La finance n'est pas l'ennemie de l'environnement

Par Robert Jules  |   |  545  mots
La ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, et le ministre de l'Economie, Michel Sapin, lors de la présentation à la presse du projet d'obligation verte souveraine.
La France lance une obligation souveraine verte d'un montant de plusieurs milliards de dollars pour attirer les investissements dans les projets qui ont un impact positif sur l'environnement. Une initiative qui va favoriser un marché prometteur, celui des "green bonds".

La France a lancé ce mardi sa première obligation verte (« green bond ») souveraine, comme l'avait promis François Hollande en 2016, pour illustrer le volontarisme du gouvernement en matière de politique de l'environnement. C'est le deuxième pays à le faire après la Pologne, qui a émis pour 750 millions d'euros de titres le mois dernier, un montant modeste au regard du projet français qui vise lui plusieurs milliards d'euros. Le gouvernement a d'ores et déjà sélectionné plusieurs projets éligibles qui pourraient bénéficier de ces investissements pour un montant de 10 milliards d'euros.

Un marché de près de 90 milliards de dollars en 2016

Les obligations vertes ne sont pas une nouveauté. Depuis 2012, des entreprises, des collectivités locales ainsi que des agences de développement ont eu recours à ce type d'emprunts pour financer des projets. À l'échelle internationale, ce marché, même s'il reste très marginal sur l'ensemble de l'obligataire, a véritablement décollé en 2014 dépassant les 40 milliards de dollars, et il a plus que doublé en 2016 pour frôler les 90 milliards de dollars. Au regard des montants, on constate que l'initiative du gouvernement français n'est pas négligeable.

L'obligation verte a tout pour plaire, puisqu'elle met le retour sur investissement, représenté par le rendement de l'obligation, au service d'une noble cause, le financement de projets favorisant la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique ou réduisant l'impact négatif sur l'environnement. Par ailleurs, elle remplit les mêmes critères qu'une obligation classique, notamment en terme de notation du risque. La finance acquiert ainsi une verte vertu.

Mais qu'est-ce qu'un projet vert?

Mais ce jeune marché, promis à une expansion importante, bute sur un problème de définition qui pourrait freiner les enthousiasmes. Qu'est-ce qu'un projet « vert » ? En effet, selon l'obligation verte proposée, certains projets sont éligibles, d'autres non. Ainsi, l'obligation de l'État français exclut logiquement les projets de développement d'énergies renouvelables qui bénéficient d'un autre système d'aide publique spécifique.

Prenons l'exemple d'un projet de tunnel qui permettrait de décongestionner le trafic intense en montagne. Pourrait-il rentrer aujourd'hui dans ce cadre, même si son impact environnemental positif est réel ? Pas sûr, certains critiques pourraient considérer que l'impact du creusement d'un tel tunnel serait négatif pour l'ensemble du massif naturel. Pour autant, même s'il ne bénéficiait pas du "label" vert, ne pourrait-il pas trouver des financements si les investisseurs croient à sa viabilité?

Dénoncer le "green washing"

Certains fonds d'investissement sont en effet très sourcilleux sur les critères environnementaux que doivent remplir les propositions pour être éligibles. Et il faut compter avec les ONG pour traquer et dénoncer le « green washing » de certains projets classiques ripolinés en vert pour bénéficier de l'éligibilité à ce type d'obligations.

Pour l'obligation verte voulue par François Hollande, c'est différent. Elle est souveraine et bénéficie de l'assurance de l'État. Les équipes de l'Agence France Trésor ne manqueront pas de le rappeler aux investisseurs pour les inciter à souscrire lors de leur tournée internationale de présentation et tester ainsi un peu plus que leur fibre environnementale.