"Les perspectives pour les actionnaires de BNP Paribas sont moroses"

Par Mathias Thépot  |   |  560  mots
Si elle paie l'amende de 10 milliards de dollars, la banque BNP Paribas perdra de l'argent en 2014.
BNP Paribas risque d'écoper d'une amende record qui lui serait infligée par les autorités américaines. Christophe Nijdam, analyste spécialiste du secteur bancaire au cabinet indépendant AlphaValue, analyse les dégâts potentiels d'une telle sanction pour la plus grande banque française.

La Tribune :  BNP Paribas est menacée d'une amende record de 10 milliards de dollars et d'un retrait de sa licence bancaire aux Etats-Unis où elle est accusée d'avoir contourné l'embargo contre Cuba, l'Iran et le Soudan. Si la faute de BNP Paribas s'avérait, quelles en seraient les conséquences pour la banque ?

Christophe Nijdam : Il y en aurait plusieurs. Si une amende de 10 milliards de dollars, un record mondial, était infligée à BNP Paribas, la banque serait en perte sur l'exercice 2014 d'environ 500 millions d'euros, selon nos calculs. Ce chiffre serait à comparer avec les 4,8 milliards d'euros de bénéfices nets qu'elle a réalisés en 2013. Aucun dividende ne serait par ailleurs distribué aux actionnaires au titre de l'année 2014.

Les autorités américaines font pression pour que BNP plaide coupable, en échange peut-être d'une amende rabaissée à moins de 8 milliards de dollars. La banque y a-t-elle vraiment intérêt ?

Si BNP plaidait coupable, elle en subirait les conséquences négatives à trois titres. D'abord parce que les entreprises américaines clientes de la banque ne seront plus enclines à travailler avec elle. Il faut savoir qu'aux États-Unis, un pays où le patriotisme est une valeur forte, le contournement d'un embargo est par exemple perçu comme étant bien plus grave que l'évasion fiscale.

Ensuite, cela pourrait accroître les tensions sur les financements en dollars de la banque française : les Sicav monétaires américaines détiennent entre 35 et 40 milliards de dollars de papier court terme BNP Paribas, selon nos estimations. Si la banque plaidait coupable, ces Sicav pourraient ne pas renouveler leurs engagements car elles respectent une charte éthique où le contrat moral avec les clients prend une place de premier plan.

Enfin, la troisième conséquence serait sur son cours de Bourse, qui perd au moment où l'on se parle prés de 5% depuis l'ouverture. En effet, BNP Paribas bénéficiait jusqu'alors "d'une prime de qualité" sur les marchés boursiers compte tenu du fait qu'elle n'était pas impliquée dans des affaires embarrassantes. Donc lorsque les sociétés de gestions et autres fonds de pension américains souhaitaient investir dans des banques européennes, elles le faisaient en priorité vers BNP Paribas ou HSBC. Evidemment, si BNP Paribas laissait des plumes dans cette affaire, la prime de qualité ne se justifierait plus.  

Pis encore, pour les mêmes raisons que les Sicav monétaires américaines, les sociétés de gestion et les fonds de pension américains ne peuvent pas être actionnaires d'une banque française qui s'est opposée à la politique étrangère de leur pays. Or, elles possèdent des actions BNP Paribas qu'elles remettraient donc sur le marché. Ce qui rend les perspectives moroses pour les actionnaires de la banque, dont l'Etat Belge, premier actionnaire de la banque avec 10% du capital.

Le retrait de la licence bancaire de BNP outre-Atlantique pourrait-il, lui aussi, être très préjudiciable ?

Il est vrai que si BNP Paribas perdait cette licence bancaire, elle ne pourrait plus exercer ses activités sur le territoire américain. Mais il y a fort à parier que cela ne se produira pas. De surcroît, comparé avec les dégâts potentiels du "plaider coupable" que nous venons d'aborder ci-dessus, le retrait de la licence bancaire serait assez anodin.