L'année 1984 est-elle devant nous  ?

Par Robert Jules  |   |  709  mots
Une édition anglaise de "1984" de George Orwell.
L'ouvrage de George Orwell, « 1984 », figure parmi les meilleures ventes de livres à travers le monde. Ce classique de la littérature d'anticipation décrit comment le pouvoir politique contrôle les citoyens en manipulant la vérité. Les lecteurs s'inquièteraient-ils de l'avenir que leur réservent l'Amérique de Donald Trump, ses « faits alternatifs », sa « post-vérité », et la Russie de Vladimir Poutine et son storytelling ?

Ces derniers temps, de nouvelles notions comme celles de « post-vérité » et de « faits alternatifs » sont devenues à la mode grâce au nouveau président américain Donald Trump et son équipe qui ne s'embarrassent pas de savoir si ce qu'ils affirment correspond aux faits. Sous de nouveaux mots, époque post-moderne oblige, c'est la propagande et son discours « performatif » qui sont remis au goût du jour.

La victoire de Donald Trump s'inscrit dans un contexte plus général de montée du « populisme » dans les démocraties occidentales qui exprime un certain désenchantement et une défiance des citoyens sur fond de crise économique persistante à l'égard des valeurs démocratiques et de la rationalité, ce dont profitent les démagogues.

La garantie de la liberté d'expression

Contrairement aux régimes totalitaires, les régimes démocratiques garantissent la liberté d'expression, la pluralité des opinions dont la confrontation admet implicitement que des vérités existent.

C'est ce thème de la perte de liberté qui se trouve au cœur de « 1984 », roman de l'écrivain britannique George Orwell (1903-1950), qui compte ces jours-ci parmi les meilleures ventes de livres dans de nombreux pays tant aux Etats-Unis qu'en Europe. Les lecteurs s'inquièteraient-ils de savoir quel monde leur réserve la dérive actuelle ?

Ce classique de la littérature d'anticipation - il a été publié en 1949 -  relève du genre de la dystopie - le contraire de l'utopie - qui décrit en général le fonctionnement d'une société qui offre un avenir sombre et triste à ses membres.

"Big brother is watching you !"

Dans « 1984 », les héros tentent de s'échapper d'un univers où le pouvoir règne en espionnant continuellement les citoyens -"Big brother is watching you !"- recourant à la violence arbitraire et au mensonge permanent qui détruit la logique et la vérité (la « double pensée », consistant à accepter en même temps deux propositions contradictoires : la guerre, c'est la paix), en réduisant l'expression d'une langue (« Novlangue), et en réécrivant sans cesse le passé pour l'adapter au besoin du jour. Le tout conduit à détruire la notion même de vérité, annihilant ainsi la liberté de penser de l'individu.

Si le langage ne peut plus exercer sa fonction d'expression non seulement de la vérité mais aussi des émotions (notamment l'amour dans le roman), ce sont les relations humaines qui sont détruites.

Un roman glaçant

Le roman glaçant d'Orwell visait à avertir ses lecteurs de la fragilité des régimes démocratiques. L'objectif de relativiser la vérité passe aussi par une communication plus subtile et séduisante comme celle de la Russie sous la présidence de Vladimir Poutine. En France, notamment, Vladimir Poutine en tant que chef d'Etat bénéficie d'une aura qui, fait notable, provoque des divisions dans tous les partis, malgré qu'il musèle son opposition, est incapable de redresser une économie en récession, et a annexé de facto la Crimée, au mépris des règles du droit international.

Pour comprendre ce phénomène, on lira l'essai bref mais dense d'Olivier Schmitt « Pourquoi Poutine est notre allié ? » (éditions Hikari, 125 pages, 9,90 euros) qui fait « l'anatomie d'une passion française » en réfutant un par un les arguments avancés par les nombreux partisans d'un rapprochement avec la Russie - le partage de valeurs communes, un intérêt profitable pour la France, l'opposition à la suprématie des Etats-Unis - par la confrontation des faits, notamment historiques.

Ce désir d'un leader fort

L'argument pro-Poutine le plus populaire est qu'il serait un vrai chef, qui se fait respecter sur la scène internationale. Ce désir d'un leader fort est peut-être le plus inquiétant pour des gens qui vivent en démocratie. « Le libéralisme politique, qui fonde les démocraties occidentales contemporaines, comporte de nombreuses variantes, mais toutes ont mis au cœur de l'analyse du fait politique le respect des droits et de la dignité de l'individu, la maximisation de ses libertés individuelles, et la lutte contre les phénomènes autoritaires », rappelle Olivier Schmitt. Aujourd'hui, cette vision est progressivement remise en cause. La lecture de « 1984 » est un bon antidote à cela.