C'est l'archétype d'une politique publique vertueuse sur le plan théorique, quasi-inapplicable sur le plan pratique : la ZAN, pour « zéro artificialisation nette ». Toutes les opérations qui consistent à « transformer un sol naturel, agricole ou forestier par des opérations d'aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport » font en effet l'objet d'une réglementation stricte depuis la promulgation de la loi « Climat et Résilience » en août 2021.
Alors que la France a artificialisé plus de 250.000 hectares de sols entre 2011 et 2021, il s'agit de limiter les droits à construire à 125.000 hectares d'ici à 2031, avant de viser la zéro artificialisation nette (ZAN) à horizon 2050. Pour faciliter le déploiement de ces objectifs au sein des collectivités locales, les parlementaires et le gouvernement ont réussi à se mettre d'accord sur une proposition de loi sénatoriale, promulguée en février 2023.
Sauf qu'un an plus tard, « soucieux de l'évaluation de la stratégie nationale de sobriété foncière en cours de déploiement », le Sénat a décidé de créer un groupe de suivi dédié, « afin d'évaluer les difficultés posées par la mise en œuvre des dispositions législatives et règlementaires ». Lancé en février 2024, ce groupe de travail commun aux trois commissions des affaires économiques, de l'aménagement du territoire et du développement durable et des finances doit présenter ses conclusions d'ici à fin juin.
Une consultation en ligne des élus vient d'être lancée
Sans attendre cette échéance, ledit groupe de suivi vient de lancer une consultation en ligne des élus locaux pour « recueillir leurs besoins », dont elle publiera un bilan dans le courant du mois de juin. Les inquiétudes des élus locaux pour le développement de leurs territoires « demeurent vives », arguent les sénateurs, alors que les régions ont déjà engagé la modification de leurs Schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).
Et pour cause, l'adaptation des documents d'urbanisme à la zéro artificialisation nette s'accélère : au plus tard novembre 2024 pour les SRADDET dans chacun des conseils régionaux, février 2027 pour les schémas de cohérence territoriale (SCoT) à l'échelle de plusieurs intercommunalités) et février 2028 pour les plans locaux d'urbanisme communaux (PLU) et intercommunaux (PLUi).
Et ce alors que les enjeux ne manquent pas : résoudre la crise du logement, réussir la réindustrialisation, assurer le maintien des activités agricoles, adapter les littoraux au recul du trait de côte... Les élus ont jusqu'au 24 mai pour y répondre via le site https://participation.senat.fr/artificialisation-des-sols. La démarche n'est pas si simple, puisqu'il faut se connecter ou s'enregistrer sur le site Sénat avant de pouvoir répondre au questionnaire.
Des conclusions attendues pour septembre
Dans l'intervalle, la commission des Finances du Sénat a déjà demandé, fin février, à deux de ses membres, l'ex-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable Hervé Maurey (UDI, Eure) et le lanceur d'alerte dès juin 2022 Jean-Baptiste Blanc, (LR, Vaucluse), de plancher sur le financement de la zéro artificialisation nette des sols.
« Nous voulons accélérer la réflexion sur le modèle économique voire fiscal de la ZAN sans pour autant proposer la création d'un nouvel impôt », explique Jean-Baptiste Blanc à La Tribune.
Objectif : rendre des conclusions en septembre prochain. Autrement dit, pile-poil pour la présentation du projet de loi de Finances 2025 en Conseil des ministres. « Il y aura une traduction législative, c'est sûr, que ce soit une proposition de loi ou un amendement au budget 2025 », confirme le sénateur (LR) du Vaucluse.
Vers des amendements dans la loi relative au logement abordable ?
Pour autant, ce dernier ne s'interdit pas de déposer des amendements dans la proposition de loi sur la transformation de bureaux en logements qui atterrit le 21 mai au Sénat, dans le projet de loi relatif à l'orientation agricole ou encore dans le texte gouvernemental sur le logement abordable présenté le 3 mai en Conseil des ministres.
L'article 5 de ce projet de loi entend en effet offrir aux maires la maîtrise de la densification du tissu pavillonnaire pour encourager la construction. Comment ? En accélérant les procédures administratives pour que les collectivités puissent définir d'orientations d'aménagement favorables à la densification douce et déployer des opérations de transformation urbaine.
C'est « gagnant » pour les maires, les propriétaires et la sobriété foncière, sachant que la moitié des maisons individuelles disposent d'un jardin d'une surface d'au moins 600 m², a déclaré, vendredi dernier à La Tribune, le ministre du Logement Guillaume Kasbarian.
Toujours est-il que les élus locaux ne manquent pas d'idées non plus. Dès octobre 2023, en plein examen de la loi de finances 2024, l'Association des maires de France (AMF) avait dévoilé vingt propositions pour financer la ZAN. A l'époque, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires avait fait savoir à La Tribune que « Christophe Béchu [saluait] ces propositions », le disant « attaché » à la définition d'un modèle économique « pérenne ».