Les présidents et la fiscalité (5/5) : Hollande, M. le fiscaliste

Par Ivan Best  |   |  792  mots
François Hollande a annoncé dès son fameux discours du Bourget, le 22 janvier 2012, 30 milliards d'euros de hausses d'impôts
Plus que tout autre président, François Hollande a toujours été passionné par la fiscalité. Ironie du sort, c'est devenu pour lui un véritable boulet

 François Hollande a, de longue date, un domaine d'expertise, incontestable : la fiscalité. Est-ce pour cette raison qu'il est le seul candidat à l'élection présidentielle ayant osé présenter un programme comprenant autant de hausses d'impôts ? Tous ceux qui ont protesté à l'été et à l'automne 2012 contre le coup de bambou de fiscal voté par le parlement, se montrant surpris, avaient soit mal suivi la campagne présidentielle soit refusé de croire à ce programme. Mais, s'agissant de fiscalité, François Hollande, qui a travaillé quasiment en tandem avec Lionel Jospin de 1997 à 2002, s'est montré on ne peut plus jospinien : il a fait ce qu'il avait dit.

La couleur avait été annoncée

Dès le mois de septembre 2010, alors qu'il n'était rien ou presque - toute la gauche pariait sur une candidature Strauss-Kahn à la présidentielle- il déclarait dans une interview à La Tribune "que la gauche devait dire quels impôts elle allait augmenter" .

Et, à l'occasion de  son "grand" discours du Bourget, celui où il a dénoncé « ennemie la finance », il avait annoncé la couleur: les niches fiscales seraient remise en cause, et ce à hauteur d'une trentaine de milliards d'euros. Peu après, le jour de la présentation de son programme, le 26 janvier 2012, les politiques experts en économique que s'était attaché François Hollande -Jérôme Cahuzac et Michel Sapin- dévoilent à quelques journalistes le programme fiscal, avec un luxe de détails étonnant pour une campagne présidentielle : le compte y est.
On sent que François Hollande a mis sa patte. Et, quand, en pleine compétition, le candidat sent le vent tourner, il sort de sa manche une proposition fiscale choc : la taxation à 75% des très hauts revenus.

Un programme mis en oeuvre

Bref, quoi qu'il ait été dit, personne n'a été pris en traître: François Hollande avait bien annoncé la œuvre de la plus forte hausse d'impôt jamais vue en un laps de temps si court -seul Raymond Barre les a accrus autant, pendant le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, mais ce fut plus étalé- . Et, grosso modo, ce qui avait été annoncé a été mis en œuvre. Et nombre d'experts de Bercy ont été étonnés de voir le président de la République se pencher avec soin sur le moindre détail de chaque mesure , d'où le surnom dont le chef de l'Etat a parfois été affublé par les hauts fonctionnaires : le fiscaliste de l'Elysée. Les moins méchants évoquaient la présence du véritable ministre des Finances, non à Bercy, où 7 ministres s'écharpaient avant l'arrivée de Manuel Valls en avril, mais à l'Elysée. Un ministre des Finances ayant bien sûr pour nom François Hollande.

Des conséquences macro-économiques non anticipées

S'agissant des conséquences d'un tel programme, c'est une toute autre histoire. Inspiré surtout par des experts d'obédience libérale, dans la mouvance des thèses bruxello-berlinoises, François Hollande n'a pas voulu croire ce que de nombreux économistes keynésiens lui disaient dès le printemps 2012 : que cette ponction fiscale allait briser tout espoir de reprise, et empêcherait du coup d'atteindre le but fixé, à savoir la réduction des déficits publics. Et c'est effectivement ce qui s'est passé.

Trop d'impôt tue la croissance... et l'impôt

En 2013, les recettes fiscales ont été largement inférieures aux prévisions, comme le prévoyaient les keynésiens. Du coup, loin d'être réduit de 4,8% du PIB en 2011 à 3% en 2013, comme annoncé par le nouveau président -c'était là un engagement essentiel de son programme, le « redressement dans la justice » -, le déficit public n'est redescendu qu'à 4,2% de la richesse nationale en 2013. Et sera, selon les dernières estimations du ministre des Finances, Michel Sapin, encore peu ou prou à ce niveau en 2014 !
A l'échec macro-économique, s'est ajouté un autre phénomène non anticipé par Hollande, la montée dans la presse, et d'une façon moins précisément mesurée, dans l'opinion, du thème du « ras le bol fiscal ». Il est vrai que, dès la fin août 2013, le ministre de l'Economie d'alors, Pierre Moscovici, employait cette expression, destinée à préparer l'annonce d'une stabilité des prélèvements obligatoires en 2014. Las... cette stabilisation ne valait que globalement, et surtout pas pour les ménages...
Avec une certaine ironie du sort, la fiscalité, domaine de prédilection de François Hollande, sur lequel il avait entamé sa pré-campagne, estimant que les Français avaient avant tout soif de justice sociale et fiscale, moyen de relance dans la compétition électorale, fin février 2012, est ainsi devenue un véritable boulet pour le président socialiste.