En Seine-Saint-Denis, le gouvernement signe un chèque... sans montant

Par César Armand  |   |  645  mots
(Crédits : Charles Platiau)
Venu à Bobigny avec cinq ministres et un secrétaire d'État, le premier ministre a annoncé plus d'une vingtaine de mesures pour le département le plus pauvre de France. Les élus locaux saluent cette prise de conscience, tout en pointant les limites de cet exercice gouvernemental.

Hors norme. Venu présenter "l'État fort en Seine-Saint-Denis", ce 31 octobre à la préfecture de Bobigny, le premier ministre a répété six fois cet adjectif. Tant pour qualifier le "potentiel" du 93 que ses "difficultés".

Accompagnés de six ministres et secrétaires d'État, Edouard Philippe a présenté vingt-trois mesures, en matière d'attractivité, de sécurité, d'éducation, de santé et de justice. Seul bémol: il n'a pas précisé le chiffrage du montant global. Interrogé sur ce point à l'issue de son discours, il a préféré sourire.

10.000 euros aux fonctionnaires restés cinq ans

Parmi les annonces-clés, l'octroi dès le premier semestre 2020 d'une prime de fidélisation de 10.000 euros aux fonctionnaires restés 5 ans en service, versée en priorité aux "agents en première ligne" comme les enseignants. "La moyenne d'ancienneté en Seine-Saint-Denis est de 2,7 années contre 7,4 en Essonne", a justifié le locataire de Matignon.

"10.000 euros après cinq ans, cela représente 166 euros par mois", calcule Alexis Corbière, député (LFI) du département. "Cela ne rattrapera pas le gel du point d'indice des fonctionnaires. À la veille des municipales, cela ressemble fort à une opération de communication, mais le fait qu'Édouard Philippe vienne acte qu'il y a un problème particulier."

100 policiers de plus dans les deux ans

Autre promesse face au record de crimes et délits pour 1.000 habitants: l'affectation de 100 officiers de police judiciaire supplémentaires sur deux ans, soit 50 en septembre 2020 et 50 mi-2021.

"Ce qui est proposé va dans le bon sens, mais le plan n'est pas suffisamment ambitieux pour la police, regrette Jean-Michel Genestier, le maire (sans étiquette) du Raincy. 50 policiers, ça fait seulement un peu plus d'un par commune [au nombre de 40 dans le 93, Ndlr]", regrette-t-il.

"Attention au jeu de bento !", s'exclame Valérie Pécresse, la présidente (Libres !) de la région Île-de-France. "Dans le même temps, 350 policiers sont retirés du réseau de transports francilien."

35 greffiers supplémentaires, 20 millions pour l'immobilier scolaire

La justice verra, elle aussi, ses ressources humaines augmenter. 35 postes de greffiers (+15 % des effectifs), "dont 20 d'ici à 2020", seront ainsi créés. Et 12 postes de magistrats seront pérennisés. Par ailleurs, les collectivités bénéficieront de 20 millions d'euros - 2 millions par an pendant une décennie - pour financer leurs investissements d'immobiliers scolaires.

En réalité, à moins de cinq ans des Jeux olympiques et de la livraison du Grand Paris Express, Edouard Philippe rêve d'un "Grand Paris plus dynamique capable de rivaliser avec les métropoles mondiales [...] plus solidaire, aménageant plus intelligemment sa géographie [et] à la pointe de la transition écologique".

Une prise de conscience des problèmes

Reste que le premier ministre compte sur les élus du territoire pour appliquer son "plan sérieux". "Ceci est très positif et correspond à ce que nous attendions, mais le sujet de l'aide à la vie associative manque un peu", pointe toutefois Yannick Hoppe, maire (UDI) du Bourget.

Dans l'ensemble, les élus
 saluent cette prise de conscience gouvernementale, certes tardive.

"C'est nouveau: l'État reconnaît la situation du département", estime le président (PS) du conseil départemental Stéphane Troussel. "Le verre est cependant au tiers plein et aux deux tiers vide: il manque le remplacement des enseignants absents et le renforcement de la péréquation."

"C'est la première fois depuis que je suis élu [36 ans de mandats, Ndlr] qu'un premier ministre reconnaît les faiblesses de l'État en Seine-Saint-Denis", relève Philippe Dallier, sénateur (LR) du département.

De son côté, François Cornut-Gentille, co-auteur en mai 2018 d'un rapport parlementaire sur l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes dans le 93, compte bien rédiger, "dans le courant de l'hiver", "un rapport de suivi pour s'assurer que ce n'est pas un recyclage de mesures".