Loi anti-gaspillage à l'Assemblée : la REPonse des industriels pour de nouveaux modes de production

Cette semaine, l'Assemblée nationale examine le projet de loi sur l'anti-gaspillage pour une économie circulaire, déjà adopté par le Sénat. Ce texte compte étendre à d'autres filières la Responsabilité Elargie des Producteurs - REP. Déjà, les piles, les vieux papiers, les bouteilles, et même les matelas ont une seconde vie ! Exemple, précisément, avec la REP Ameublement, l'une des filières les plus dynamiques. Deux acteurs clés témoignent : Eco-mobilier, l'éco-organisme de la filière des déchets d'éléments d'ameublement et Recyc Matelas Europe, un des opérateurs historiques d'Eco-mobilier.
(Crédits : Recyc Matelas Europe)

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », déclarait Lavoisier. Le chimiste, philosophe et économiste, guillotiné en 1794, est plus que jamais d'actualité. Ce principe de la Responsabilité Elargie des Producteurs (REP) est repris dans la loi française depuis 1975. Emballages ménagers, piles, papiers, équipements électriques et électroniques, pneus, médicaments... doivent tous être collectés pour être recyclés. Sans oublier les meubles et les matelas ...

L'ameublement en première ligne

De fait, à l'occasion du Grenelle de l'environnement, en 2010/2011, le législateur a voté la mise en place d'une filière REP pour l'ameublement (article 541-10-6 du Code de l'environnement). En réponse, les industriels de l'ameublement et les distributeurs se sont engagés pour répondre ensemble à cette nouvelle obligation. Eco-mobilier, SAS à but non lucratif, est alors créée fin 2011 par 12 distributeurs et 12 fabricants français. Sa mission : réduire l'impact environnemental du mobilier en fin de vie et détourner le mobilier usagé de la mise en décharge, « qui concernait plus de 50% du mobilier et près de 100% pour les matelas. Depuis sa création, Eco-mobilier a collecté près de 2 millions de tonnes de meubles usagés, qui ont été valorisées en matière ou en énergie à plus de 90 %. L'ambition d'Eco-mobilier et de ses adhérents est de viser 100% de valorisation pour les meubles d'ici trois à cinq ans », précise Dominique Mignon, présidente d'Eco-mobilier.

Cette ambition est partagée par les entreprises qui interviennent depuis 2013 sur la filière de recyclage de l'ameublement. Illustration particulière avec Recyc Matelas Europe qui affiche depuis 2018 un taux de valorisation proche de 100%.

Avec 15 000 tonnes de produits de literie en fin de vie démantelés et valorisés par an, Recyc Matelas Europe (RME), créée par Jérémy Settbon et Franck Berrebi en novembre 2010, est devenue un acteur de référence dans ce secteur, aux côtés d'autres comme Secondly et Envie. Aujourd'hui, RME souhaite se développer dans d'autres pays européens. « Nous avons déjà un site en Belgique en joint venture avec Suez Belgium. Ce modèle pourrait être dupliqué dans d'autres pays européens en nous appuyant sur des acteurs locaux », détaille Jérémy Settbon, directeur général de Recyc Matelas Europe.

Et ils partaient de loin ces deux cofondateurs ... « A son lancement en 2010, il n'existait pas de réglementation sur ce marché. Les matelas allaient à l'enfouissement ou étaient incinérés. Dès sa création, Recyc Matelas Europe a initié une démarche pour fédérer des acteurs et a créé l'une des premières unités recyclage et de valorisation des matelas en France », se souvient Jérémy Settbon.

Des matelas recyclés ... et du lait en plus

Recyc Matelas Europe participe ou incite les industriels, les acteurs de l'ameublement ou du bâtiment à incorporer une partie des matières premières issues du recyclage dans la fabrication de produits finis : des canapés dans l'ameublement ou des produits d'isolation pour le bâtiment. Mais pas seulement !

Si les vaches produisent plus de lait, c'est grâce à... Recyc Matelas Europe. Etrange, mais vrai ! « Nous travaillons avec une société qui valorise les déchets de latex extraits des matelas que nous recyclons pour en faire des tapis pour les élevages laitiers, explique ainsi Jérémy Settbon. Et le résultat, c'est que les vaches, plus confortables, produisent 40 % de lait en plus ». Sur ses trois sites en France, Recyc Matelas Europe recycle pas moins de 95 % des produits utilisés pour confectionner des matelas. Usagés, ils peuvent avoir une autre vie, puisqu'il ne s'agit pas seulement de récupérer les matières premières, mais de les valoriser sous une autre forme. Les matières premières latex, mousse, laine et métal sont donc majoritairement transformées et réintroduites dans le process de fabrication de produits d'isolation, d'ameublement, d'automobile mais également pour l'agriculture. « Notre savoir-faire consiste à identifier et prospecter les sociétés qui pourront œuvrer à la valorisation des produits recyclés », relève ainsi Jérémy Settbon.

Grâce à sa technologie et à son savoir-faire métier, Recyc Matelas Europe valorise le métal, le latex, la mousse PU, le coton, la laine et le feutre en circuit court pour leur réemploi dans l'industrie automobile, l'ameublement et le bâtiment et 30% en valorisation énergétique (Combustible Solide de Récupération) pour la fraction textile.

Des canapés transformés... en combustible solide

Comme pilote de la filière, Eco-mobilier a lancé il y a deux ans un programme de R&D pour accompagner les projets innovants des entreprises sur la thématique du recyclage et de la valorisation. « De nouvelles pistes de recyclage mécanique ou chimique des matelas sont prometteuses, ouvrant de nouvelles opportunités pour ces matières », se félicite Dominique Mignon.

Ainsi, la valorisation des sièges et des canapés se fait sous forme de combustible solide de récupération. « Nous travaillons aussi avec les professionnels des déchets et de l'énergie et les pouvoirs publics, dans le cadre du comité stratégique de la filière bois, pour faciliter l'utilisation du bois de meuble comme combustible en énergie, poursuit-elle. Et en 2020, pour recycler plus, nous mettons en place un soutien financier pour les fabricants et distributeurs qui incorporent de la matière recyclée dans leurs produits. »

Étendre la REP

Si la filière de l'ameublement est particulièrement active dans le secteur du recyclage et de la valorisation, d'autres filières se structurent désormais pour faire face aux enjeux environnementaux et sociétaux qui se jouent avec la REP.

« Les débats parlementaires portent sur les extensions de périmètre et la création de nouvelles filières. Ce qui nous semble important, c'est de proposer des solutions économiques et performantes aux secteurs concernés tout en prenant comme base de constructions des filières les circuits de collecte déjà développés par les entreprises et leurs opérateurs, pour les déchets du bâtiments, par exemple », avance Dominique Mignon. Le contexte actuel des débouchés en France tous matériaux confondus (plastique, bois, carton...) est très critique. Dominique Mignon ajoute que « les filières de recyclage sont saturées et les opérateurs sont dépendants de l'export pour gérer les déchets. La loi Economie Circulaire doit permettre de construire un véritable Plan Industriel de reconquête de notre industrie française du recyclage. Nous pensons que la loi est l'occasion d'expérimenter la mise en place de certificats recyclage, comme ce qui existe pour l'énergie (CEE), afin de stimuler la demande en matière recyclée et donner afin de la valeur économique à la matière recyclée ».

Jérémy Settbon abonde dans son sens : « Grâce aux Certificats d'Économies d'Énergies (CEE), Recyc Matelas Europe va offrir une réponse au problème de passoire énergétique, en fabricant en interne l'isolant le plus utilisé du marché », ajoute-t-il. L'industriel français entend ainsi aller plus loin dans la chaîne de valeur en proposant de vendre cet isolant issu du démantèlement et de la transformation de matelas aux prescripteurs du marché de l'isolation pour des foyers en grande précarité énergétique.

D'autant que les habitudes, et les mentalités, évoluent. « Les consommateurs sont de plus en plus demandeurs d'information, de critères fiables et vérifiables sur les composants, les matériaux... des produits qu'ils achètent. Les éco-organismes peuvent contribuer à cette bonne information », souligne Dominique Mignon. Et à partir de 2020, l'éco-participation d'Eco-mobilier pour les meubles sera fonction de la recyclabilité des matériaux qui les composent. On constate aussi pour le meuble un développement important du DIY et de la seconde vie. Des sites de revente ou de don se développent et de grandes quantités de produits d'occasion transitent par ces canaux chaque année.

De nouvelles obligations et de nouvelles opportunités

Le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire inclut de nouvelles mesures, telles que l'interdiction d'éliminer des produits neufs invendus. Les producteurs, importateurs et distributeurs, y compris pour la vente à distance, auront ainsi l'obligation de les réutiliser ou de les recycler. Et la consigne fait son grand retour. Enfin, la signalétique Triman, indiquant l'obligation de recyclage, sera apposée sur les produits concernés.

Si le législateur veut accroître la portée de l'économie circulaire, c'est d'abord parce que les citoyens sont de plus en plus convaincus de ses bienfaits, mais aussi parce que des filières, comme celle de l'ameublement, se sont montrées créatrices de valeur et ont su créer avec les acteurs du déchets une dynamique industrielle d'investissement sur les territoires.

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