La campagne présidentielle version française de « House of cards »

Par Robert Jules  |   |  724  mots
Avec ses surprises et ses rebondissements, la campagne présidentielle ressemble de plus en plus à une série télévisée, avec le risque de lasser et de finalement favoriser l'abstention au profit du FN.

La campagne de l'élection présidentielle est en train de se transformer en une véritable série télévisée digne de « House of cards ». Elle en possède tous les ingrédients pour tenir le spectateur en haleine : coups de théâtre, rebondissements, succès et désillusions, révélations, scandales, vie privée révélée au grand jour, coups tordus. Nous voici tous suspendus au fameux « cliffhanger » (suspens), que doivent trouver les scénaristes pour maintenir l'intérêt du spectateur au fil des saisons. À la seule différence, qu'il s'agit là d'événements réels qui engagent l'avenir de la cinquième puissance du monde.

Popularité en chute libre

En ce moment, l'épisode est le « Penelopegate ». L'épouse de François Fillon, Pénélope, est soupçonnée par la justice d'avoir été payée pour un travail fictif (dont le montant cumulé sur plusieurs années atteint 900.000 euros) suite à des révélations distillées dans la presse.

En à peine plus de deux mois, François Fillon, le candidat que personne ne voyait gagner aussi nettement l'élection de la primaire de droite a vu sa popularité chuter, lui qui s'était fait élire en mettant notamment en avant sa probité par rapport à ses concurrents.

Le cauchemar d'une droite déchirée

Fébriles, et craignant que la victoire promise ne leur échappe, certains Républicains n'hésitent plus à pousser vers la sortie leur candidat légitime. Certains réclament d'ores et déjà le retour d'Alain Juppé, seul susceptible à leurs yeux de faire rapidement consensus, d'autres visiblement agacés par le succès du quarantaine Emmanuel Macron veulent un nouveau visage, si possible jeune. Au cas où François Fillon jetterait l'éponge, le risque de division entre prétendants pourrait faire resurgir le cauchemar d'une droite déchirée, enclenchant la machine à perdre au seuil de la victoire.

Perdre devant qui ? Emmanuel Macron tient la corde, avec une cote de popularité qui progresse à tel point que dans les derniers sondages il vient de passer devant François Fillon dans les intentions de vote. L'ancien ministre de l'Économie de François Hollande ne bénéficie pas seulement d'une bonne couverture médiatique, il remplit aussi les salles des meetings. Veillant à apparaître comme un nouveau venu - il l'est d'une certaine façon puisque se présentant pour la première fois à une élection, il est vrai la suprême -, tout en se voulant innovateur et mesuré, distillant ses propositions au compte-gouttes, il est devenu aujourd'hui un potentiel vainqueur pour mai prochain.

La ligne politique du PS, la synthèse

D'autant que sur sa gauche, les positions restent prudentes. La victoire de Benoît Hamon, le candidat que l'on n'attendait pas, à la primaire de gauche a rebattu les cartes. Et pour le moment, l'hémorragie des élus et des troupes socialistes n'a pas eu lieu. L'ex-rocardien, fort de sa victoire, devrait s'astreindre à suivre ce qui sert de ligne politique au PS depuis des décennies: la synthèse. Le but est de constituer un socle assez important pour peser avant le premier tour en avril.

Mais l'offre importante de la gauche - de l'extrême au centre - risque d'éparpiller un électorat,  ce dont Lionel Jospin avait été victime en 2002 en n'arrivant que troisième du premier tour, derrière Jean-Marie Le Pen.

C'est d'ailleurs sa fille, Marine, qui pour le moment est assurée d'aller au second tour. La candidate d'extrême droite inquiète toute l'Europe, qui craint que sa victoire, après le Brexit, assènerait un coup fatal à l'Union européenne.

Le pire des scénarios

Mais Marine Le Pen a elle aussi ses problèmes. Elle doit rembourser 300.000 euros au parlement européen pour avoir employé son assistante parlementaire aux tâches de son parti. De même, elle doit rembourser le prêt de 9 millions d'euros consenti par une banque russe tombé en faillite entre temps.

Pour l'électeur français, cette élection présidentielle garde tout son suspense. Mais comme dans toute série, il y a le risque que les électeurs-spectateurs se lassent du spectacle donné, et préfèrent s'abstenir.

Ce qui en démocratie est le pire des scénarios, car il favorise les extrêmes.