plus, c'est qu'il ne parle que de lui, pas des Français... Il se raconte au passé et ne parle jamais d'avenir, de sa vision pour la France de demain. Le contraste est saisissant avec l'entretien que vient d'accorder Barack Obama au magazine Wired, le mensuel spécialisé dans les nouvelles technologies, dans lequel le président américain parle, avec sagesse et compétence, des conséquences que pourrait avoir l'arrivée massive de l'intelligence artificielle et des robots dans le monde du travail. « Oui, l'intelligence artificielle pourrait accroître les inégalités », prévient le président américain, mais elle peut aussi « générer énormément d'opportunités et de prospérité ». Et de prendre date : « Il va falloir que nous ayons une discussion dans notre société sur comment gérer cela ». Barack Obama, il est vrai débarrassé de toute ambition électorale, pose les bases des régulations dont nous aurons besoin pour l'avenir.  Et propose que le gouvernement fédéral investisse massivement, à hauteur de 80 milliards de dollars, l'équivalent du déficit public français, dans la recherche sur l'intelligence artificielle. Pendant ce temps-là, en France, la bêtise naturelle continue de faire des ravages...