Interview de Jean-Louis Muscagorry, délégué régional, RTE Normandie-Ile-de-France

Dans le cadre du Forum économique du Grand Paris organisé par la Tribune et le Journal du Grand Paris, le réseau de transport d’électricité est intervenu sur les enjeux du réseau d’électricité pour accompagner le développement du Grand Paris. Retour avec Jean-Louis Muscagorry, Délégué régional RTE Normandie-Île-de-France.

Quels sont les grands enjeux énergétiques liés au Grand Paris ?

Le premier enjeu est la soutenabilité électrique. C'est une condition indispensable à la réussite d'une ville-monde. L'Île-de-France et le Grand Paris sont dépendantes des solidarités construites avec leurs régions voisines. Aujourd'hui, 95% de l'énergie consommée n'est pas produite en Île de France.

Ensuite, il faut construire cette soutenabilité dans le cadre de la transition énergétique et prendre en compte les nouveaux modes de production de l'énergie. Il faut aussi anticiper les nouveaux modes de consommation : la flexibilité, par exemple, avec le désir croissant de la part des entreprises de mettre en œuvre des moyens d'effacement si la possibilité leur en est offerte. Il faut développer ces nouveaux outils ainsi que permettre aux consommateurs d'aller sur le marché de l'électricité pour bénéficier de cette économie.

Quelle production supplémentaire d'électricité nécessitera le Grand Paris ?

Nous constatons une ambition en matière de voiture électrique (1 million de véhicules électriques sont annoncés), une ambition en matière de logement (1 million de logements supplémentaires), un nouveau réseau public de transport avec le Grand Paris Express, mais aussi la prolongation des lignes de tramways et de métro.... Si l'on additionne ces besoins, on arrive à 2400MW de puissance supplémentaire. Précisons que ce chiffre prend en compte l'effet de l'efficacité énergétique que l'on estime à plus de 1000 MW et qui a déjà réduit les besoins supplémentaires.

Vous disiez que l'IDF produit moins de 5% de son électricité, où aller chercher cette électricité nécessaire?

Notre mission est d'acheminer l'électricité des centres de production vers les lieux de consommation, et d'assurer un équilibre instantané entre l'offre et la demande. Nous allons donc chercher l'électricité là où elle est produite. Aujourd'hui, les sites nucléaires comme Paluel, Penly, Flamanville fournissent une grande partie de l'électricité. Demain elle sera renouvelable avec les parcs éoliens offshore au large de Courseulles-sur-Mer, de Fécamp ou du Tréport. Ce sont ces nouvelles sources d'énergie qui vont permettre d'alimenter le Grand Paris. Mais l'on peut également aller chercher l'électricité au-delà des frontières nationales. La mise en service récemment d'une liaison entre la France et l'Espagne soutient l'équilibre offre-demande en temps-réel, puisque ce lien rapproche des profils de production différents avec le photovoltaïque en Espagne, et des profils de consommation qui sont complémentaires. Cette capacité de rapprocher des complémentarités, c'est le service de la future Europe de l'électricité qu'offre le réseau et l'enjeu sur lequel nous travaillons.

Quel sera le rôle concret de RTE dans ce projet, où vous placez-vous dans la chaîne des acteurs ?

Il s'agit d'abord de développer l'infrastructure qui rend tout cela possible. Cela représentera un investissement annuel de près de 190 millions d'euros. Il s'agit pour nous de préparer le réseau à ces évolutions, afin que les grandes autoroutes électriques qui sont autour de l'Île-de-France puissent accueillir cette production nouvelle. Un projet de renforcement des liaisons entre Cergy et Persan est par exemple en cours ainsi que des projets en collaboration avec Enedis [anciennement ERDF, ndlr] en développant les lieux d'extraction d'énergie. Un troisième enjeu est celui du numérique : le numérique au service de l'efficacité des réseaux, mais aussi au service de l'intervention citoyenne dans la transition énergétique. C'est ce qui nous a conduit à publier les données de la consommation et de la production en temps-réel dans une application Eco2mix afin que chacun puisse être acteur de la transition énergétique.

Est-ce que les transferts de compétences entre les acteurs publics ont un impact sur votre façon de travailler ?

Chaque échelon souhaite avoir une part dans la gouvernance de la transition énergétique. Il est légitime que chacun puisse exprimer des politiques publiques. Notre responsabilité est de rendre compte des éléments de compréhension de ces enjeux, mais aussi de mettre à disposition notre expertise et les données qui permettent d'orienter les politiques publiques. C'est là que réside notre mission d'intérêt général. Nous avons des interlocuteurs à la Commission européenne, des interlocuteurs historiques au niveau de la gouvernance nationale, au niveau régional, et maintenant au niveau de la métropole. Mais ce sont finalement les mêmes données que l'on transmet à tout le monde parce qu'elles sont caractéristiques du fonctionnement et de l'effet de la transition énergétique.

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