Accès à Internet : de fortes disparités au-delà du périphérique parisien

Si dans Paris intra-muros, la quasi-totalité de la population bénéficie d'offres ADSL, de câble ou de fibre optique de qualité, la situation est très différente au-delà de la petite ceinture. Alors que certains foyers disposent déjà du très haut débit, nombre d'entre eux doivent composer avec un ADSL à bout de souffle.
Pierre Manière
En Seine-Saint-Denis, seules les communes limitrophes du périphérique bénéficient d'un déploiement correct du très haut débit.
En Seine-Saint-Denis, seules les communes limitrophes du périphérique bénéficient d'un déploiement correct du très haut débit. (Crédits : iStock)

En matière d'accès à l'Internet fixe dans la Métropole du Grand Paris, tous les habitants ne sont pas logés à la même enseigne. Loin de là. Pour s'en rendre compte, un bref coup d'œil aux cartes réalisées par le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (Sipperec) suffit. Même si la situation s'est améliorée depuis leur publication, au deuxième trimestre 2017, on observe de très fortes disparités entre Paris intra-muros et les trois départements qui l'entourent - à savoir les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne.

Dans Paris intra-muros, tout semble aller pour le mieux. Dans cette zone très dense, une des plus rentables de l'Hexagone pour les grands opérateurs télécoms nationaux (Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom), difficile de ne pas trouver un foyer éligible au très haut débit (*), qu'il s'agisse du câble, de la fibre optique, ou de l'ADSL amélioré.

La situation est quasiment similaire dans les Hauts-de-Seine. Mais le tableau est loin d'être si beau, en revanche, en Seine-Saint-Denis. Si les communes limitrophes du périphérique sont avancées en matière de déploiement du très haut débit, ce n'est pas le cas pour les communes les plus éloignées. Moins de quatre locaux sur dix du territoire Paris Terres d'Envol, au nord du département, sont éligibles au câble ou à la fibre.

Dans le Val-de-Marne, à l'exception de Paris Est Marne et Bois, il reste encore à faire pour connecter le sud du département, où moins de 70% des locaux peuvent disposer du très haut débit.

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Part des locaux éligibles au très haut débit

[Cliquez sur l'infographie pour l'agrandir.]

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Risque de "désillusion"

Pourquoi de telles disparités ? Parce qu'au-delà du périphérique, le déploiement du très haut débit se fait de manière très différente selon les territoires. On y trouve des zones très urbaines, très densément peuplées, où les grands opérateurs se livrent à une féroce concurrence par les infrastructures. Ces territoires, à l'instar, par exemple, de Fontenay-sous-Bois, dans le Val-de-Marne, sont en général les plus rapidement servis, car les Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom les considèrent comme très rentables. D'autres communes, moyennement denses, et jugées économiquement un peu moins alléchantes, ne font en revanche l'objet de déploiements que par un opérateur. À savoir Orange ou SFR, qui se sont engagés à les couvrir intégralement à l'horizon 2020. C'est le cas, toujours dans le Val-de-Marne, de Cachan, de Nogent-sur-Marne, de Fresnes ou de Choisy-le-Roi.

Même si Orange et SFR clament qu'ils réaliseront leurs déploiements dans les temps, les élus locaux, eux, se montrent depuis des années très inquiets à ce sujet, au regard des travaux effectués jusqu'alors. Sénateur (Les Républicains) de l'Ain et président de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), Patrick Chaize se montre, à ce sujet, pour le moins méfiant.

« Je n'ai jamais cessé de dire, pendant des années, que les opérateurs ne seraient pas au rendez-vous », dézingue-t-il, assurant qu'on risque « une désillusion » si les pouvoirs publics n'y prêtent pas attention.

Reste les communes très peu denses, plus rurales, où des réseaux dits « d'initiative publique » (ou RIP) voient le jour - parfois très lentement - sous la houlette des collectivités et avec l'aide financière de l'État. Ainsi, grossièrement, plus un territoire est peuplé, plus le très haut débit arrive vite. Voilà, en définitive, pourquoi la situation est si hétérogène dans les départements de la petite couronne.

Un ADSL de qualité variable

Quoi qu'il en soit, pour tous les foyers qui ne disposent pas de la fibre ou du câble, l'ADSL constitue la principale solution pour se connecter à Internet chez soi. Le problème, c'est que, là aussi, la situation est très différente selon les communes. Et il arrive que l'ADSL - fourni grâce au vieux réseau cuivré, déployé dans les années 1960 pour apporter à l'origine le téléphone au Français - soit de très mauvaise qualité. Pourquoi ? « Parce que plus les territoires sont étendus, plus la desserte en ADSL est mauvaise, explique Vincent Fouchard, directeur adjoint du Pôle Numérique et Ville connectée au Sipperec.

« C'est mécanique : avec cette technologie, si l'écart entre le local ou l'habitation est supérieur à 4 kilomètres vis-à-vis du central téléphonique, on n'a quasiment plus de débit, et il est impossible d'avoir la télévision. On considère, en général, qu'on dispose d'un débit correct si l'on n'excède pas 1,5 kilomètre. »

L'autre problème, pointé par plusieurs élus locaux, c'est que le réseau cuivré apparaît parfois très dégradé, ce qui plombe la connexion. À ce sujet, Orange, qui est responsable de l'entretien de ces infrastructures, est régulièrement accusé de ne pas y investir suffisamment pour gonfler ses profits. Certains, à l'instar de Patrick Chaize, affirment que l'ex-France Télécom a mis au point une politique visant à profiter, au maximum, de sa « rente du cuivre ». Une accusation qu'Orange, de son côté, ne cesse de démentir fermement. Interrogé à ce sujet en 2016 par 60 millions de consommateurs, l'opérateur l'assure :

« Nous investissons tous les ans non seulement dans l'entretien du réseau en cuivre, mais aussi dans sa modernisation, là où la fibre ne sera pas disponible à court terme. »

Pas de quoi, pour autant, rassurer les foyers qui n'ont, encore aujourd'hui, accès qu'à un ADSL à bout de souffle.

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(*) Soit un débit d'au moins 30 mégabits par seconde.

Pierre Manière

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Commentaires 3
à écrit le 29/06/2018 à 9:54
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Ben chez nous rester en cuivre c'est prendre de gros risques car la foudre préfère passer par les réseaux téléphoniques et a 200m un beau NRA à 60000€ tout neuf non protégé par des declancheurs à particules atomiques (interdits) sautera le prochain t...

à écrit le 27/06/2018 à 10:45
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Les communes "d'initiatives publiques" ont compris depuis longtemps qu'elles seraient laissees sur le bord de la route internet: RIP acronyme premonitoire choisi avec soin. Paris en grand ou Grand Paris, ce n'est pas avant les calendes grecques ou ...

à écrit le 27/06/2018 à 8:57
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"sous la houlette des collectivités et avec l'aide financière de l'État" Ben comme je n'arrête pas de le dire et comme ils n'arrêtent pas de le prouver, confier un service public à un établissement privé c'est forcément se planter et voir émerger...

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