Élisons le/la maire du Grand Paris au suffrage universel direct

[Édito] Faire des élections municipales de 2020 les premières à l'échelle du Grand Paris, voilà une vraie réforme à la hauteur des enjeux. Par Philippe Mabille, directeur de la rédaction.
Philippe Mabille
Le Grand Paris Express, réseau circulaire de métro, devrait être mis en service dans son intégralité dans 12 ans : en 2024, en Seine-Saint-Denis ; en 2027, sur le plateau de Saclay ; en 2030, dans le Val d'Oise et les Yvelines.
Le Grand Paris Express, réseau circulaire de métro, devrait être mis en service dans son intégralité dans 12 ans : en 2024, en Seine-Saint-Denis ; en 2027, sur le plateau de Saclay ; en 2030, dans le Val d'Oise et les Yvelines. (Crédits : Société du Grand Paris (capture d'écran))

Bonne nouvelle ! Le cabinet EY vient de faire passer Paris devant Londres (ou Londres derrière Paris...), dans son classement des métropoles européennes les plus attractives. « Le Royaume-Uni semble subir un effet Brexit qui se traduit par une plus grande prudence des investisseurs étrangers », relève-t-il. Après la « cool Britannia », la « relax Francia » est à la mode...

Paris attire aussi parce qu'une stratégie d'attractivité globale est mise en oeuvre par la Ville qui a investi un milliard d'euros depuis dix ans dans le soutien à l'innovation, mais aussi au plus haut sommet de l'État. Emmanuel Macron a appuyé sur l'accélérateur en vantant ses réformes économiques et fiscales devant les patrons des plus grands groupes internationaux, à Versailles, en janvier avant le Forum de Davos, ou plus récemment à l'Élysée avec les géants de la tech.

La France est redevenue attractive, c'est bien, mais pour que cette dynamique se poursuive, il est urgent de ne pas s'arrêter à ces premiers résultats encourageants. Et donc de lever les nombreux obstacles qui limitent encore le potentiel de la première région économique d'Europe. Ceux-ci sont connus : transports publics et routiers congestionnés, avec un allongement dramatique des temps de trajets, logements insuffisants, avec des prix sous tension, enfermement du « petit » Paris hyperdense (105,4 k pour 2,2 millions d'habitants) dans la frontière du périphérique, empêchant l'émergence du « grand » Paris (12 millions d'habitants pour Paris région).

Le Grand Paris est pour la France une urgence économique

Dès avant son élection, Emmanuel Macron a saisi l'enjeu économique et l'opportunité politique du Grand Paris. Lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy, l'idée de créer une véritable métropole monde entre dans son troisième « quinquennat » et tarde à prendre forme faute de cohérence. En juillet 2017, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de « simplifier les structures » afin de clarifier une gouvernance institutionnelle rendue inefficace par la superposition des niveaux de décision : l'État, la Région, la Métropole, les départements, les intercommunalités et les communes, soit six strates administratives, des intérêts divergents, des visions politiques opposées... On imagine le désarroi de l'investisseur demandant à l'image de la boutade de Kissinger : « Le Grand Paris, quel numéro de téléphone ? »

Depuis ? Rien ! Promise pour l'automne, puis l'hiver, puis le printemps, la conférence territoriale du Grand Paris a été repoussée sans cesse, tandis que le gouvernement d'Édouard Philippe a reporté pour des raisons budgétaires le calendrier du super-métro, principale incarnation « physique » du Grand Paris, suscitant la colère des élus et jetant le doute sur sa concrétisation. Ces retards sont gravissimes, car le Grand Paris est pour la France une urgence économique. Le coût de l'inaction est considérable : ce sont autant de projets d'aménagement et d'investissement rendus incertains, de logements non construits, alors que dix ans déjà ont été perdus. Alain Juppé rappelle souvent qu'il lui a fallu quinze ans pour inaugurer le pont Chaban-Delmas. Quinze ans pour un pont quand, dans le même temps, la Chine a construit 15 mégalopoles !

Le Grand Paris, un projet qui peine à s'incarner

Notre sondage réalisé par l'institut Elabe le montre : le Grand Paris bénéficie d'un capital de notoriété auprès des Franciliens, qui font des transports la priorité absolue. Mais moins de la moitié savent au fond de quoi il est question, signe d'une connaissance partielle et floue du projet qui peine à s'incarner. Il est donc plus que temps de choisir : Métropole-Région ? Région-Métropole ? Ville-Métropole ? Maintien ou suppression des départements de petite couronne ? Tout est sur la table, et c'est au chef de l'État qu'il revient de trancher. Emmanuel Macron a eu tout le temps de prendre la mesure de la complexité politique du dossier. Dans ce grand bazar, il y a au moins deux échelons de trop et trop de compétences superposées.

Un an après, le constat est toujours le même : la Métropole peine à exister ; la Ville de Paris et la Région Île-de-France ne se parlent pas ! Pendant ce temps, tous les Franciliens sont les victimes d'une opposition de plus en plus anachronique entre « Parisiens » et « banlieusards », comme l'a montré l'épisode de la fermeture des voies sur berges.

Risquons une hypothèse : si l'on admet l'idée que le Grand Paris, c'est la zone dense correspondant en gros aux frontières actuelles de la métropole, pourquoi ne pas aller au bout de la loi Maptam et élire au suffrage universel direct les conseillers métropolitains, dont serait issu un ou une maire du Grand Paris ? Doté-e de la légitimité démocratique nécessaire pour piloter dans une gouvernance partagée ce territoire, le ou la président-e élu-e de ce « directoire » d'intercommunalités pourrait alors enfin donner une cohérence d'ensemble à la politique de transports, à la politique du logement et d'aménagement urbain, imposer une péréquation financière pour rééquilibrer les territoires.

Faire des élections municipales de 2020 les premières à l'échelle du Grand Paris, voilà une vraie réforme à la hauteur des enjeux. Et puis on ne sait jamais : La République en Marche pourrait même sortir victorieuse du scrutin ! Une arrière-pensée qui n'a sans doute jamais effleuré Emmanuel Macron, bien sûr...

Philippe Mabille

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Commentaires 9
à écrit le 19/06/2018 à 8:52
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Oui, oui, une election. Le plut tot sera le mieux, mais seulement apres une selection drastique chez les pretendants. Comme si c'etait une presidentielle .....Un tres bon ou une tres mauvaise. Super projet. Votons donc.

à écrit le 19/06/2018 à 7:46
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Comment ouvrir la boite de pandore du manque de légitimité des nommés et élus au suffrage indirect...Que pense l'auteur de la légitimité des sénateurs ? des commissaires européens? De nos ministres? Du rapport Spinetta?

à écrit le 18/06/2018 à 21:43
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Oh oui ! Donnons-nous vite un nouveau potentat qui va nous pressurer d'impôts nouveaux et nous tondre un peu plus, sans même attendre qu'on simplifie le millefeuille administratif francilien, encore plus prononcé ici que dans le reste de la France. F...

à écrit le 18/06/2018 à 16:04
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Il faudrait commencer par l'élection du maire de Paris Il est scandaleux qu'un(e) maire puisse être élu(e) en étant minoritaire (suffrages) !

à écrit le 18/06/2018 à 12:26
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7 strates de structures, et de Couts-gaspill !!!!!!, et de procédures, et de technocratie. Ex : 15 ans, entre les votes d'un pont, bureaucratie et son inauguration. Les concernés ( Barons rouges ou Bleus) Bloqueront le dégraissage massif du Mammout...

à écrit le 18/06/2018 à 11:56
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très bien et logique. pas mieux

à écrit le 18/06/2018 à 11:07
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Le grand Paris représente un poids économique et démographique trop important pour qu'on laisse se créer un président élu sur le même mode que le président de la république française, et qui soit en mesure de lui opposer une légitimité presque aussi ...

le 18/06/2018 à 12:18
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il n y aura jamais de guerre civile (meme verbale) entre un maire de paris et un president de la republique tout simplement car ce ne sont pas 2 fonctions identiques. l un s occupe de la defense, de la diplomatie et du pays globalement, l autre des m...

à écrit le 18/06/2018 à 9:54
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Le problème de fond est qu'il faut supprimer certaines strates du millefeuille. Pour cela, il faut supprimer les postes d'un nombre considérable d'élus carriéristes. Bref, il faut trancher dans le lard de certains, ça va leur faire très mal, mais c'e...

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