Le pari perdu de Theresa May

Par Robert Jules  |   |  686  mots
Theresa May.
Theresa May comptait sur les législatives pour renforcer les conservateurs au parlement. Résultat, elle a perdu la majorité absolue, et a remis en selle les Travaillistes de Jeremy Corbyn. Elle se retrouve dans une position difficile pour négocier le Brexit face à l'UE. Les incertitudes augmentent pour l'économie du Royaume-Uni.

Les Premiers ministres britanniques conservateurs aiment-ils jouer les apprentis-sorciers ? On peut le penser après le pari raté de Theresa May. Elle a perdu jeudi sa majorité absolue au parlement lors des législatives anticipées qu'elle avait convoquées pour renforcer sa position avant de débuter les négociations sur le Brexit avec l'UE. Son prédécesseur, David Cameron, avait lui aussi convoqué un référendum pour en finir avec l'euroscepticisme, un coup politique qui s'était soldé par le choix majoritaire du Brexit. Dans les deux cas, le but était de renforcer l'union des Tories. Le résultat est un fiasco et un parti amoindri et divisé.

12 sièges de perdus

En perdant 12 sièges jeudi, pour revenir à 318 élus, les conservateurs sont en effet passés sous le seuil de la majorité absolue qui se situe à 326 sièges. Même si ces derniers restent la première formation, les Travaillistes de Jeremy Corbyn, avec un programme très marqué à gauche, proposant notamment une relance de l'économie et la défense des services publics, n'a pas fait fuir les électeurs, bien au contraire puisqu'ils gagnent 29 sièges, obtenant 261 élus.

Il n'y a pas d'alternative

Malgré ce cinglant désaveu, et à 11 jours de l'ouverture des négociations avec Bruxelles, la reine a chargé Theresa May de former un nouveau gouvernement, car il n'y a pas d'alternative (TINA), selon l'expression chère à Margaret Thatcher. May compte obtenir le soutien des 10 élus du Parti unioniste démocrate irlandais (DUP) pour pouvoir gouverner.

Le poids des Travaillistes

Mais les difficultés sont à venir. Fragilisée, la Première ministre va devoir affronter une Union européenne qui ne lui fera aucune concession. En interne, le poids des Travaillistes va peser, car, comme l'a martelé Jeremy Corbyn durant la campagne, ils souhaitent que l'emploi soit la priorité, ce qui passe par un accord commercial avec l'UE, premier partenaire du Royaume uni, même au prix de certaines concessions.

Mais ce raté va surtout peser sur l'économie outre-Manche, en renforçant les incertitudes quand à l'avenir, ce qui devrait se traduire par une défiance accrue des investisseurs et une nouvelle baisse de la livre sterling (elle perdait 1,50 % dans la matinée, à 1,27 dollar).

Certes, après la victoire surprise du Brexit, dont nombre d'experts avaient prédit qu'il entraînerait une récession se sont trompé finalement. La résilience est bien là. La Banque d'Angleterre a d'ailleurs récemment révisé à la hausse ses projections tablant sur une croissance du PIB de 1,7% en 2017 et 1,3% en 2018, supérieure à celle de la zone euro.

Entreprises dynamiques de dimension internationale

Mais il faut rappeler que le Royaume uni dispose d'entreprises dynamiques de dimension internationale et exportatrices dans des secteurs diversifiés qui devraient continuer à profiter de la baisse du sterling, dont la Banque d'Angleterre ne manifeste aucune velléité de soutien. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'indice de référence de la Bourse de Londres, le FTSE100 restait jeudi orienté à la hausse (+0,86 % en milieu d'après-midi).

En revanche, la demande interne - qui reste un moteur de soutien de l'économie - et les excédents liés à l'exportation pourraient souffrir d'un processus plein d'incertitudes qu'un Brexit compliqué génèrerait. Ce qui pénaliserait également le secteur bancaire, les valeurs de consommation, et les entreprises qui dépendent majoritairement du marché britannique.

Risque sur la consommation

Ce qui aurait pour conséquences de peser sur la consommation des ménages, les revenus et surtout l'emploi. Même si le taux de chômage s'affiche à un envieux 4,6% vu de côté-ci de la Manche, une remontée pèserait sur la consommation.

C'est dans cette configuration que Theresa May va devoir mener sa politique, qui se voulait sans concession à l'égard de l'UE. Son programme qui consistait notamment à défendre la place forte qu'est la City et  lancer un ambitieux programme d'investissement industriel va devoir s'adapter à la nouvelle donne parlementaire. Mais le Premier ministre a montré qu'elle savait se montrer pragmatique si les circonstances l'exigeaient. Premier test dans 11 jours avec l'ouverture des négociations avec Bruxelles.