Après le PS, Macron veut tuer les Républicains  ? Où est Sarkozy  ?

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  848  mots
Par Jean Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne. (Crédits : DR)
Avec Edouard Philippe, le président Macron s'offre un cheval de Troie façon modèle réduit pour une manœuvre habile et très peu coûteuse en monnaie politique. Par Jean Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, président de j c g a, VP de Zenon7*.

Emmanuel Macron est un vrai stratège politique. Il applique une des règles gagnantes des débats télévisés : poser des questions binaires à son adversaire sur ses points de faiblesse est toujours plus efficace que de répondre -même préparé- à des interpellations. Il avait su gagner son débat face à Marine Le Pen par une question : "Madame Le Pen : l'euro ou le franc?" Et Marine Le Pen se perdit dans les marécages de l'ECU.

Il applique la même technique au temps si particulier de l'entre-deux élections. Avec Edouard Philippe, il s'offre un cheval de Troie façon modèle réduit pour une manœuvre habile et très peu coûteuse en monnaie politique. Via le choix du lieutenant juppéiste, ça n'est pas un signal qu'envoie Emmanuel Macron à la droite, ses élus et ses électeurs! Il leur pose une question binaire, bien dans l'époque du 2.0 : alors, vous venez, vous aussi ? On gagne ensemble, ou on perd tous ? A vous de choisir !

Il va falloir que les "Républicains" répondent. Premier acte : exclure ou pas Edouard Philippe et toutes celles ou ceux qui franchiront la ligne. Et très vite s'inscrire soit dans l'association -la collaboration, diront certains- soit dans la résistance ? Devenir force d'appoint -on n'y gagne que des postes mais pas d'avenir politique collectif- ou entrer en combat législatif pour vivre. Il n'y a pas d'entre-deux. Le Mage Macron jette son sort sur des "Républicains" qu'il sait divisés, revanchards, aigris... une féodalité ensanglantée comme le fut le PS il y a peu.

Le président Macron le sait, il est encore fragile

C'est très au-delà de l'ouverture à la mode Sarkozy. Il frappe par aspiration au cœur de l'autre force politique qu'il veut faire exploser après celle qui lui a donné le premier tour : "Les Républicains" après le PS. C'est réellement un premier acte politique majeur, il s'inscrit bien au cœur de la société politique, pas de la société civile. C'est un acte de combat électoral de court terme -gagner les législatives- et de moyen terme -éliminer définitivement le parti dit de gouvernement encore en survie politique.

Le président Macron le sait, il est encore fragile. Son résultat électoral, bien qu'impressionnant, est fragile car très composite. Son armée même nombreuse est fragile car très mexicaine. Son aura médiatique, quasi mystique, elle aussi est fragile comme toute les modes microcosmiques... Il sait qu'il ne s'imposera durablement à la France et à l'Europe que s'il parvient à gagner les législatives. Il faut pour cela que ses adversaires lui offrent cette nouvelle victoire. Comme ce fut le cas du second tour de la présidentielle.

Où est Nicolas Sarkozy ? C'est désormais sa responsabilité d'intervenir

Après avoir perdu une élection gagnée d'avance, la droite fera-t-elle au président Macron le cadeau d'une élection législative ? Elle laisserait l'opposition se synthétiser au duopole Le Pen-Mélenchon. Autre ambition d'Emmanuel Macron. C'est comme le retour d'un mitterrandisme mais en plus fort : après la morale républicaine, voici l'appel à la nécessaire solidarité parlementaire pour la réussite raisonnable du pays.

En gouvernant avec le président Macron, la droite s'interdirait d'être un recours. En faisant ce choix, elle abdique et dépose les armes au pied du nouveau César. Il ne peut y avoir de stratégie à la Chirac entre 1974 et 1976. Les temps politiques et démocratiques ont changé. C'est ce que semblent vouloir Alain Juppé et d'autres. Qui peut répondre en opposition ? Où est Nicolas Sarkozy ? C'est désormais sa responsabilité d'intervenir.

La famille si divisée saura-t-elle résister à l'appel et ne pas se jeter, aveugle, dans l'open space politique mortifère de la startup Macron. Ce sera le choix des "Républicains", mais une telle fusion n'est pas non plus souhaitable pour notre pays.

Rappelons-nous de cette France des votes blanc et nuls

La démocratie, c'est la chance de la friction interpellative, du débat, voire de l'affrontement dans l'espace électoral et plus largement politique, pas son effacement, encore moins sa négation, même dans un précipité anesthésiant fut-il pragmatique ou raisonnable !

La société réelle de ce pays est fracturée, déjà violente. Il en va de sa stabilité, de sa vitalité -de son avenir prospère et libre-, de confronter les positions, les projets, pas de les chloroformer. Nous n'avons pas besoin de camisole même cool et sexy, encore moins addictive. Ces manœuvres politiquement intelligentes au sens de la prise de contrôle d'un camp par un autre sont d'un autre temps. Rappelons-nous de cette France des votes blanc et nuls, de cette France de l'abstention, de cette France des non inscrits ... ce parti-là va encore grossir.

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(*) Professeur associé à l'Université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, directeur général de ZENON7 Public Affairs, président de j c g a, et membre de la Society of European Affairs Professionals (SEAP).