Municipales à Paris : le périphérique s'invite dans la campagne

Par César Armand  |   |  1301  mots
400.000 personnes habitent dans un rayon de 150 mètres autour du périphérique et sont exposées quotidiennement à un bruit et à des niveaux de dioxyde d'azote et de particules fines supérieurs aux plafonds recommandés.
Cédric Villani, Benjamin Griveaux, Gaspard Gantzer... les candidats à la succession d'Anne Hidalgo ont tous un avis sur la boucle de 35 kilomètres qui fracture le Grand Paris. En finira-t-on un jour avec le périph' ?

[Article publié le 28 mai 2019, mis à jour le 21 juin 2019]

« Le Grand Paris, c'est moi ! » Valérie Pécresse ? Patrick Ollier ? Anne Hidalgo ? Non, il s'agit du député (LREM) de l'Essonne Cédric Villani, candidat à la mairie de... Paris qui, lorsqu'il évoque le périphérique, le fait à l'échelle métropolitaine. Dans un entretien au Point, le médaillé Fields de mathématiques, auteur d'un rapport sur l'IA, confie penser à des « moyens d'analyse et de prédiction du trafic [pour] simuler ce que ferait un doublement des bus, la piétonnisation d'une voie » . Autre prétendant LREM à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux souhaite, lui, « couvrir » le « périph », car « ça permet de faire des jonctions urbaines » avec les communes autour, a-t-il indiqué sur FranceTVinfo.

Pour Gantzer, pas de demi-mesure, il faut « détruire » le périph'

De son côté, l'ancien conseiller en communication de Bertrand Delanoë et de François Hollande, Gaspard Gantzer, qui vise lui aussi la magistrature parisienne, veut carrément « détruire » la boucle de 35 kilomètres inaugurée en 1973. « Il ne faut pas être dans la demi-mesure : c'est une source de congestion et d'augmentation des prix des logements, il faut s'en débarrasser ! » assène-t-il à La Tribune. Il espère en effet récupérer la surface disponible pour en faire des espaces verts et des logements. Il se donne dix-huit ans, soit trois mandats pour y parvenir : trois ans de concertation « mètre par mètre », avant un référendum dans les 131 communes de la métropole du Grand Paris, suivis de quinze ans de « travaux phasés » pour « offrir des alternatives ». Il dit en outre avoir déjà rencontré les principaux responsables politiques de la région, de même qu'il mise sur des listes étiquetées Parisiennes-Parisiens dans de nombreuses communes de première couronne.

En finir avec "une source de pollutions multiples...

Sans attendre les municipales, la mission d'information et d'évaluation (MIE) sur le périphérique du Conseil de Paris, composée de représentants de toutes les sensibilités politiques, a auditionné l'ensemble des parties prenantes ces six derniers mois.

« Que ce soient les acteurs économiques, les industriels, les élus parisiens et de première couronne, les instituts de mesure de la pollution, tous ceux qui ont une autorité sur l'usage et la pratique du périphérique ont été consultés », assure ainsi son rapporteur Éric Azière, président du groupe UDI-MoDem.

À terme, ces élus de la capitale veulent « en finir » avec l'infrastructure, la qualifiant de « source de pollutions multiples » et de « véritable barrière urbaine ». Recevant leurs conclusions le 28 mai dernier, la maire annonce qu'elle veut abaisser la vitesse de 70 km/h à 50 km/h, consacrer une voie aux transports en commun, au covoiturage, aux véhicules propres et de secours, interdire les poids lourds en transit ou encore végétaliser l'infrastructure.

La réduction de la vitesse, une priorité

Quinze jours plus tard, Anne Hidalgo semble avoir retenu la leçon des voies sur berges. Lors du Conseil de Paris du 11 juin, elle déclare que « personne ne peut décider seul de ces transformations » et promet « une structure de gouvernance partagée » qui se tiendra dès le 12 juillet prochain à Malakoff pour réunir tous les acteurs concernés. Le périphérique demeure certes la propriété de Paris, mais il est utilisé au quotidien par plus de 1 million de Franciliens. L'objectif de cette instance : « étudier les propositions, confirmer leur faisabilité et surtout se concerter ».

Sur le fond du dossier, la municipalité veut avancer « très vite » sur la baisse de la vitesse, « si jamais il y a un consensus avec les communes limitrophes et en accord avec l'État », a précisé Jean-Louis Missika, adjoint (apparenté PS) à l'urbanisme, à l'architecture, aux projets du Grand Paris, au développement économique et à l'attractivité. Dès l'année prochaine, la voie réservée aux transports en commun, au covoiturage, aux voitures propres et véhicules de secours pourrait, elle, « être expérimentée, d'abord sur des tronçons du périphérique où il y a quatre voies et non pas trois ».

Un réseau de bus à haute fréquence allant de banlieue à banlieue ?

« À l'heure de pointe, chaque voiture transporte 1,1 passager [en moyenne, Ndlr]. En passant à 1,7 on supprime la congestion », souligne l'adjoint (EELV) chargé des Transports, Christophe Najdovski, qui ajoute :

« Paris est la seule ville d'Europe à avoir un périphérique, une autoroute en son centre, mais elle doit composer avec une des plus fortes densités urbaines au monde, proche de celle de Hong Kong avec 30.000 à 40.000 habitants au kilomètre carré et une forte pression sur l'espace disponible.»

Le 10 juin, la présidente du conseil régional d'Île-de-France, Valérie Pécresse, faisait savoir qu'elle avait demandé à Île-de-France Mobilités [IDFM, ex-STIF] de « lancer, en lien avec la Région, un groupe de travail sur l'avenir du périphérique d'ici à la fin du mois de juin, avec une large concertation associant l'État, la Ville de Paris, les départements de petite et de grande couronne, les communes, les établissements publics territoriaux franciliens, ainsi que l'ensemble des acteurs économiques et des associations ». Des premières conclusions sur les usages actuels et les différents scénarios d'évolution en lien avec les transports en commun, sont attendues à l'automne.

Avec ce groupe de travail, la Ville et la Région vont peut-être se retrouver sur deux points : les élus parisiens de la MIE proposent en effet de mettre en place un réseau de bus propres et à haute fréquence, allant de banlieue à banlieue, ne passant ni par Paris ni par le périph, afin d'y réduire la circulation, une compétence dévolue à IDFM. De même, la pollution atmosphérique et sonore ne s'arrête pas aux frontières administratives. Près de 400000 personnes habitant dans un rayon de 150 mètres autour du périphérique sont exposées quotidiennement à un bruit supérieur à 60 décibels, avec des pics à 80-85 décibels, et à des niveaux d'alerte de dioxyde d'azote et de particules fines.

Consultation internationale

En revanche, le Forum métropolitain du Grand Paris, syndicat mixte qui rassemble les territoires franciliens, peut légitimement avoir le sentiment de s'être fait voler la vedette par les deux collectivités. Le 24 mai 2018, il a lancé une consultation internationale sur le devenir des autoroutes, du périphérique et des voies rapides du Grand Paris, en mettant autour de la table la Région, la métropole et la Ville. Outre l'État qui a mis 200.000 euros au budget de 2,675 millions, l'Île-de-France a apporté 1 million d'euros, Paris 1 million aussi, et les départements, la MGP et les communes intéressées ont versé le reste. Face aux enjeux que représente la circulation quotidienne de 150 000 à 200 000 véhicules sur les 800 kilomètres de route que compte l'Île-de-France, la transition écologique et énergétique, ainsi que la révolution numérique et le véhicule autonome, ils ont décidé tous ensemble de se saisir de ces sujets d'infrastructures.

Le 6 juin dernier, au Pavillon de l'Arsenal, le Forum métropolitain a présenté les quatre équipes choisies, à l'issue de la consultation, par le syndicat mixte, la Ville, la Métropole et la Région. « J'espère que les travaux des quatre équipes ne seront pas vains et qu'on obtiendra les conclusions des travaux dès l'automne 2019 », a déclaré Vincent Jeanbrun, président du Forum métropolitain, maire (ex-LR) de L'Haÿ-les-Roses et vice-président du conseil régional, en présence d'Anne Hidalgo, de Patrick Ollier et de Valérie Pécresse. « Des initiatives sont attendues dès octobre 2019 pour poursuivre le travail », a renchéri le préfet de Paris, préfet d'Île-de-France Michel Cadot.