L'erreur originelle de François Hollande

Par Ivan Best  |   |  769  mots
Tout à son angoisse de montrer des gages de sérieux budgétaire, François Hollande a eu la main trop lourde dès 2012, s'agissant de la baisse du déficit. D'où une stagnation de l'économie et un déficit persistant, même croissant en 2014

 Août 2011. François Hollande, qui n'est que candidat à la candidature pour l'élection présidentielle qui s'annonce, veut frapper les esprits. Le projet socialiste, adopté au printemps, il entend le mettre à sa sauce : elle sera amère, à forte teneur en austérité budgétaire. Il entend se montrer plus ferme sur le sujet que ne l'est le projet du PS, -lequel projet entretient le flou sur le rythme à venir de baisse des déficits- et ,contre toute attente, il proclame que le principal adversaire du candidat socialiste, Nicolas Sarkozy, n'est pas assez rigoureux dans son programme, et que lui saura vraiment l'être. Hollande a bien l'intention de mener en tête la course à la rigueur.

Alors que le projet PS ne précise pas à quelle échéance aurait lieu le retour aux fameux 3% de déficit, tandis que Nicolas Sarkozy vise 2014, François Hollande affiche tout de go un retour dans les limites fixées à Maastricht dès 2013.

Interrogé à l'époque sur cette curieuse priorité donnée à la réduction des déficits, le fidèle Michel Sapin répond à La Tribune que « la gauche peut aussi montrer qu'elle gère sérieusement ». C'est là l'objectif de François Hollande : donner des gages de sérieux, montrer aux marchés financiers -avant de vilipender son « ennemie la finance »- qu'il sait prendre en compte leur désidérata.

 Une logique "Cour des comptes"

L'impact sur l'économie que peuvent avoir les mesures prises pour réduire le déficit ? François Hollande n'est pas issu de la Cour des comptes pour rien. Comme les magistrats de la rue Cambon qui appellent régulièrement les gouvernements à des mesures de redressement, il minimise ces aspects macro-économiques, se focalisant sur une approche comptable. Plus tard, une fois investi, il précise en janvier 2012 le montant des hausses d'impôts nécessaires sur 2012-2013 : 30 milliards d'euros, du jamais vu en un laps de temps aussi court. Avec quel effet sur l'activité économique ? Cela n'est guère discuté. L'idée est alors que la croissance repart en Europe, qu'il sera possible de surfer cette vague, et que les hausses d'impôt ne seront qu'un mauvais moment à passer, vite oublié. Une idée qui va rester dans l'air jusque début 2013.

Il faudra bien se rendre à l'évidence, alors : la croissance n'est pas au rendez vous, elle va être bien deçà du chiffre de 1,7% mis en avant pendant la campagne électorale, et sur lequel est basé le programme Hollande (les années suivante sont sensées être encore plus florissantes, avec 2% en 2014, et 2,25% l'an par la suite). On sait ce qu'il en a été: 0,3% de croissance en 2012, comme en 2013, selon les derniers calculs révisés de l'Insee. Et, au mieux, 0,4% pour 2014, comme vient de l'annoncer Michel Sapin.

 Les keynésiens avaient crié casse cou

Les 30 milliards d'euros de hausses d'impôts décidées par François Hollande ne sont bien sûr pas à l'origine de le stagnation de l'économie française en 2013 et 2014, une économie qui sans cesse frôle la récession. Le contexte européen plus dégradé que prévu compte aussi. Mais comment croire que cette ponction sur l'économie n'a pas joué un rôle négatif ? Dès 2012, les économistes keynésiens avaient du reste crié casse cou. A droite, on dénonce tout autant ces hausses d'impôt, mais pour affirmer aussitôt que Hollande aurait dû réduire de 30 milliards les dépenses publiques. La réalité, c'est que même si de telles coupes avaient été envisageables, l'effet restrictif sur l'économie aurait été aussi au rendez vous. Comment croire qu'en rognant les revenus des ménages, via des baisses de prestations sociales ou une diminution des traitements des fonctionnaires, autant de mesures qui auraient dû être prises pour obtenir des économies d'une telle ampleur, on n'affecte pas l'économie ?

 Impôts ou baisse des dépenses, les 30 milliards sont en cause

Quelle que soit la forme prise par la cure de rigueur, elle impacte évidemment la croissance. C'est le principe du choc de 30 milliards qui est en cause. Un choc qui a eu l'effet prévu par les experts keynésiens : les recettes fiscales ont été loin d'être à l'appel, en raison d'une activité anémiée. D'où un déficit persistant, qui va même s'accroître entre 2013 et 2014, passant de 4,1 à 4,4% du PIB, selon les dernières prévisions gouvernementales, dévoilées ce mardi par Michel Sapin.  Le déficit, c'est bien le seul indicateur qui se trouve encore en croissance... un véritable cercle vicieux.