Île-de-France  : le logement social au centre des débats

Par Mathias Thépot  |   |  796  mots
Neuilly-sur-Seine est l'une des 8 communes franciliennes ciblées pour leurs carences en logements sociaux. (Crédits : <small>Reuters</small>)
La région Île-de-France ne financera plus le logement très social dans les communes qui en compte plus de 30 %. Pour compenser, elle devrait soutenir davantage le logement pour les classes moyennes.

Lutter contre la ghettoïsation en Île-de-France. Tel est l'objectif de la présidente de la région capitale Valérie Pécresse (LR), élue en décembre. Pour y parvenir, elle compte globalement limiter les soutiens financiers de la région aux logements très sociaux. Une promesse de campagne controversée qui s'accompagne de risques sociaux évidents.

Et alors qu'elle va présenter ce jeudi en séance plénière du conseil régional ses propositions en la matière, Valérie Pécresse a avancé quelques chiffres pour justifier son intention : « 66 % du parc social francilien se situe dans 90 communes, alors que la région en compte 1.300 ! », déplore-t-elle. Le problème serait donc cette forte concentration du parc social.

Rediriger les financements

La nouvelle majorité régionale compte rediriger une partie des financements de la région du logement très social vers le logement des classes moyennes. Concrètement, d'une part, elle ne cofinancera plus « la construction de logements très sociaux dans les communes qui en comptent plus de 30 % », a indiqué Valérie Pécresse.

Quand elle parle de logements très sociaux, l'ancienne ministre du Budget fait référence aux logements sociaux dits PLAI et PLUS dont les revenus maximums autorisés des locataires, par exemple pour un couple ayant deux enfants, sont de respectivement 27.300 euros et 49.700 euros en Île-de-France, hors Paris et communes limitrophes.

Combien de communes seront concernées par ce coup de rabot ? Les services de la région ne l'on pas encore déterminé, mais Valérie Pécresse se souvient, à titre indicatif, qu'en octobre dernier, la région a refinancé des logements très sociaux dans « 10 villes qui comptent plus de 50 % de logements très social ». Ce qu'elle ne fera donc plus.

Même philosophie que Manuel Valls

D'autre part, la région redirigera ses financements vers les logements sociaux pour les classes moyennes, dits PLS, qui sont accessibles avec des revenus maximums de 64.000 euros par an pour un couple ayant deux enfants en Île-de-France, hors Paris et communes limitrophes.

Ainsi, la nouvelle mandature veut inscrire son action au-delà des clivages politiques. « C'est la même philosophie que celle de Manuel Valls », justifie Geoffroy Didier (LR), vice-président à la région Île-de-France en charge du logement, en référence aux propos du Premier ministre tenus en janvier 2015 sur « l'apartheid social ». Ainsi, « en favorisant les logements pour les classes moyennes, nous pourrons faire pression sur les autres bailleurs et favoriser la baisse les prix », espère Geoffroy Didier.

Quid des communes qui ne construisent pas de logements sociaux ?

Dans ce contexte, il est difficile de ne pas évoquer les communes franciliennes qui ne respectent pas leurs engagements en matière de logements sociaux. « Il y aura toujours des brebis galeuses », a reconnu Geoffroy Didier. Il pense aux huit communes d'Île-de-France - Neuilly-sur-Seine (92), Gournay-sur-Marne (93), Maisons-Laffitte (78), Montlignon (95), Ormesson-sur-Marne (94), Périgny-sur-Yerres (94), Saint-Maur-des-Fossés (94) et Yerres (91)) - qui ont été récemment pointées du doigt par le gouvernement pour s'être toujours montrées réticentes à construire des logements sociaux depuis la loi SRU de 2000.

Pour ne pas froisser son camp, Geoffroy Didier admet tout de même qu'il arrive que l'agencement des terrains rende parfois « impossible la construction de logements sociaux », comme cela est le cas, selon lui, à Maisons-Laffitte, dont Jacques Myard (LR) est le maire.

Cependant en réalité, une quarantaine de villes d'Île-de-France n'ont pas respecté leurs objectifs de constructions de logements sociaux sur la période 2011-2013, et sont donc sous le coup d'une amende. Mais de ces villes, la région ne fait aucune mention.

Nouveau prêt à taux zéro

Par ailleurs, la région n'agira pas que sur la location. Pour aider l'accession à la propriété des classes moyennes, Valérie Pécresse propose d'instaurer en 2017 un « prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf et l'ancien » qui viendra en complément de celui de l'Etat. Mais à l'inverse du gouvernement qui privilégie clairement le PTZ dans le neuf, la région soutiendra aussi l'accession dans l'ancien, car en Île-de-France il est peu pertinent de favoriser l'émergence de nouveaux lotissements, et donc l'étalement urbain.
C'est aussi pour cela que Valérie Pécresse prend la tête de l'établissement public foncier (EPF) d'Île-de-France afin d'optimiser la mobilisation du foncier autour des gares RER.

Pour discuter du calibrage du PTZ régional, Valérie Pécresse compte d'ailleurs rencontrer prochainement la nouvelle ministre du Logement Emmanuelle Cosse. Ce PTZ constituera la seule enveloppe supplémentaire allouée au budget logement de la région, qui s'élevait en 2015 à 163 millions d'euros sur un budget total de 4,9 milliards d'euros. Pour le reste, Valérie Pécresse devrait donc se contenter de rediriger des financements existants.