Qui a peur de Greta Thunberg ?

Par Philippe Mabille  |   |  526  mots
(Crédits : Lucas Jackson)
ÉDITO. Le discours moralisateur de la jeune suédoise devant l'ONU divise : ses partisans saluent son rôle de lanceur d'alerte auprès des décideurs et ses détracteurs dénoncent une posture démobilisante, donc contre-productive. Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.

On peut dire qu'elle sait fait peur, Greta ! En quatre minutes et vingt secondes d'un discours fiévreux, minutieusement préparé et répété sans doute pour y apporter ce qu'il y fallait de colère et d'émotion (feintes ?), la petite Suédoise, mâchoire serrée et visage fermé, a réussi à frapper un grand coup à New York pour le sommet sur le climat.

Dès la première phrase, elle donne le ton : « Mon message est que nous vous surveillerons. » « nous », les jeunes, contre « vous », les adultes et les gouvernements du monde entier, accusés de ne pas en faire suffisamment face au réchauffement climatique. Visiblement sous l'influence des collapsologues et autres annonciateurs de la sixième extinction de l'humanité, elle joue de l'opposition entre les générations, employant une rhétorique binaire à coup de « Comment osez-vous ? », « Vous avez volé mes rêves ! », et de « Nous ne vous pardonnerons jamais ! »

Greta Thunberg, qui a quitté l'école pour mener le combat contre le réchauffement climatique, a parfaitement réussi son coup. Devenir la reine des lanceurs d'alerte, pour éveiller les consciences. C'est, à l'évidence, nécessaire quand elle s'adresse à un Trump ou à un Bolsonaro. Mais, à la différence d'un Martin Luther King dont le rêve était nourri d'espoir, Greta Thunberg présente aussi le visage plus inquiétant de l'intransigeance. Le monde qu'elle promet a le parfum de la décroissance et, disons-le, d'une nouvelle forme de dictature, dont le vert remplacera le brun.

Au risque de rater la cible

Cette posture accusatoire, doublé de la plainte déposée auprès du Comité des droits de l'enfant contre cinq pays dont la France, risque au final de rater sa cible. Car il est assez stupéfiant de voir la France, l'un des pays qui utilisent le moins le charbon, être accusée de « violer les droits des enfants et de menacer leurs vies ». « Qu'ils aillent manifester en Pologne ! », pays du charbon, aurait lancé Emmanuel Macron à propos des jeunes qui défilent au nom de l'urgence climatique, suscitant au passage une nouvelle crise diplomatique, après celle qui l'oppose au président brésilien sur l'Amazonie.

À vrai dire, c'est surtout aux opinions publiques que Greta Thunberg s'adresse, pour qu'elles fassent pression sur leurs dirigeants. Et cela marche : l'Allemagne vient d'annoncer un plan de 100 milliards d'euros d'ici 2030 pour accélérer sa transition énergétique, sous la pression des manifestations monstres qui ont mobilisé la jeunesse. Très bien, mais cela ne changera rien au fait que l'Allemagne est devenue l'un des premiers pollueurs d'Europe par son choix radical de renoncer au nucléaire, remplacé par le charbon. Dans transition écologique, le mot important est celui de transition, qui est synonyme de temps d'adaptation.

Greta Thunberg a raison sur un point : le monde a sans aucun doute trop tardé pour enclencher le mouvement. Mais à force de tenir un discours radicalisé et antagonisant, elle risque de finir par devenir inaudible ce qui serait bien dommage car sa popularité auprès de la jeunesse pourrait tout aussi bien être utile pour mobiliser les énergies et éduquer les esprits à une écologie positive.