Pourquoi Macron tarde à réformer la gouvernance du Grand Paris

Par César Armand  |   |  1052  mots
Le chef de l'État ne devrait pas procéder à un chamboule-tout dans l'immédiat. (Crédits : Sipa)
Suppression de la petite couronne, avenir des EPT... Le chef de l'État ne cesse de repousser le grand soir institutionnel qui réformerait le Grand Paris. Attendu cet automne, puis ce printemps, il pourrait être repoussé en 2020. Une stratégie pour les élections municipales ?

« L'idée du Grand Paris mérite mieux que ce que nous en avons collectivement fait - il faut bien le dire - de part et d'autre, pour des raisons politiques et pour des équilibres incertains. Mais si nous voulons que le Grand Paris réussisse à l'échelle de ce qu'est la compétition internationale, si nous voulons produire la richesse pour ensuite pouvoir la répartir harmonieusement sur le territoire, nous avons besoin de simplifier drastiquement les structures. »

Le 17 juillet 2017 au Sénat - il y a presque un an ! -, lors de la première Conférence nationale des territoires. Emmanuel Macron promet pour l'automne une conférence territoriale du Grand Paris pour « aboutir à une organisation institutionnelle stabilisée et efficace ».

La rumeur annonce ensuite la tenue de cet événement en décembre à l'occasion de la deuxième Conférence nationale à Cahors. Là encore, il n'en est rien.

Entre Noël et le jour de l'an, un rapport du préfet de Paris et de l'Île-de-France, Michel Cadot, à l'adresse du chef de l'État, dévoilé par Le Monde, évoque une suppression des départements de la petite couronne parallèlement à une montée en puissance des 11 établissements publics territoriaux (EPT). L'hypothèse reviendra mi-mars à Cannes dans les couloirs du Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim) 2018, où plusieurs acteurs privés et publics évoqueront, en off, « une alliance des territoires » prenant possession des compétences des départements et de la métropole.

En parallèle, les sept présidents de conseil départemental, soutenus par la présidente de région Valérie Pécresse, et le président du Sénat Gérard Larcher, s'insurgent contre cette possible dévitalisation et plaident, au-delà des clivages partisans, pour une métropole régionale qui maintiendrait leurs compétences. Ils s'opposent également à toute montée en puissance des 11 EPT, inconnus du grand public et asphyxiés budgétairement, qui pourraient récupérer leur raison d'être, à savoir les politiques sociales.

"Digérer" les décalages du Grand Paris Express

Début janvier 2018, à l'issue d'un séminaire gouvernemental, le Premier ministre assure que le président s'exprimera avant fin février. Entre-temps, le gouvernement - Édouard Philippe et sa ministre des Transports Élisabeth Borne, en tête - annonce, le 22 février, la réalisation des lignes du Grand Paris Express dans leur intégralité certes, mais à des échéances décalées, parfois inacceptables pour les élus locaux.

« Il faut leur laisser le temps de digérer avant de décider quelque chose », avance un représentant grandparisien.

Et en même temps, une proposition de loi sénatoriale visant à élire les conseillers métropolitains au suffrage universel direct par fléchage est adoptée le 5 avril dernier. Le texte ayant été signé par Mireille Jouve, sénatrice des Bouches-du-Rhône (RDSE), groupe parlementaire dont le ministre de la Cohésion des territoires et donc du Grand Paris, Jacques Mézard, était le président avant d'être nommé, et rapporté par Agnès Canayer, sénatrice (LR) de Seine-Maritime, département du locataire de Matignon, beaucoup y vont vu un soutien de l'exécutif aux desiderata du président de la métropole (MGP), Patrick Ollier.

Ce dernier ne ménage pas sa peine pour faire exister sa métropole. Il a lancé le "bus du SCoT", un van qui va aller à la rencontre de la population métropolitaine et co-construire avec elle le schéma de cohérence territoriale (SCoT). Rien dans la loi ne l'oblige pourtant à consulter ses concitoyens. Le lendemain, il implique la MGP dans la consultation internationale du Forum métropolitain sur le devenir des autoroutes, du « périph » et des voies rapides. Une semaine plus tard, il accueille sur le stand de la MGP au salon VivaTech Emmanuel Macron qui y enregistre un message vidéo - « Je compte sur vous » -, repris depuis en boucle sur les réseaux sociaux de la métropole du Grand Paris.

De son côté, Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Île-de-France, ne rêve que d'une chose : la suppression de la Métropole et la récupération de son budget pour créer un fonds régional d'aide aux maires bâtisseurs, furieuse que la compétence logement soit revenue à la MGP et non à son entité. Arbitre du match, la maire de Paris Anne Hidalgo, ne cesse, elle, de défendre la Métropole, dont elle est première vice-présidente. Dans nos colonnes, à l'occasion de la pose de la première pierre du campus Condorcet mi-avril, la première magistrate de la capitale a défendu la Métropole comme « autorité de second rang après la région » en matière de transport, appelant clairement l'Élysée à la suivre :

« Dans les évolutions institutionnelles possibles, cela pourrait faire partie d'une gouvernance plus efficace. »

Et si c'était pour 2020 ?

Dans ces conditions, que va faire le chef de l'État ? Se lancer dans un big bang institutionnel alors que son parti, La République en marche (LRM), n'a presque aucun élu local dans le Grand Paris ? Il pourrait bien se reposer sur les parlementaires de sa majorité, mais il ne devrait pas procéder à un chamboule-tout dans l'immédiat alors que la révision constitutionnelle doit être adoptée à l'automne, voire début 2019.

Et si en fait Emmanuel Macron ne voulait pas réformer dans l'immédiat ? L'hypothèse commence à agiter le microcosme grandparisien.

« Son annonce de juillet 2017 au Sénat ne s'inscrivait-elle pas dans la campagne des élections sénatoriales ? Il les a perdues et donc il n'applique pas encore son programme », dit l'un d'entre eux.

L'avenir de la métropole pourrait devenir un enjeu majeur des élections municipales parisiennes de 2020. Le président n'y a-t-il pas réalisé 35% des voix dès le premier tour de la présidentielle, contre 20% pour Jean-Luc Mélenchon et 10% pour Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste, formation de la maire Anne Hidalgo ? Reste à savoir qui incarnerait le Grand Paris pour LRM. Plusieurs noms circulent, dont celui de Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement et député de la 5e circonscription de Paris.

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+ Voir les résultats du sondage exclusif d'Elabe pour La Tribune : "Quel Grand Paris voulez-vous ?"